Binance assigné : le coup de grâce de la SEC contre les cryptos ?
Après plusieurs mois d'enquête, la SEC assigne en justice la plateforme d'échange Binance, soupçonnée de nombreuses infractions financières, et son homologue Coinbase.
Dans quelques mois, nous dirons peut-être que ce lundi 5 juin 2023 fut l'une des dates les plus marquantes de la courte histoire des cryptomonnaies. Mais pour l'instant, tenons nous en aux faits. La SEC (Securities and Exchange Commission), le gendarme financier américain, a assigné Binance en raison de la supposée violation de nombreuses dispositions financières (il en a fait de même le lendemain avec Coinbase) et demandé un gel de ses avoirs aux Etats-Unis.
Dans un document public de 136 pages, la SEC affirme que Binance aurait commis pas moins de treize infractions, dont certaines rappellent celles commises par FTX. L'agence américaine en a également profité pour rappeler que la quasi-totalité des cryptoactifs étaient, selon elle, des titres financiers non enregistrés et que, par conséquent, les projets en question étaient dans l'illégalité aux Etats-Unis.
Le cours des cryptos a été fortement impacté par la nouvelle, avec notamment une chute du bitcoin d'environ 6%. Il faut dire que cette affaire pourrait avoir de forts retentissements, dont certains pourraient s'avérer non seulement très négatifs pour Binance, mais aussi pour tout l'écosystème crypto.
Les reproches de la SEC à Binance
Une violation de nombreuses dispositions réglementaires aux Etats-Unis
Depuis plusieurs mois, la SEC est partie en croisade contre les titres financiers (securities) non enregistrés. En effet, aux Etats-Unis, tout titre financier doit être enregistré auprès du gendarme financier pour être vendu à des Américains. Or, pour la SEC, bon nombre de cryptos ou tokens sont des titres financiers et ces derniers ont été vendus ou mis à disposition à des Américains sans être enregistrés.
Il y a quelques semaines, Gary Gensler, le directeur de la SEC, a par exemple estimé que l'ETH d'Ethereum était un titre financier, ce que réfute Vitalin Buterin, cofondateur d'Ethereum. Aujourd'hui, la SEC affirme que le BNB et le BUSD, émis par ou au nom de Binance (le BUSD est émis par la société américaine Paxos pour le compte de Binance), sont des titres financiers non enregistrés, violant ainsi la législation américaine. Cette infraction expose Binance à de très lourdes sanctions.
La SEC reproche aussi à Binance d'avoir permis à des résidents iraniens de réaliser des transactions, en violation des sanctions américaines, et à des résidents américains d'avoir utilisé Binance.com, alors qu'une entité, Binance.US, est dédiée au marché américain. D'ailleurs, la SEC assigne les deux entités, Binance.com et Binance.US.
Cependant, le gendarme financier va bien plus loin. Elle accuse Binance d'avoir détourné de l'argent en désignant explicitement son bénéficiaire : le PDG et fondateur de Binance Changpeng Zhao.
De potentielles infractions rappelant celles commises par FTX
La réalité des infractions commises par Binance reste à prouver. Mais, dans son document, la SEC est très précise et semble avoir bien travaillé son dossier. Et ses accusations sont extrêmement graves.
Le régulateur américain reproche notamment à Binance d'avoir mélangé les fonds de l'entité avec les avoirs de ses clients. En d'autres termes, l'argent déposé sur la plateforme par les clients aurait été utilisé au bénéfice de Binance, ce qui est potentiellement répréhensible au plan pénal. Or, cette infraction rappelle celle commise par Sam Bankman-Fried et son empire, où les fonds transitaient entre la plateforme FTX et Alameda Research, et où les fonds des clients étaient mélangés avec ceux des sociétés.
Par ailleurs, la SEC a tenté de comprendre le micmac de l'entité Binance, qui n'a officiellement toujours pas de siège social, ce qui est plutôt un problème quand on est leader du marché. D'après son enquête, l'empire Binance serait en fait un important labyrinthe de sociétés écrans, certaines ne comportant pas du tout le nom de Binance. Toutefois, elles auraient toutes un but : servir Changpeng Zhao. Le PDG aurait en effet touché des sommes qu'il n'aurait pas dû percevoir.
Bien entendu, tout ceci est encore à mettre au conditionnel et il faudra laisser la justice faire son travail si elle se saisit effectivement du dossier. Néanmoins, si les faits sont avérés, Binance aura peu de chances de survivre dans son état actuel, du moins aux Etats-Unis.
Binance, le premier procès d'une longue série pour la SEC ?
Binance, un avenir probablement sombre aux Etats-Unis
Il va sans dire que Binance n'est plus vraiment en odeur de sainteté outre-Atlantique. La réalité, c'est que la plateforme d'échange d'origine chinoise ne l'a jamais vraiment été. En étant obligé de créer une entité spécifiquement dédiée au marché américain, cela ne partait pas sous les meilleurs auspices. C'est d'ailleurs un problème identique vécu par FTX, qui avait également une entité américaine (FTX.US) séparée de son entité mondiale (FTX.com).
Aujourd'hui, Binance a annoncé vouloir se battre pour faire valoir ses droits, en usant de tous les moyens juridiques mis à sa disposition. La plateforme conteste l'ensemble des violations qui lui sont reprochées.
Toutefois, la réalité pourrait rattraper la plateforme de Changpeng Zhao. D'une part, en cas de condamnation par la justice, il n'y aura probablement pas d'autres issues possibles qu'un départ du marché américain pour Binance. D'autre part, même en cas de non-condamnation, la confiance envers la plateforme pourrait être fortement impactée aux Etats-Unis, mais aussi dans le reste du monde.
Le SEC, une croisade anti crypto à l'issue très incertaine
Lorsque l'on parcourt les 136 pages du document de la SEC, on remarque que le régulateur américain continue en fait sa croisade anti crypto débutée il y a plusieurs mois. Si l'on atteint le sommet avec cette assignation, la SEC couche pour la première fois par écrit certains dires de son directeur.
Ainsi, elles désignent explicitement certains tokens comme étant des titres financiers. Nous retrouvons notamment Solana (SOL), Cardano (ADA), Cosmos (ATOM), The Sandbox (SAND) ou encore Axie Infinity (AXIE), en plus du BNB et du BUSD de Binance. Bien entendu, la SEC ajoute que ces titres n'ont pas été enregistrés auprès d'elle et ont donc été vendus de manière illégale à des Américains.
Si l'affaire Binance est bien un moment très important de la guerre entre la SEC et l'écosystème crypto, elle ne pourrait être qu'une étape. Brian Armstrong, le PDG de Coinbase, a menacé de quitter les Etats-Unis dans un avenir proche, bien avant que la SEC s'en prenne à Binance et à sa société. Dans tous les cas, quel que soit l'issue du dossier, il laissera des traces indélébiles sur l'écosystème crypto.