Après l'engouement des NFT, l'heure de vérité : quel avenir pour ces actifs numériques ?

La technologie blockchain et les NFT ont connu un engouement en 2021, mais l'intérêt s'attenue avec la chute des transactions de NFT de 37% entre janvier 2022 et 2023.

Dans les innovations de rupture apportées par la technologie blockchain, celle des NFT (ou jetons non-fongibles en français) a connu un engouement total en 2021. La consommation de produits digitaux favorisée par les confinements, couplée à un effet de mode mondial et une phase d’euphorie sur le marché des crypto-actifs, avaient agi comme des catalyseurs pour ce marché qui avait alors atteint une valorisation de 44 milliards de dollars.

Conscientes de l’enjeu économique, réputationnel et technologique que pouvaient représenter les NFT, les entreprises se sont dans le même temps essayées à différents cas d’usage pour booster leur expérience client.

Trois ans après l’éclosion de ce marché, l’intérêt des particuliers et des entreprises à manipuler ces actifs numériques semble s’être atténué.

L'éclatement d’une bulle spéculative

En quelques mois, la tendance du marché s’est largement inversée : le World Economic Forum notait une baisse de 37% du nombre de transactions de NFT entre janvier 2022 et 2023, tandis qu’une étude du site dappGambl ajoutait que 30% d’entre eux avaient désormais une valeur inférieure à 1$.

Il convient avant tout de noter que la valorisation de ce marché repose presque exclusivement sur une catégorie bien spécifique de NFT, celle de l’art numérique. Ce secteur a été le 1er à utiliser les propriétés de la blockchain pour garantir l’unicité d’un contenu digital (image, vidéo, texte…) et permettre son acquisition.

Une course spéculative autour de ces nouvelles œuvres a donc été observée, comme pour le NFT  "Everydays: The First 5000 days”, vendu à 69,3 millions de dollars en 2021. Le marché de l’art, déjà volatile et illiquide, est ici associé à celui des crypto-monnaies sans cadre réglementaire clair.

Également facilitées par les outils de création digitaux, notamment d’IA générative, des collections de plusieurs milliers d’images ont été partagées en créant un déséquilibre d’offre et de demande. L’étude de dappGambl confirmait que 79% des projets n’avaient pas vendu la totalité de leur collection.

Enfin, le contexte macro-économique inflationniste et la hausse des taux d’intérêts début 2022 avaient largement contribué à la raréfaction des investisseurs. La baisse de valorisation des œuvres s’est accompagnée d’une chute des cours des crypto-monnaies auxquelles elles étaient adossées, accentuant encore la crise de ce secteur.

Des innovations pressenties par les entreprises

Pour certaines entreprises, les NFT se sont révélés être un nouvel outil marketing particulièrement pratique ainsi qu’une source de revenus supplémentaire. Lacoste a ainsi vendu une collection de 11 000 images de crocodile qui, en plus d’augmenter la visibilité de la marque, accompagnent un programme de fidélisation de leurs détenteurs. Ces clients ont accès à des ventes privées, des pièces exclusives, des réductions en ligne ou encore des rencontres avec les athlètes ambassadeurs.

Les technologies sous-jacentes aux NFT optimisent d’autres services comme l’investissement fractionné. Dans l’immobilier, de nouveaux acteurs comme ReatT ont réduit grâce à la blockchain les frictions lors de la division, l’achat ou l’échange des actifs. Concrètement, ces jetons représentent une part de la société ou du bien et offrent un haut degré d’auditabilité, une meilleure divisibilité, des frais de transaction réduits, ainsi qu’une rapidité accrue de mise sur le marché et d’échange.

L’utilisation de NFT s’est aussi étendue au secteur du jeu-vidéo, où des acteurs historiques comme Ubisoft ont tenté d’innover. Sa place de marché Quartz (fermée en 2022), permettait d’acheter des objets numériques émis en quantité limitée sur la blockchain et utilisables dans les jeux. De nouveaux acteurs ont été plus loin encore en introduisant une catégorie de jeux « Play to Earn » (P2E), où l’échange de NFT constitue la pierre angulaire du modèle économique. Le jeu Axie Infinity récompense par exemple l’implication de ses joueurs en leur distribuant une crypto-monnaie utile à tous les achats et échanges in-game.

Quel avenir pour les NFT ?

Pour dissocier les NFT de l’art ou de la spéculation, de nouveaux cas d’usage doivent se développer en complément d’un cadre réglementaire clair. Le règlement européen MiCA, qui entrera en vigueur fin 2024 pour encadrer l’émission de crypto-actifs, devra par la suite être étendu aux NFT pour protéger les consommateurs.

D’ici là, la tokenisation de biens devrait continuer à s’étendre aux autres actifs financiers pour en améliorer la circulation et limiter les intermédiaires. En effet, les secteurs de la Banque et de la Finance se préparent déjà à l’ère de la blockchain.

Avec la possibilité d’être propriétaire d’un token et de le céder facilement, de nouvelles pratiques émergent et viennent améliorer l’expérience client. La vente de billets de train ou de concert nominatifs sous forme de NFT pourrait enfin se démocratiser.

A contre-courant, un autre concept de tokens non cessibles devrait bouleverser la propriété numérique. Ces NFT appelés “Soulbound Tokens” permettraient de représenter notre identité sur internet en utilisant de manière confidentielle et sécurisée nos informations personnelles ou professionnelles comme notre nationalité, l’obtention d’une certification ou des dossiers médicaux.

Finalement, les NFT représentent une porte d’entrée vers le Web3, cette vision de l’internet de demain où les utilisateurs seraient détenteurs de leurs données ou actifs numériques. Ce changement de paradigme apporterait plus de transparence et d’autonomie, tournant les entreprises vers des modèles plus participatifs et innovants.

Tribune rédigée par :

Antoine Furet

Après un Master en Management à l’IESEG obtenu en 2018, Antoine Furet débute sa carrière en tant que Consultant AMOA au sein de l’entreprise mc2i. Il intervient pendant 5 ans dans le secteur de l’Energie puis dans le secteur bancaire. En parallèle, il accompagne en tant que Spécialiste Blockchain le cabinet et ses clients sur des thématiques en lien avec les crypto-actifs.

Florent Juhel

Consultant en transformation numérique chez mc2i depuis plus d’1 an, Florent Juhel a pu développer une réelle expertise en business intelligence et Big Data durant sa carrière. C’est à la suite d’un Master obtenu à la SKEMA Business School en 2022 qu’il devient d’abord Chef de projet MOA Systèmes d’information chez Hermès pour finalement intégrer mc2i.