Les juges français invalident certaines clauses des CGU de Facebook

Les membres de Facebook l'ignorent souvent, mais lors de l'inscription sur ce site, il est demandé aux internautes de consentir à des conditions générales d'utilisation, c'est-à-dire de conclure un contrat. Qui compte des obligations pour les parties, une clause de loi et de compétence juridictionnelle applicables.

En cas de contentieux, les conditions générales d'utilisation de Facebook stipulent que seule la loi de Californie aux Etats-Unis est applicable et que le litige devra être porté devant une juridiction arbitrale et, à défaut, devant les juridictions compétentes de Californie, en l'occurrence celles du comté de Santa Clara. Bien entendu, ces stipulations sont particulièrement contraignantes pour les internautes personnes physiques, qui n'ont pas nécessairement les moyens d'engager un procès à Facebook à l'autre bout du monde.
C'est précisément la difficulté à laquelle s'est heurté un internaute qui disposait d'un compte Facebook et que l'entreprise américaine avait décidé de fermer en guise de sanction, pour un motif abusif selon lui. Cet internaute avait alors décidé d'assigner Facebook devant le juge de proximité de Bayonne, c'est-à-dire dans la juridiction du ressort de son domicile, et réclamait 1.500 euros de dommages et intérêts au réseau social.
Devant le juge de proximité, Facebook avait invoqué la clause attributive de compétence juridictionnelle contenue dans ses conditions générales d'utilisation et demandé au magistrat de se déclarer territorialement incompétent pour connaître du litige. La société de Mark Zuckerberg avait obtenu gain de cause, le juge ayant fait droit à l'exception d'incompétence soulevée et invité le demandeur à mieux se pourvoi.
L'internaute avait alors formé un contredit à l'encontre de ce jugement et la Cour d'appel de Pau a été amenée à statuer sur la validité de la clause attributive de compétence. L'on sait qu'en droit interne, ce type de clause n'est valable qu'entre professionnels. Ainsi, aucun consommateur ne peut se voir opposer une clause qui lui ferait obligation de porter un éventuel litige devant une juridiction particulière, qui ne serait pas celle du ressort de son domicile.
Cependant, cette règle ne vaut pas au plan international, ce qu'a rappelé la Cour d'appel de Pau dans son arrêt du 23 mars 2012. Cela étant, la clause qui instaure une compétence juridictionnelle ne peut être valable qu'à la condition d'avoir été préalablement portée à la connaissance de la partie à laquelle elle est opposée, qui doit en outre y avoir expressément consenti.
Sur ce point, l'arrêt relève que la clause est "noyée" dans 12 pages de stipulations qui, à l'époque, n'étaient pas disponibles en français mais exclusivement en anglais. Selon l'arrêt, cette clause, mentionnée en petits caractères, qui ne se distingue pas des autres stipulations et qui se situe à la fin d'un document dont la lecture se révèle complexe pour un non-juriste, qui plus est sur un écran d'ordinateur ou de téléphone portable, ne peut pas être réputée avoir été lue et acceptée par le demandeur. Les juges ont considéré qu'"il ne peut être considéré que [le demandeur] s'est engagé en pleine connaissance de cause ; la clause doit être réputée non écrite".
Si cette clause est censée n'avoir jamais existé, il convient alors de déterminer la juridiction compétente pour trancher le litige. Sur ce point, le raisonnement de la Cour présente quelque faiblesse. En effet, les juges ont retenu deux critères principaux pour asseoir la compétence du jugement de proximité de Bayonne. Le premier réside dans le fait que Facebook assure un service à destination d'internautes français. Le second consiste dans le fait que le dommage invoqué par le demandeur a été subi à son domicile, près de Bayonne.
En réalité, aucun de ces éléments n'est pertinent. En droit français interne, en matière contractuelle, l'article 46 du Code de procédure civile dispose qu'est compétente "la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service". Cette règle a été transposée sur le plan international. Ceci signifie que le lieu où le dommage a été subi n'entre pas en considération. Or le lieu d'exécution de la prestation, s'agissant de Facebook, est davantage situé aux Etats-Unis qu'en France.
A l'avenir, les juges devront donc mieux motiver leurs décisions sur ce point, car s'il est effectivement souhaitable, en équité, que les internautes ne soient pas contraints de porter un litige devant une juridiction lointaine, on ne pourra faire l'économie d'un fondement juridique solide.