Métaverse : un seul terme pour des mondes bien distincts

Métaverse : un seul terme pour des mondes bien distincts Le terme de métaverse est aujourd'hui appliqué sans cohérence pour des usages pluriels, et parfois très éloignés. Le JDN propose une typologie pour mieux s'y retrouver.

A l'origine, lors de sa première incursion dans le vocabulaire au sein du roman Snow Crash, le métaverse signifiait une infrastructure hébergeant des dimensions interconnectées. Aujourd'hui, il faut composer avec des métaverses, soit une multitude de représentations de ce concept d'environnement immersif.

Une immersion avant tout ludique

L'une des principales utilisations d'un métaverse est le divertissement. Un cas d'usage créé par des plateformes de jeu et interactives : depuis Second Life en 2002, les internautes se promènent dans les mondes virtuels connectés à des fins ludiques. Si ce pionnier du métaverse existe toujours, fréquenté par environ 600 000 utilisateurs actifs mensuels (MAU), ce sont Roblox, Minecraft et Fortnite qui se taillent aujourd'hui la part du lion en cumulant plus de 250 millions d'utilisateurs dans le monde.

Autrefois plateforme la plus fréquentée (93 millions de MAU estimés), Minecraft est une plateforme de mondes virtuels, faits de blocs en partie assemblés par les joueurs eux-mêmes. Un principe similaire à celui de Roblox, désormais leader de ce segment (100 millions de MAU) et surtout utilisé en mode multijoueurs. Autre acteur de taille, Fortnite compte quant à lui environ 80 millions d'utilisateurs actifs mensuels pour ses batailles royales.

Mais si ces plateformes sont avant tout des zones de jeu, elles prennent aujourd'hui le qualificatif de métaverse en tant que théâtres de nouvelles expériences conçues par des marques et artistes : Nike, Givenchy, Gucci, H&M ou encore Walmart ont tour à tour investi Roblox depuis 2021 ; après avoir banni les marques en 2016, Minecraft leur ouvre désormais les bras, comme l'illustrent les collaborations avec Burberry, Lacoste ou Uniqlo ; du côté de Fortnite, on y a vu des concerts de Travis Scott, d'Ariana Grande, un jumeau du festival de Cannes en partenariat avec le média Brut ou une collaboration avec la marque Balenciaga. Autant d'activations qui procurent à ces plateformes une nouvelle dimension sociale. On peut même y assister à du stand-up : c'est la spécialité du Failed to Render Comedy Club qui se produit sur Horizon Worlds ou VR Chat.

Mêler jeux et interactions, c'est aussi l'objectif des métaverses du Web3 : The Sandbox, Decentraland, Voxels, Somnium… Ces derniers se démarquent par leur volonté de mieux redistribuer la valeur générée par le contenu créé par les utilisateurs. Ces derniers sont en mesure d'acquérir l'entière propriété de leurs actifs numériques - accessoires, avatars, terrains – et de les monétiser en percevant la majorité de leurs gains, contrairement aux pratiques des homologues du Web2, dont les taxes sur les transactions peuvent atteindre 70%. Si ces plateformes plus décentralisées sont encore loin d'attirer autant d'utilisateurs (The Sandbox, la plus fréquentée, revendique 200 000 utilisateurs actifs mensuels pour sa saison 3 alpha), elles ne sont pas pour autant délaissées par les marques et artistes : Gucci, Playboy,  Snoop Dogg, les Schtroumpfs ou encore Paris Hilton ont investi les terrains virtuels de The Sandbox tandis que Heineken, Samsung, Nike et Starbucks en ont fait de même dans Decentraland. Les réfractaires aux centres commerciaux apprécieront quant à eux la possibilité de voir ou de participer à des mouvements sociaux, comme cette manifestation de la fondation Superflus devant les locaux virtuels de Samsung dans Decentraland, une initiative rappelant celle de 1 850 avatars manifestant au siège d'IBM dans Second Life en 2007.

Les miniverses

Un métaverse n'est pas nécessairement une infrastructure qui s'inscrit sur la durée : des environnements immersifs 3D isolés et à durée de vie limitée sont souvent créés pour de l'évènementiel, comme les concerts produits par la société française Vrroom avec Jean-Michel Jarre, ou pour des opérations commerciales, notamment du shopping :  Dior Beauty, Estée Lauder, Fendi ou Jo Malone ont tour à tour proposé à leur clientèle ce type de dimension interactive à 360° avec des mini-jeux, des interfaces de testing produit AR ou de présentation. Des créations dont la startup française METAV.RS ou l'agence Cosmic Shelter se sont fait la spécialité.

Au boulot dans le métaverse

Réplique numérique d'agence Crédit Agricole. © Virteem

Le concept de métaverse trouve également ses applications dans le secteur de l'entreprise : réunions, formations et cours sont désormais des activités ayant leur place au sein des mondes virtuels. Plusieurs infrastructures existent pour les sociétés désireuses de créer leur expérience virtuelle, comme celles de Spatial.io (gratuite ou payante pour des capacités supérieures à 50 personnes) qui propose des mondes virtuels réalistes comme des bureaux, auditoriums ou autres espaces de réception ; en France, l'entreprise Virteem conçoit justement des plateformes sur-mesure, adoptées par des groupes comme PSA, Axa, Vinci ou des collectivités pour la virtualisation de territoire à des fins d'accompagnement touristique. La société azuréenne est une des pionnières du secteur, née en 2012 sous le nom de Groupe VIP 360.  

Le secteur éducatif n'est pas en reste et constitue une autre des applications du métaverse, comme l'illustrent les expériences de l'université technologique de Monterrey ou celle de San Diego qui ont ainsi créé leur campus virtuel avec la solution Virbela. C'est d'ailleurs sur la technologie de Virbela que s'appuie l'agence immobilière eXp Realty, qui dispose d'une filiale en France, pour sa plateforme métaverse. Aujourd'hui, la société ne possède plus de bureau physique et s'est entièrement dématérialisée : ses conseillers, indépendants, se connectent à la plateforme pour les réunions ou présentations immersives.

Pour les seules réunions, Meta propose aussi sa solution WorkRooms, un brin moquée pour son graphisme enfantin et concurrencée par la solution lancée par Cevat Yerli (fondateur du studio de jeu vidéo Crytek), ROOM 3D. Celle-ci se positionne sur une offre d'environnements pensés pour reproduire un sentiment de réalité, comme un café parisien, directement via le navigateur internet.

Les jumeaux numériques

Le secteur industriel bénéficie déjà de l'apport de ces technologies, notamment par l'émergence des jumeaux numériques, une notion synonyme de réplique virtuelle d'une infrastructure ou d'outil existants. Renault Group a notamment présenté en octobre 2022 sa propre solution de métaverse industriel, qui reproduit numériquement des équipements connectés de sa supply chain et agrège les données récoltées. Dans le même temps, ces unités de production modélisées peuvent servir à d'autres usages, telles que la formation de ses collaborateurs en simulation virtuelle.

L'immobilier n'est pas en reste : la solution W.I.R.E.D de BNP Paribas propose de s'immerger dans une réplique numérique de ville, complétée par des données publiques (transactions immobilières passées, immobilier disponible, projets d'aménagement urbain). Encore en gestation, mais déjà lancé par une prévente de jetons de plus de 6 millions d'euros, le projet Versity des Agences de Papa prévoit, lui, de porter la transaction immobilière classique dans le métaverse.

Dans le secteur de la santé, la société GigXR a développé des environnements immersifs de formation (Holopatient) ou un jumeau numérique de corps humain pour l'anatomie (Holohuman), des applications idéales pour l'expérimentation et la recherche.