Renaud Laplanche (Lending Club) "Nous voulons transformer le système bancaire américain"

Le 2 mai dernier, Google investissait 125 millions de dollars dans Lending Club, une plateforme spécialisée dans les prêts entre particuliers créée par un Français, Renaud Laplanche. Son fondateur et CEO dévoile ses projets.

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Renaud Laplanche, cofondateur et CEO de Lending Club. © Conroy

Que propose Lending Club ?

Nous facilitons des prêts en direct entre investisseurs et emprunteurs, utilisés dans un tiers des cas pour financer l'achat d'un bien et dans deux tiers des cas pour solder une carte de crédit. Aux Etats-Unis, la dette totale des ménages sur les cartes de crédit est de 850 milliards de dollars, et la plupart d'entre elles ont un taux de 16% à 18%. Nous permettons aux emprunteurs de refinancer leurs emprunts à taux moindre, grâce au financement direct des particuliers et à notre structure de coût inférieure à celle d'une banque traditionnelle. En 2012, 780 millions de dollars ont ainsi été prêtés. Nous en visons deux milliards cette année. Notre réseau compte 80 000 investisseurs actifs pour 120 000 emprunteurs, et le montant moyen prêté par les investisseurs est de 12 000 dollars.

Le 2 mai dernier, Google est entré dans le capital de Lending Club en rachetant, aux côtés de Foundation Capital, des parts d'actionnaires existants pour 125 millions de dollars (7% du capital). Chose rare, Google n'a pas investi à travers son fonds Google Venture. Pourquoi ? Comment l'idée du rapprochement est-elle née ?

L'investissement de Google était différent de l'approche purement financière de Google Ventures. Nous avons commencé par engager des discussions stratégiques concernant d'éventuels produits que l'on pourrait élaborer ensemble. L'idée d'un rapprochement n'est venu qu'après. Google s'est dit que les projets qu'on était en train de créer ensemble pourraient être très intéressants pour Lending Club. Ils ont alors pensé à nouer des liens capitalistiques avec nous. Puisque nous n'avions pas besoin de financement, la société étant déjà rentable, nous avons opté pour un rachat d'actions plutôt qu'une levée de fonds classique.

Quel rôle Google va-t-il avoir dans Lending Club ?

"Nous travaillons avec Google sur des points d'intégration aux Etats-Unis"

Google vote en tant qu'actionnaire aux assemblées générales mais pas au conseil d'administration. Nous travaillons en ce moment sur plusieurs points d'intégration de nos services à ceux de Google sur le marché américain. Les services financiers sont très spécifiques à chaque pays et à son environnement réglementaire. Même si nous prendrons peut-être un jour la décision de lancer notre offre dans d'autres pays, elle visera pendant encore longtemps uniquement les Etats-Unis

Vous avez annoncé préparer l'entrée en bourse de Lending Club. Vous êtes-vous fixé un calendrier précis ?

Je pense que nous serons prêts à entrer en bourse en 2014. Mais cela dépendra de le conjoncture et des conditions de marché. Le but de l'IPO n'est pas d'effectuer une sortie au prix le plus haut possible. C'est une manière d'augmenter la visibilité de la société, de la rendre plus crédible et de continuer à construire la marque. Nous voulons consolider une société qui a vocation à être très pérenne et à transformer le système bancaire américain dans les dix ans à venir.

Google pourrait-t-il monter davantage au capital ?

Nous n'avons pas fixé de plafond ni élaboré de plan ferme. Mais il y aura peut-être d'autres opportunités, pour Google comme pour les autres actionnaires, d'acheter d'autres actions avant l'IPO.

Est-il dans vos projets d'exporter Lending Club à l'étranger, et plus particulièrement en France ? Ou bien la réglementation vous en empêche-t-elle ?

Le marché du crédit aux particuliers aux Etats-Unis est si vaste que nous n'avons aucun plan d'internationalisation à court ou moyen terme. Comme je l'ai dit, le solde des cartes de crédit pèse 850 milliards de dollars. D'autres marchés sont à notre portée, comme celui du crédit à la consommation qui représente 2 700 milliards de dollars ou encore celui des crédits hypothécaires qui pèse quant à lui 12 000 milliards de plus. Ces trois dernières années, nous avons doublé le montant des sommes prêtées et nous pensons pouvoir continuer sur la même lancée.

"Les réglementations financières ne sont pas plus souples aux Etats-Unis qu'en France"

En France, la plateforme "Prêt d'union" a montré qu'il est possible de monter un service similaire. C'est vrai qu'ils ont eu besoin de plus de temps que nous pour obtenir les agréments nécessaires mais nous sommes passés par les mêmes obstacles. Il faut prendre conscience que l'environnement n'est pas forcément plus souple aux Etats-Unis. Les réglementations financières sont particulièrement strictes, surtout depuis 2008.

Quels sont vos futurs axes de développement ?

En 2013 et 2014, nous allons travailler sur de nouveaux produits de crédits responsables pour les emprunteurs. Nous voulons continuer à être les "good guys" des services financiers et développer de bons produits pour les consommateurs. Tous nos prêts seront à taux fixe, le plus bas possible, et amortissables. La gestion du risque de crédit est le cœur de compétence de la société. Sur les dix prochaines années, l'idée est de diversifier nos produits : crédits à la consommation, prêts hypothécaires... Et le prêt aux entreprises fait également partie de nos axes de développement, certainement d'ici fin 2014.

Avocat de formation et diplômé de HEC, Renaud Laplanche travaille pendant cinq ans pour le cabinet d'avocats américain Cleary Gotlieb, à Paris puis à New York. En 1999, il co-fonde TripleHop, qui développe un moteur de recherche pour les entreprises, Matchpoint. La société est rachetée par Oracle en 2005. Un an plus tard, Renaud Laplanche cofonde Lending Club. Il en est aujourd'hui le PDG. Il a été élu entrepreneur de l'année 2012 aux BFM Awards.