e-Tourisme : attention aux faux avis de vacanciers sur le Net

Pour réserver un voyage ou une location, près de 9 Français sur 10 utilisent Internet. Et ils sont nombreux à lire les avis de consommateurs qui mettent en garde ou encensent les voyages proposés par les agences en ligne.

Internet est aujourd'hui utilisé comme source d'échanges d'informations entre les consommateurs, et nombreux sont les sites, tels que tripadvisor.com, permettant à tout internaute de se faire critique de guide de voyage le temps de quelques clics.

L'enjeu économique dans le domaine touristique est vital puisque environ deux tiers des internautes préparant un voyage consultent les avis des autres usagers. Or, l'assurance de la fiabilité de ces critiques de consommateurs n'est pas assurée. Ainsi l'Union fédérale des consommateurs (UFC) appelait déjà en 2008 à la vigilance, démontrant que des commerçants dans tous les domaines pouvaient être tentés de mettre leur propre produit en valeur, voire même de dénigrer celui de leur concurrent en se cachant derrière de faux avis de consommateurs.     

Il vaut donc mieux se méfier de tout ce qui est dit et raconté dans ces publications, et varier ses sources afin d'obtenir des données fiables, sans se fier de manière aveugle à des avis négatifs, ou positifs, pour déterminer son choix de partir dans tel ou tel lieu de vacances.

Car le problème est particulièrement vaste ! Les personnes recherchant un voyage, et s'informant sur les prestations proposées sur les sites internet, peuvent parfaitement aboutir à de vrais avis de véritables vacanciers étant partis au même endroit ; mais aussi à des avis de véritables vacanciers issus de la même destination mais qui donnent une opinion insatisfaite ; ou encore avoir affaire à l'hôtelier lui-même, ou au voyagiste proposant la prestation, qui encensent les lieux de manière grossière (et, dans ce cas, attention aux pratiques commerciales trompeuses) ; ou aussi aboutir sur un concurrent qui dénigre la prestation pour faire en sorte que les touristes s'écartent de cette destination.      
Enfin, aujourd'hui, ils peuvent surtout lire de vrais ou faux avis publiés par des internautes, particulièrement recrutés par des sociétés pour les publier, alors que ces personnes ne se sont jamais rendues elles-mêmes sur les lieux sur lequel portent leur opinion mise en ligne !

Alors, qu'en est-il de l'état du droit à l'encontre de ce fléau, et quelles solutions peuvent exister pour l'endiguer ?

D'abord, il conviendra de préciser l'atteinte à la concurrence de cette pratique (1), pour ensuite déterminer quelles peuvent être les solutions d'avenir pour l'entraver (2).

1.      Les « faux avis » : une pratique anticoncurrentielle

Suivant une directive européenne du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, le droit français a adapté l'article L.121-1 du code de la consommation, afin de considérer une pratique commerciale comme «trompeuse» et par conséquent interdite, «lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte ».

L'objectif de la directive européenne étant de donner une possibilité de contraindre juridiquement un site à révéler l'identité d'un prétendu consommateur ou à multiplier les mesures de contrôles pour éviter ce genre de manoeuvres. En d'autres termes, si un consommateur publie un avis sur un site de tourisme, il doit préciser qu'il est bien un consommateur, et pas un professionnel agissant pour le compte d'une société tierce, visant à dénigrer un concurrent. Si toutefois cela était le cas, alors il s'exposerait à une condamnation sur le terrain de la concurrence déloyale.

Toutefois, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), bien que se déclarant «préoccupée» par la question des « faux avis » de consommateurs, admet que le sujet est très difficile à traiter en pratique. Pour preuve, aucune juridiction n'a encore été saisie d'une affaire portant sur des faux avis, que ce soit en matière de tourisme, ou en matière de consommation en général, et même les commentaires doctrinaux se font attendre sur ce sujet.

Pour l'heure, seules des décisions isolées apparaissent dans le paysage juridique français. La plus récente, datant du 19 janvier 2010, est un arrêt rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, opposant les sociétés Club Ce Evasion, et Nouvelles Destinations. En l'espèce, la société Nouvelles Destinations faisait valoir, que la société Club Ce Evasion avait commis des actes de dénigrement à son encontre, en publiant, sans autorisation, sur un site Internet destiné aux professionnels du tourisme, l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Montpellier du 13 décembre 2005 la condamnant pour contrefaçon de marque. Cela avait certes été commis sur un site de professionnels, mais le parallèle est intéressant, puisqu'il s'agissait alors déjà d'un avis négatif « dénigrant » publié sur internet. Bien entendu, les prestations n'était en rien visées, puisque c'est la société qui l'était. Mais cette solution pourrait être l'avant-garde de futures jurisprudences sur la question.

Enfin, le droit qualifie aujourd'hui ces pratiques de « tromperies par action », et nul doute que les faux avis publiés sur internet finiront par être touchés par des sanctions. Des décisions avaient déjà été rendues en la matière pour des annonces trompeuses sur Internet (mais pas des avis). A titre d'exemple, avait ainsi été condamné l'exploitant de résidences locatives dont l'une d'entre elles était présentée comme comprenant une piscine, alors que celle-ci n'était pas réservée aux locataires mais appartenait à plusieurs communes, et un minigolf, alors que celui-ci était en réalité détérioré et donc impraticable (CA Paris, 1er juin 2005).

Ces décisions portaient alors sur de fausses annonces, que l'on pourrait voir comme des publicités mensongères. Mais quelle différence y-a-t-il avec de faux avis qui annonceraient que les piscines sont chauffées alors qu'elles ne le sont pas ? Ou encore quelle différence entre ces annonces et un avis d'un concurrent mettant en garde d'éventuels clients contre la saleté d'un hôtel alors que celui-ci est parfait ?

Il conviendrait donc à présent que les autorités françaises et communautaires se saisissent de ce sérieux problème car la pratique des « faux avis » est aussi de la cybercriminalité !

2.      Le « Web Social » : une solution anti « faux avis »

Lorsque l'on souhaite acheter un produit sur le net, notamment en matière de prestations touristiques, il arrive fréquemment aux personnes de faire un détour par les comparateurs de prix et/ou jeter un rapide coup d'oeil sur la note du produit attribuée par les internautes l'ayant eux-aussi acheté. Souvent même, ces internautes laissent un commentaire sur le produit.

Avec l'essor du web social, la recommandation de produits fonctionne à plein régime. Et le risque majeur est que ces «faux avis» deviennent un « travail » pouvant parfois être confié à des agences spécialisées que l'on nomme déjà «Fake review firms» outre-Manche, soit littéralement les «firmes à faux avis».

Malgré cela, les professionnels de l'e-Tourisme se veulent rassurant et considèrent que, grâce au Web participatif, la vérité sur les produits touristiques finit toujours par émerger, du fait d'une très bonne capacité d'autorégulation : à cet égard, un faux avis sera vite repéré et infirmé.

La seule solution qui paraitrait exister pour l'instant serait d'utiliser les réseaux sociaux où les internautes auraient accès aux avis de personnes faisant partie de leurs entourages, et seraient donc réputés plus fiables, bien que toujours subjectifs, donc susceptibles d'interprétations variées. Si un « ami Facebook » trouve tel ou tel séjour négatif, rien n'indique qu'un autre ne le trouvera pas merveilleux.

C'est pourquoi la seule conclusion qui s'impose à l'heure actuelle est la suivante : la frontière entre le dénigrement, pratique commerciale trompeuse et anticoncurrentielle, et l'avis pur et simple donné personnellement par un internaute, est particulièrement étroite. Il devient donc urgent  de bâtir un cadre légal encadrant la sécurité juridique de l'e-Tourisme.

 

De plus, il ne faut pas oublier que selon  la cour de cassation, (arrêt du 25 novembre 2010), le droit de rétractation ne s'applique pas aux contrats conclus par voie électronique ayant pour objet la prestation de services d'hébergement, de transport, et de restauration de loisirs. Bref, faites attention en cas de réservation d'un séjour, d'un billet via internet, si vous décidez ensuite de changer d'avis !!