Faut-il contrôler les réseaux sociaux ?

Réseaux sociaux, blogs et forums sont un terrain d’expression privilégié pour les Internautes, au point de rassembler nombre d’entre eux. Afin de mieux contrôler ces lieux ainsi que la diffusion de certaines informations dites "sensibles", le législateur souhaite en organiser la surveillance.

Du printemps arabe aux émeutes de Londres début août 2011, les réseaux sociaux ont sans aucun doute favorisé la propagation rapide d’informations et l’ampleur considérable de ces événements. Certainement inquiet de cette faculté à rassembler, et ému de la tournure violente de certains de ces rassemblements, un député a profité de l’été pour interroger le ministre de la Culture et de la Communication .

Pour lui, les réseaux sociaux sont devenus de véritables outils d’intégration sociale […] et de véritables outils pour la liberté d’expression.

 Il constate cependant qu’ils sont également détournés en outils de propagande par certains groupuscules et demande quelles sont les actions envisagées pour lutter contre ces dérives avant qu'elles se généralisent. Autre question posée par le député : ce rôle de surveillance et de prévention peut-il être attribué à l'agence Hadopi ?

 Réaliste ?

 L’inquiétude suscitée par les quelques dérapages survenus en France (apéro géant ayant dégénéré, par exemple) peut sembler légitime. Faut-il pour autant légiférer ? Par rapport au nombre d’inscrits en France sur Facebook (23 052 340 à la fin août), les pages d’intérêt général rassemblent un nombre limité de personnes (de 1 à 30 000 pour la plupart de ces pages).

Quant aux risques d’influence des groupuscules évoqués par le député, ils semblent assez limités en France. Jusqu’à présent, cette influence n’a pris, la plupart du temps, une réelle ampleur que dans les pays où la liberté d’expression était inexistante et ce, bien avant Internet. Les réseaux sociaux ont simplement favorisé son émergence…

Enfin, si une loi visant à contrôler et interdire certains propos sur les réseaux sociaux était votée, dans quelle mesure serait-elle applicable et avec quels outils ? Comment les contenus illicites pourraient-ils être repérés en temps réel ? Comment les textes codés seraient-ils déchiffrés ? Ne se rapprocherait-on pas dangereusement du système de censure mis en place en Chine ?

Avis des internautes : trier le vrai du faux

Même si ces questions restent aujourd'hui sans réponse, même de la part des politiques, l'initiative susmentionnée n’est pas la seule. Un autre député, dans une question au ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, s’inquiétant des résultats d’une enquête Testntrust/Easy Panel publiée le 13 septembre 2011, suggère la mise en place d’un dispositif de lutte contre les faux avis de consommateurs circulant sur la toile.

Selon cette étude, si 90 % des internautes jugent ces avis utiles, 75 % d’entre eux mettent en doute leur véracité. Une fois sur place, la "vue sensationnelle" décrite n'a finalement rien d'exceptionnelle. Quant à "l’accueil chaleureux" annoncé…

Là encore, l'intention est louable. Protéger le consommateur des faux avis est certainement souhaitable. Mais, paradoxe, cela nécessiterait la collecte des coordonnées de tous ceux qui émettent un avis. Or de tels fichiers dans des mains mal intentionnées pourraient être utilisés à des fins beaucoup moins légitimes. Une loi s’impose-t-elle donc ? Pas si sûr ! L’Afnor (Association française de Normalisation), à la demande de Testntrust, développe actuellement la première norme française des avis de consommateurs qui pourrait être mise en place fin 2012 : les sites qui appliqueront cette norme s’engageraient alors à vérifier le statut de l’internaute.

Maintenir la liberté d'expression

Alors, que ce soit pour interdire ou pour protéger, faut-il légiférer ? Tout média possède ses propres dérives et ni les réseaux, ni les blogs n’y échappent. Pas plus que la littérature, les émissions de télévision ou même les conversations de café... Mais la liberté d’expression reste un droit fondamental, qui prévaut même sur la propriété industrielle. Un droit qu'Internet a plutôt permis de promouvoir que de réduire.

Les grands acteurs du Net ne s’y trompent d’ailleurs pas et ont eux-mêmes engagé des actions pour garantir liberté et protection aux internautes. Google, Microsoft et Yahoo, par exemple, ont rejoint la Global Network Initiative (Initiative mondiale des Réseaux TIC), groupe d’entreprises, d’organisations, d’investisseurs privés et d’universitaires, constitué il y a deux ans environ, pour protéger et faire progresser la liberté d'expression et le respect de la vie privée dans les technologies de l’information et des communications. Ils mettent en outre à la disposition de leurs utilisateurs des procédures spécifiques permettant de signaler les contenus susceptibles de constituer une infraction au droit des marques, conformément aux lois en vigueur (voir Google  ; Yahoo ; Facebook).

Cependant, du contrôle à la censure, il n’y a qu’un pas, souvent vite franchi. Heureusement, le proverbe vient opportunément nous rappeler que, sur Internet aussi, "la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres".