Après
une fin d'année 2000 difficile pour les valeurs
Internet, les investisseurs avaient décidé
de commencer l'année 2001 du bon pied. Fini des
valorisations exagérées des valeurs internet.
Désormais, on allait pouvoir trier le bon grain
de l'ivraie. Seules les meilleures valeurs rebondiraient
sur les marchés en 2001 soutenaient alors quelques
experts. Ce bel optimisme n'aura finalement été
que théorique puisqu'hormis, le premier mois
de l'année, toujours très favorable en
Bourse, les mois suivants de 2001 furent un long calvaire
pour l'ensemble des technologiques.
Un
mécanisme qui confirme, au passage, les propos
d'un des premiers interviewés de l'année
du JDNet, Philippe Baumard, professeur de stratégie.
"Il est clair que l'année va être plutôt morose.
Les groupes vont en fait consolider une première génération
d'usage de l'Internet et il va falloir préparer la deuxième
génération, utilisatrice du haut débit. C'est une année
de rationalisation et il y aura par essence beaucoup
de casse. L'année ne sera donc pas très gaie mais saine,
car les start-up vont vivre en accéléré ce qu'une industrie
traditionnelle vit en dix ans en matière de management."
La faillite en cascade de sociétés de
la Nouvelle économie et la fin des illusions
sur certains modèles économiques, notamment
publicitaires, viendront au fil des mois confirmer cette
impression.
En
six mois, de février à fin août
l'indice JDNet, qui regroupe les 52 valeurs Internet
côtés à Paris, va ainsi plonger
de 1.052 points à 511,61 points. Au mois de juin,
l'ensemble des valeurs Internet introduites en 2000
à Paris avaient ainsi déjà perdu
3,2 milliards d'euros de capitalisation par rapport
à leurs prix d'introduction. Un phénomène
qui a eu pour conséquence directe de limiter
fortement la croissance externe des entreprises qui
ne pouvaient plus miser sur des opérations d'échange
de titres.
L'évolution
de l'indice JDNet en 2001
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En
revanche, de prédatrices en 2000 ces mêmes
sociétés devenaient, en 2001, des proies
faciles pour des groupes aux épaules plus larges.
LibertySurf, tombera ainsi dans l'escarcelle
de l'Italien Tiscali dès le mois de janvier
au quart de son prix d'introduction en mars 2000. Une
mauvaise affaire pour les actionnaires qui avaient acheté
le titre à 36 euros à l'introduction.
Mais un excellent coup pour Bernard Arnault, qui, avec
une plus-value de près de 150 millions d'euros,
se consolera d'une partie de ses déboires passés
(et à venir) dans la Nouvelle économie.
La chasse à la bonne affaire sera d'ailleurs
le leitmotiv de l'année. Cryo, qui avait
introduit en 2000 sur le Nouveau Marché sa division
Internet Cryonetworks, décidera en juin
dernier de racheter les parts dans le public en raison
des performances décevantes de sa filiale. Un
aveu d'échec mais qui lui permettra de récupérer
à bon compte la trésorerie de Cryonetworks.
Au moment du rachat, la filiale Internet était
valorisée un tiers de moins que sa trésorerie
disponible. La même optique conduira, quelques
jours après, la chaîne de vêtement
Orchestra à faire main basse sur le site
pour adolescents Kazibao. En plus d'une trésorerie
abondante, le groupe montpélierrain trouvera
là un moyen d'être coté en Bourse
et d'éviter ainsi le montage long et complexe
d'un dossier d'introduction.
L'évolution
de l'indice du Nouveau Marché en 2001
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En matière d'introduction justement, l'année
2001 aura été peu reluisante notamment
pour les technologiques. Sur le Nouveau Marché
seules trois sociétés arriveront à
leurs fins lors du premier trimestre : Business&Decision,
Itesoft et Memscap. S'en suit une longue litanie
de reports si l'on excepte les arrivées sur le
Nouveau marché de Genuity, Tiscali et DAB
Bank. Ces trois groupes, déjà cotés
à l'étranger, profitent du rachat respectif
de Integra, de LibertySurf et de Self
Trade pour s'installer à la Bourse de Paris.
Beaucoup
de sociétés trouveront toutefois refugent
sur un Marché Libre qui a confirmé
sa bonne santé au cours de cette année.
Cette succession de reports auraient pu s'interrompre
à la rentrée où les investisseurs
envisageaient, de nouveau, une éclaircie. Mais
le 11 septembre, quatre avions détournés,
dont deux projetés sur les tours du World Trade
Center, viendront mettre fin à l'espoir d'un
retournement rapide de l'économie.
En un mois, les valeurs Internet vont recommencer leur
plongée infernale. L'indice JDNet perdra plus
de 15% entre le 10 septembre et le 12 octobre, la majorité
des sociétés Internet touchant leur plus
bas à cette période.
La
fin du régime des Talibans et l'Amérique
qui se rassure, même si la reprise est encore
loin, permettront de corriger cette baisse en fin de
d'année. L'indice JDNet clôturera tout
de même l'année sur une baisse de plus
de 50%. Parmi les sociétés qui auront
le mieux résisté se trouvent Wanadoo
(-33,21%) ou Orchestra-Kazibao (-35%). En
revanche, les web-agencies auront été
beaucoup plus affectées alors qu'elles avaient
été largement épargnées
au moment de la correction en 2000. Himalaya
et Cross Systems font ainsi partie des trois
sociétés qui auront perdu plus de 90%
de leur valeur en 2001.
Les
levées de fonds mois par mois des
sociétés Internet en 2001
(en millions d'euros)
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Jan
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Mar
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Avr
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Mai
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Jui
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Juil
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Aou
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Sep
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Oct
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Nov
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Source
: Indicateur JDNet / Benchmark Group
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Malgré
cette baisse boursière constante, les sociétés
cotées ont pourtant bien traversé cette
année 2001. Pour la bonne et simple raison que
la plupart d'entre elles avaient fait le plein de trésorerie
en étant introduites sur des valorisations folles
en 2000. En réduisant massivement leurs coûts
sur les douze derniers mois, leur situation est restée
au final plutôt saine. En revanche, le climat
boursier a provoqué davantage de dégâts
en amont. Tout d'abord pour les nombreuses sociétés
qui avaient fait le pari de l'introduction en Bourse
en 2001 pour se développer. Jador.com,
qui misait sur le Marché Libre après le
Nouveau Marché en novembre 2000, a ainsi déposé
son bilan au mois de mai. Mediapps, qui avait
également raté la dernière marche
avant la Bourse, s'est par contre repêchée
grâce à une injection de fonds de la part
des investisseurs.
Cette
horizon assombri pour les sorties boursières
a également pénalisé les start-up
en création. Après
un début d'année tonitruant, où
près de de 256 millions d'euros en capital-risque
ont été investis en deux mois, les investisseurs
vont être beaucoup moins généreux
en matière de financement. La moyenne mensuelle
des financements s'établira ensuite à
environ 52 millions d'euros par mois. Quelques sociétés
viendront toutefois donner une impression en trompe
l'oeil en captant des sommes très importantes.
Webraska et Bfinance récupéreront
respectivement, au cours du premier trimestre, 52 et
34 millions d'euros en un seul tour de financement.
Pour les autres acteurs,
les montants seront beaucoup moins juteux. Beaucoup
de sociétés recevront lors de leur second
tour en 2001 moins d'argent qu'au premier tour, l'objectif
n'étant plus vraiment le développement
mais la survie en attendant des jours meilleurs. Un
climat qui poussera d'ailleurs les investisseurs à
s'intéresser à leur portefeuille plutôt
que de se lancer dans de nouveaux financements. Quant
aux rares sociétés qui boucleront un premier
tour cette année, elles seront très éloignées
du profil type de la dotcom de 2000. La plupart évoluent
dans le monde des logiciels ou de la technologie pour
les infrastructures.
Les
11 plus grosses levées de fonds des sociétés
Internet en 2001
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Sociétés
|
Stade
d'intervention
|
Montants
(en millions d'euros)
|
Webraska |
2ème
tour |
51
|
Bfinance |
3ème
tour |
34
|
Maiaaah
! |
2ème
tour |
23
|
Artech |
1er
tour |
23
|
TravelPrice |
3ème
tour |
22
|
Enition |
2ème
et 3ème tour |
21
|
Storage
Telecom |
1er
tour |
19
|
Avisium |
2ème
tour |
18
|
Right
Vision |
3ème
tour |
17,5
|
Instranet |
2ème
tour |
17
|
High
Deal |
3ème
tour |
16
|
Cette nouvelle donne induira
des effets en aval chez les investisseurs. De nombreux
acteurs, arrivés un peu opportunément
dans le milieu, vont se retirer doucement mais sûrement.
Le premier d'entre eux étant @Viso, une
co-entreprise de Softbank et Vivendi qui
souhaitait amener des start-up américaines en
Europe avec 500 millions d'euros de fonds propres. La
holding Internet de Bernard Arnault, Europ@web,
dont l'empire s'est désagrégé au
fil des mois, appartient elle aussi à cette catégorie
des étoiles filantes du financement. Quant à
l'arrivée des investisseurs américains,
pronostiquée par de nombreux acteurs, elle n'a
pas vraiment eu lieu. La plupart d'entre eux sont restés
largement concentrés sur le dépoussiérage
de leur portefeuille Outre-Atlantique.
Malgré ces retraits,
le tissu du financement semble s'être consolidé
en France en 2001. Une véritable culture du financement
en capital-risque a pris forme dans l'Hexagone. Si le
montant des investissements dans l'Internet a chuté
de 1,02 milliard d'euros en 2000 à 800 millions
d'euros cette année, selon l'indicateur Benchmark
Group /JDNet, il reste presque deux fois supérieur
à celui enregistré en 1999. Les opérateurs
ont par ailleurs encore beaucoup d'argent à investir
après avoir bouclé, cette année,
des fonds basés sur les valorisations de l'année
2000.
Sofinnova et Atlas
Venture, qui disposent depuis mai 2001 de nouveaux
fonds de 320 millions d'euros et de 1,06 milliard d'euros,
en sont deux exemples éclatants. Autres éléments
encourageants : le nombre de nouveaux prestataires qui
gravitent désormais autour du capital-risque
et la présence de plus en plus importante de
structures issues des grands groupes industriels (CDC
Kineon, IXIS Venture, Fimalac Interactive).
Christophe Chausson, le président de Chausson
Finance jugeait ainsi en novembre dans une interview
au JDNet "que la folie Internet avait contribué
à une professionalisation et à une industrialisation
du capital-risque
en France". Une confirmation de ce mécanisme
est donc attendue en 2002, même si les deux prochains
premiers trimestres devraient encore illustre les difficultés
du secteur.
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