Hubert de Vauplane (Kramer Levine) "L'Association des juristes blockchain et crypto est née d'un réel besoin de discussions sur des points juridiques"

Constituée d'avocats, juristes d'entreprise et professeurs d'université, l'Association des juristes blockchain et crypto s'est créée en septembre 2022. Rencontre avec son cofondateur.

Hubert de Vauplane, associé chez Kramer Levine et cofondateur de l'Association des juristes blockcahin et crypto. © DR

JDN. Comment cette association de juristes blockchain et crypto est-elle née ? 

Hubert de Vauplane. Elle est née d'une idée que j'avais au fond de moi, née d'une autre expérience datant d'il y a une vingtaine d'années, celle de la création d'association en droit bancaire et financier qui fonctionnait sur le même principe, avec un mix de professeurs, d'avocats et praticiens d'entreprise. D'autre part, j'ai remarqué qu'une telle association n'existait pas en dépit d'un réel besoin de discussions sur des points juridiques. 

Vous dîtes que cette initiative n'existe pas : cela signifie-t-il que vous vous démarquez de l'Adan (l'Association pour le développement des actifs numériques) ?

On ne veut surtout pas marcher sur ses platebandes. L'Adan accompagne les acteurs de l'écosystème blockchain en vue d'obtenir une réglementation la plus efficace possible pour eux, comme le font la Fédération bancaire française ou la Fédération des assurances. C'est un outil de corporation au sens noble du terme, un outil de lobbying. Nous ne traitons pas de la réglementation mais du droit substantiel, comme le droit de la propriété, des biens ou le droit des contrats : par exemple, que constitue une propriété sur un actif numérique ? Comment transférer en droit international un actif numérique d'un point A à un point B ? Quel est le droit applicable sur un actif numérique lorsqu'il n'est pas attaché à une législation en particulier ? En clair, nous réfléchissons sur de pures questions de droit. 

La naissance de votre association signifie-t-elle que ces technologies impliquent de repenser le cadre légal existant ?

J'ai tendance à répondre par la négative car notre droit est suffisamment souple pour s'adapter à 80% aux nouvelles technologies. Néanmoins, la question se pose vraiment et je vais prendre l'exemple le plus parlant, celui de la propriété : avec la création des brevets, nous avons créé une nouvelle forme de propriété, une propriété sur un actif incorporel bien différente de la propriété, par exemple, d'une maison. La notion de propriété a été modifiée à cette occasion. On se pose les mêmes questions pour un actif numérique, c'est d'ailleurs pour cela qu'aux Etats-Unis, ils modifient leur droit de propriété sur ce type d'actifs. Il est donc possible qu'il soit nécessaire de modifier le droit fondamental pour les actifs numériques. 

"Nous nous ouvrirons pour aller chercher les meilleures compétences, françaises et internationales, sur ces questions"

Quels seront les premiers sujets sur lesquels votre association planchera ?

Nous avons prévu de lancer un premier chantier sur la notion de contrôle sur un actif numérique, qui est une notion en provenance d'un projet de droit américain d'une part et d'autre part, d'un projet international dénommé Unidroit, et qui permet d'appréhender la propriété sous un angle distinct que ce que l'on fait aujourd'hui en droit civil. L'autre sujet concerne les DAO et la finance décentralisée. C'est un sujet encore plus international, et c'est pourquoi nous voulons éviter de raisonner en des termes franco-français. Pour chaque sujet, nous nous ouvrirons au-delà des seuls membres de l'association pour aller chercher les meilleures compétences, françaises et internationales, sur ces questions. Pour les DAO notamment, nous allons beaucoup regarder ce qu'il se passe à l'étranger avant de faire des recommandations pour la France et l'Europe. 

Vous imposez-vous des échéances pour conclure ces réflexions ?

Pour ces deux chantiers, nous aimerions finir nos travaux avant l'été prochain, notamment car les travaux sur les DAO et la DeFi (finance décentralisée, ndlr) s'inscrivent aussi dans le cadre d'une commande faite par l'AMF au Haut comité juridique de la place financière de Paris, qui traite de ces sujets sur un angle réglementaire. Nous le ferons sur un angle plus juridique. 

Docteur en droit, Hubert de Vauplane a effectué la majeure partie de sa carrière dans des banques d'affaires et des banques de détail. Ex-broker chez Oddo, il est devenu directeur juridique de BNP Paribas puis au groupe Crédit Agricole. Associé chez Kramer Levin depuis 2011, il est également professeur à Sciences Po Paris.