La Cour d'appel de Paris se prononce sur le statut des banques d'images en ligne
Le régime de responsabilité des prestataires d'hébergement, prévu par la loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004 (LCEN), est si intéressant qu'il est revendiqué par tous les prestataires de services en ligne qui sont la cible d'une réclamation ou d'une action judiciaire.
Pour mémoire, un hébergeur n'est par principe pas
responsable des contenus qu'il héberge, à moins qu'il ne soit possible de
démontrer qu'il avait connaissance du caractère illicite de l'un de ces
contenus et qu'il n'a pas agi promptement pour le supprimer ou le rendre
inaccessible (article 6.I.2 de la LCEN).
Ainsi, après les places de marché en ligne (eBay),
les sites de partage de vidéos (YouTube et DailyMotion) ou encore les services
de liens sponsorisés sur les moteurs de recherche (Google AdWords), voici le
cas… des banques d'images en ligne !
Par plusieurs arrêts du 23 mai 2012, la Cour
d'appel de Paris a eu en effet à trancher le cas d'un mannequin qui avait
participé à une séance photographique et qui avait constaté que les clichés
issus de cette séance étaient reproduits sur le site de FOTOLIA, l'une des plus
importantes banques d'images au monde (au même titre que CORBIS ou GETTY
IMAGES). FOTOLIA permet aux photographes de vendre leurs clichés par son
intermédiaire, comme une agence photographique.
Dans ces affaires, le mannequin avait alors assigné
FOTOLIA ainsi que les différents éditeurs des supports ayant utilisé les
clichés le représentant (dont le Syndicat des Transports Parisiens et la
société Micro Application). FOTOLIA avait, de son côté, assigné le photographe
en intervention forcée, car c'est lui qui avait mis les photographies en ligne,
en communiquant une autorisation d'exploitation du mannequin qui avait été
falsifiée.
FOTOLIA soutenait qu'elle devait bénéficier du
régime de responsabilité des hébergeurs car elle avait prétendument agi en tant
que simple prestataire passif, en se contentant de recueillir les clichés des
photographes et les mettre en ligne pour que des clients potentiels puissent
les sélectionner et les exploiter en vertu de contrats de licence.
Cependant, la Cour d'appel n'a pas suivi la banque
d'images dans sa démonstration. Elle a considéré à rebours que FOTOLIA avait eu
un rôle actif en l'espèce. La Cour a analysé notamment les conditions générales
d'utilisation du site Internet, qui définissent des règles relatives aux
photographies à mettre en ligne en termes de qualité technique, de conformité
aux règles de propriété intellectuelle ou encore d'indexation.
En outre,
FOTOLIA fournit des conseils et des prestations d'assistance aux photographes,
afin de les informer sur le droit d'auteur, le droit à l'image, etc.
De ses constatations, la Cour en a conclu que "FOTOLIA LLC ne se borne pas à un rôle
passif, purement technique et automatique, impliquant l'absence de connaissance
ou de contrôle des données qu'elle stocke ; elle n'est pas un hébergeur de
contenu mais un service de communication en ligne".
Par conséquent, les magistrats ont considéré que
FOTOLIA avait violé le droit à l'image du mannequin en mettant en ligne, aux
fins de téléchargement et à usage commercial, des photographies le représentant
sans autorisation valable.
Il est intéressant de noter, au détour d'un
considérant, que la Cour d'appel a rappelé que l'autorisation de droit à
l'image pouvait être orale ou tacite. Cependant, on prendra garde, dans la
mesure du possible, à se ménager la preuve de cette autorisation, pour éviter
des contestations ultérieures…