Quelles stratégies juridiques pour les acteurs de l'e-pub ?

Quelques précisions sur l’impact de 3 arrêts rendus le 20 mai 2008 par la Cour de Cassation pour que les entreprises de l’Internet revoient leur stratégie, sans attendre la décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes.

Des intervenants essentiels à la vie de l'Internet sont concernés par les 3 arrêts rendus par la Cour de Cassation, le 20 mai 2008.

 

-         Les prestataires de services : ceux qui interviennent dans l'offre et la mise à disposition payante des plates-formes qui associent des moteurs de recherche à des mots clefs pour permettre l'apparition à l'écran d'un site, d'un lien vers celui-ci ou encore d'un message publicitaire.

 

-         Les opérateurs qui contractualisent pour eux-mêmes ou en faveur de leurs clients avec les prestataires de services indiqués ci-dessus. Sont notamment concernés, ici, les annonceurs, les agences de publicités, les régies publicitaires.

 

-         Les titulaires de marque, qu'elles soient nationales, en France, ou dans n'importe quel pays de l'Union Européenne.

 

Par ses 3 arrêts rendus à propos d'affaires opposant la société Google pour son offre Adwords, et, dans un cas, un annonceur, à des titulaires de marque dont une est de renommée, la Cour de Cassation a interrogé la Cour de Justice des Communautés Européennes sur l'application à la publicité en ligne par mots clefs des règles de droit relatives à l'atteinte à la marque ou à la responsabilité allégée de l'hébergeur. A chaque fois, la Cour de Cassation a prononcé un sursis à statuer dans l'attente de la décision de la CJCE.

 

Certes, la CJCE peut réécrire les questions qui lui ont été posées, mais à se reporter à leur rédaction actuelle, la Cour de  Cassation a souhaité manifestement saisir la juridiction européenne de l'ensemble des problématiques que les parties, notamment la société Google,  dans ce type de litige avaient développées, au moins par 6 fois, devant les tribunaux de Paris et de Nanterre, puis devant les cours d'appel de Paris et de Versailles. Relevons également que les décisions des cours d'appel sont intervenues les 10 mars 2005, 23 mars 2006 et 28 juin 2006, c'est-à-dire que la Cour de Cassation, dans son organisation interne, avait déjà souhaité regrouper l'examen de ces questions sans doute pour assurer déjà une cohérence aux différentes responsabilités qui étaient recherchées dans ces affaires.

 

Comment enfin ne pas voir dans ces questions la volonté de la Cour de Cassation de se placer à l'initiative de l'harmonisation entre les différentes juridictions nationales des différents pays européens à propos de l'Internet et notamment des pratiques des moteurs de recherche. La société Google notamment fait état de décisions rendues par les juridictions britanniques et néerlandaises qui ont écarté sa responsabilité.

 

Or les questions étant posées à la fois sur la base de la Directive 89/104 qui a unifié les règles applicables aux marques nationales, du Règlement 40/94 sur la marque communautaire, et sur la Directive 2000/31 traitant de la responsabilité spécifique de l'hébergeur, toutes les juridictions nationales ou communautaires sur l'ensemble de l'Union Européenne qui appliquent ces règles de droit ou celles qui en sont issues, devront  se conformer aux réponses de la CJCE.

 

Ainsi par les métiers en cause, par la globalité des questions posées et par le territoire concerné, l'ensemble de l'Union Européenne, c'est bien tout un pan de l'activité publicitaire, celui qui fait le modèle économique de l'Internet qui se trouve au coeur de ces questions préjudicielles et qui doit se préparer dès à présent aux conséquences de l'arrêt qui interviendra dans 2 ans environ.

 

Entre-temps, l'attentisme n'est pas possible. Serait-il imaginable que la Cour de Cassation qui vient d'interroger la CJCE sur ces problématiques, se prononce sur les pourvois formés contre d'autres arrêts de cours d'appel portant sur ces mêmes règles de droit ?

 

Que feront les tribunaux et les cours d'appel français devant lesquels des affaires sont pendantes pour des faits similaires ? Quelles stratégies judicaires les entreprises de la publicité sur l'Internet et des marques mettront-elles en oeuvre ?