Faillite de Silicon Valley Bank : un potentiel désastre mondial en trois actes

Faillite de Silicon Valley Bank : un potentiel désastre mondial en trois actes Fermée par les autorités, la banque préférée des start-up US affole le secteur bancaire mondial et menace tout l'écosystème tech américain.

Géants bancaires qui tressaillent, start-up qui s'affolent, en deux jours une banque américaine désormais mise sous tutelle et connue des seuls initiés a réussi l'exploit de réveiller en même temps les démons de la bulle Internet et les douloureux souvenirs d'Enron et de Lehman Brothers. Explications en trois points.

1. Une banque trop exposée aux start-up américaines

La Silicon Valley Bank est l'établissement bancaire privilégié des jeunes pousses de la tech américaine. Selon Reuters, elle est le partenaire bancaire de près de la moitié des start-up américaines financées par capital-risque qui sont entrées en bourse en 2022.

Des start-up qui ont profité des politiques monétaires accommodantes post-covid pour accumuler du capital grâce aux investissements des fonds qui ne savaient plus quoi faire de leur cash. Un capital dont elles n'avaient pas forcément besoin pour avancer et qu'elle ont donc confié à la Silicon Valley Bank. Celle-ci a investi cet argent dans des bons du Trésor américain, soit des placements à très faible risque. Un cercle parfaitement vertueux tant que les taux bancaires restaient bas et que les start-up continuaient donc à lever des fonds sans souci.

2. La fin de l'argent gratuit, le début des ennuis

Tout a basculé lorsque la Fed a remonté ses taux d'intérêt pour lutter contre la forte inflation actuelle. Les crédits devenus très coûteux, les fonds se sont taris, les start-up doivent trouver d'autres sources de financement.

Plutôt que d'emprunter, les start-up ont en toute logique souhaité utiliser leurs propres fonds, déposés à la Silicon Valley Bank. Problème : leur argent est placé et n'est donc pas tout à fait liquide. Pour répondre à la demande de ses clients, la banque a dû vendre en catastrophe une partie de son  portefeuille obligataire de 21 milliards de dollars. Une liquidation d'urgence qui a provoqué une perte de 1,8 milliard de dollars pour la Silicon Valley Bank suite à la baisse de valeur des titres vendus (une perte supérieure aux revenus nets de la banque sur toute l'année 2021).

Pour rassurer ses clients, la banque américaine a annoncé mercredi 8 mars lancer une augmentation de capital pour se renflouer, à hauteur de 2,25 milliards de dollars. Mais l'effet escompté n'a pas eu lieu. Cette annonce a même semé la panique. Plusieurs fonds d'investissement influents dans la Silicon Valley, à l'image du Founders Fund de Peter Thiel, ont conseillé aux entreprises de leur portefeuille de retirer leur argent de la Silicon Valley Bank. Les start-up les ont écoutés et ont retiré leurs dépôts de l'établissement ; en somme, un bank run.

Résultat, à la clôture des cours jeudi 9, l'action de SVB Financial Group, propriétaire de la Silicon Valley Bank, s'était effondrée de 62% en deux jours. Il n'en fallait pas plus pour que les autorités américaines décident le vendredi de fermer Silicon Valley Bank et confient le contrôle des dépôts à l'agence américaine chargée de les garantir, la FDIC. A court terme, seuls les retraits de 250.000 dollars devraient être autorisés.

3. Le secteur bancaire dans la tourmente, l'Etat à la rescousse

Le marché a vite réagi à la chute de la Silicon Valley Bank. En effet, l'ensemble du secteur bancaire américain, déjà fragilisé par la liquidation de Silvergate (lire notre article Silvergate : la crise de trop pour l'écosystème crypto ?) a été entraîné dans son sillage. Les quatre établissements bancaires les plus importants de Wall Street, à savoir Citi, J.P. Morgan, Wells Fargo et Bank of America, ont perdu ensemble 52 milliards de dollars de capitalisation sur la seule journée de jeudi. Dans le même temps, l'indice KBW Bank a chuté d'environ 7%. Pour éviter un risque de contagion, les autorités bancaires américaines ont annoncé dimanche soir que les banques malades ne seront pas sauvées, mais saisies, et que leurs clients seront protégés et pourront accéder à l'intégralité de leurs dépôts dès ce lundi. De quoi rassurer les entreprises de la tech américaines, le rôle de SVB étant crucial dans leur financement. 

La contagion a également gagné le secteur financier européen. Faiblement du côté des grandes banques françaises, avec des chutes inférieures à 2% de leurs cours entre les clôtures de mercredi 8 et du vendredi 10, grâce à un léger redressement le vendredi, plus fortement chez nos voisins européens : à Francfort, le cours de Deutsche Bank perd 8,2% sur la période, et à Londres, celui de Barclays chute de 6,2%.