Règlement MiCA : la fin des stablecoins en Europe ?

Règlement MiCA : la fin des stablecoins en Europe ? Récemment publié au Journal officiel de l'Union européenne, le règlement MiCA sera applicable à partir du 30 décembre 2024 en Europe. Sauf pour les dispositions relatives aux stablecoins, qui le seront dès le 30 juin.

Il a été discuté pendant des mois, engendrant débats et incompréhensions entre le secteur crypto et le législateur européen. Le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets) est désormais publié au JO de l'UE, sous le numéro 2013/1114, ce qui fait qu'il est désormais entré en vigueur.

En revanche, en vertu de l'article 149, son entrée en application, soit le moment où les dispositions deviennent obligatoires, a été décalée. Si le principe est une application début 2025, il en va différemment dans au moins deux cas. Le premier concerne les entreprises du secteur déjà enregistrées dans un pays de l'UE, notamment les PSAN, dont les dispositions relatives à l'agrément ne seront applicables qu'en 2026. Le second concerne les stablecoins.

Or, sur ce sujet, l'Union européenne semble vouloir aller vite (ou les craindre), puisque l'entrée en application est prévue dès fin juin 2024. Il faut dire que les stablecoins ont fait l'objet de débats intenses et d'une incompréhension entre le secteur et le législateur. Si le premier a pu faire pression sur le second sur certains points, cela n'a pas été le cas pour les stablecoins.

Quand on regarde certaines dispositions, on pourrait même se dire que c'est peut-être la fin des stablecoins en Europe. Au point d'avantager les monnaies numériques de banque centrale (MNBC), dont Cash+, le futur euro numérique ?

Les stablecoins, un sujet majeur pour le législateur européen

La famille des stablecoins divisée en 2 catégories (EMT et ART)

Le règlement MiCA divise les stablecoins en deux catégories : les jetons se référant à un ou plusieurs actifs (ART pour Asset-Reference Tokens) et les jetons de monnaie électronique (EMT pour Electronic-Money Tokens).

Les ART sont plus ou moins les stablecoins que l'on connaît aujourd'hui. En effet, leur objectif est de maintenir une valeur stable en se référant à un actif, plus rarement plusieurs actifs. C'est par exemple le cas de l'USDT et de l'USDC, dont l'objectif est de toujours valoir 1 dollar. MiCA fixe un cadre strict pour l'émission d'ART, puisque l'émetteur doit notamment avoir son siège social dans l'UE.

Quant aux EMT, la définition est moins claire. Comme les ART, l'objectif est de maintenir une valeur stable. La différence, c'est qu'ils se réfèrent à une seule monnaie fiduciaire. On pourrait donc dire que l'USDT et l'USDC sont des EMT. Cependant, l'émetteur d'un EMT doit être une institution de crédit ou une institution de monnaie électronique, ce qui ne sont pas Tether ou Circle par exemple. C'est pour cela que certains observateurs pensent que les MNBC pourraient être qualifiées d'EMT.

Des obligations de transparence et de réserves bienvenues

Les émetteurs d'ART et d'EMT ont des obligations assez strictes, à la différence notable que les émetteurs d'EMT ne sont pas contraints d'avoir leur siège social dans l'UE. En revanche, l'un comme l'autre doivent être très transparents sur leur gouvernance pour, notamment, éviter tout risque de conflit d'intérêts. Aussi, la perception d'intérêts ou de récompenses sur les ART est interdite.

Le point positif concerne les informations adéquates pour le public. Il s'agit notamment de la transparence des réserves pour maintenant la stabilité du stablecoin. C'est d'ailleurs le principal problème des stablecoins actuels, notamment l'USDT de Tether. Si beaucoup de choses ont évolué dans le bon sens depuis 2022, d'aucuns doutent des réserves de certains stablecoins.

Avec MiCA, l'objectif sera le 1:1, soit 1 stablecoin X = 1 actif X. Par exemple, s'il y a 100 millions émis d'un EMT euro, l'émetteur doit posséder 100 millions d'euros en cash ou équivalent, l'équivalent pouvant être composé d'obligations d'Etat liquides. L'objectif, c'est d'éviter d'avoir un Tether bis, d'être transparent et d'avoir une politique claire de gestion de risques.

Cependant, l'interrogation reste de mise pour les stablecoins décentralisés et algorithmiques. La finance décentralisée n'étant pas soumise à MiCA, ils ne peuvent a priori pas être qualifiés d'ART ou EMT.

Un avantage pour les émetteurs de stablecoins basés hors d'Europe ?

Une limite quotidienne de transactions intenable

Pour l'écosystème crypto, les points positifs concernant les stablecoins sont rares. Ce sont plutôt les points négatifs que l'on regarde attentivement. Et il y en a un qui inquiète beaucoup, celui de la limite quotidienne de transactions.

En effet, il est prévu que les transactions quotidiennes doivent être limitées à moins de 220 millions d'euros. Cela paraît beaucoup sur le papier, mais, dans les faits, pas du tout. D'une part, une transaction est définie de manière large. Ainsi, un échange entre 100 millions d'USDT et 100 millions d'USDC, c'est une transaction à 200 millions. D'autre part, ces chiffres sont ridicules par rapport à ce qu'il se passe aujourd'hui.

L'USDT a un volume de transactions quotidiennes de plusieurs dizaines de milliards de dollars. L'USDT est également autour de la dizaine de milliards. Si le stablecoin décentralisé DAI était soumis à MiCA, il sera aussi au-dessus de cette limite. En d'autres termes, cette limite est intenable. Cela signifie-t-il que l'USDC et l'USDT vont quitter le marché européen ?

Au moment où ces lignes sont écrites, c'est difficile à dire. Ce qui est certain, c'est qu'au vu de l'importance des stablecoins dans l'écosystème crypto, nous ne voyons pas comment ces dispositions pourront être appliquées si l'UE souhaite réellement développer le secteur en son sein.

MiCA : la place belle aux MNBC ?

Comme nous l'avons indiqué plus haut, certains pensent que les EMT pourraient être des MNBC. MiCA serait-il un prélude à l'émergence des MNBC, qui seraient alors avantagées ? On peut se le demander.D'une part, les émetteurs d'EMT sont soumis aux règles d'émission de leur pays d'origine. Dit autrement, la limite quotidienne ne serait potentiellement pas applicable si l'émetteur d'un EMT n'est pas établi dans l'UE. Cela limiterait indubitablement la place des ART, qui sont en fait les véritables stablecoins cryptos.

Mais il pourrait y avoir une autre conséquence fâcheuse, qui n'est pas sans en rappeler d'autres : l'UE qui se tire une balle dans le pied. Non seulement, il n'est pas certain que des dispositions aussi strictes soient prises ailleurs, ce qui désavantagerait le marché crypto dans l'UE. Mais aussi, si seul l'euro numérique se voit imposer une telle limite par rapport aux autres projets de MNBC, il sera lui aussi désavantagé.

La modification ou l'interprétation de MiCA restent possibles d'ici l'entrée en application ou dans les mois qui suivent. Et beaucoup d'acteurs du secteur veulent encore discuter. Nous suivrons ces discussions avec attention.