Union européenne : après ACTA, l’espionnage de masse pour 2014 ?

Vous avez aimé ACTA et ses dérives potentielles en matière de protection des données personnelles ? Vous allez adorer INDECT et ses capacités de fichage à la Big Brother !

Le 4 juillet 2012 à Bruxelles, avec 478 voix "contre" et seulement 39 voix "pour", le traité international de lutte contre le piratage ACTA est rejeté par les eurodéputés réunis. Le parlement européen a tranché. A l'annonce des résultats, certains eurodéputés de l’alliance libre européenne et des verts brandissent des affiches "bonjour démocratie, adieu ACTA!".

Faut-il se réjouir pour autant ? Sur les 754 eurodéputés du parlement européen, 237 ne se sont pas prononcés (72 absents et 165 abstentions). Ces chiffres peuvent déranger si l'on considère que l’accord avait reçu un avis négatif des cinq commissions (Industrie, Libertés civiles, Affaires juridiques, Développement, Commerce international) chargées de l’examiner…

Exception française ?
Notons au passage la forte présence de votes français dans les 39 "pour", puisque plus de 50% de ces votes (21 au total) émanent d'eurodéputés français. Mention spéciale pour le volte-face de Rachida Dati qui a d'abord voté en faveur, pour ensuite faire corriger son vote au procès-verbal. "Suite à un problème de boîtier électronique dans l’hémicycle au Parlement européen, j’ai tout de suite fait corriger mon vote sur ACTA : mon intention était bien de m’abstenir et de ne pas voter pour," explique-t-elle sur son site.

La fin d'ACTA ?
Rejeté, le projet fait malgré tout l’objet d’une saisine de la Cour de Justice européenne, bien que la commission chargée des affaires juridiques ait demandé l’abandon de cette procédure.

Il s’agirait là de vérifier la compatibilité de l’accord avec les textes européens et notamment la charte des droits fondamentaux. Un processus de consultation qui pourrait durer plusieurs mois. Pendant ce temps, les négociations continuent à l’international : il suffirait en effet que le traité soit ratifié par 6 pays pour entrer en vigueur sur leurs territoires.

Voici INDECT !
Théorie souvent développée dans les films de science fiction : la meilleure parade contre le crime c'est de prévenir l'acte avant même qu'il ne survienne. Remonter dans le temps pour mettre un criminel hors service alors qu'il n'est encore qu'un enfant par exemple. Ou encore construire une base de données si perfectionnée qu'il devient possible de deviner l'intention de crime avant le crime.

Mais est-ce vraiment de la science fiction ? Pas si certain, lorsqu'on découvre INDECT. Ce programme de recherche paneuropéen lancé à l’initiative de la Pologne en 2009 et financé par l’Union européenne à hauteur de 10,9 millions d’euros, vise en 5 ans à "développer de nouveaux outils et techniques destinés à aider les utilisateurs finaux, à améliorer leurs méthodes de détection et de prévention des crimes, offrant ainsi une meilleure sécurité aux citoyens de l’Union européenne."

Attention, ici, quand on parle d'utilisateurs finaux, il ne s'agit pas de vous et moi mais bien des forces de l'ordre. Car INDECT serait en fait un vaste système intelligent de surveillance automatisée capable de croiser données virtuelles (navigation, bases de données…) et réelles (vidéo surveillance) afin de détecter et anticiper tout comportement "supposé criminel".

A notre époque de connexion quasi permanente à Internet, la puissance d'un tel dispositif est potentiellement aussi considérable qu'inquiétante. Les smartphones et leurs applications localisent en temps réel leurs utilisateurs... Qui n'hésitent de toute façon pas à partagez photos, sentiments et intimité avec leurs "amis" sur les réseaux sociaux. Du pain béni pour INDECT, dont voici quelques résultats attendus à la fin du programme en 2014 :

  • Système de détection de menaces dans les zones métropolitaines ;
  • Traçage d’objets mobiles ;
  • Création d'un moteur de recherche pour la détection rapide et la recherche sémantique de documents basée sur les technologies de "tatouage numérique" ou watermarking permettant de marquer numériquement des fichiers textes, audio ou vidéo.
  • Création d'un système de traçage des activités criminelles et détection des menaces sur Internet.

Surveillance mondiale
Comme le rappelle la Commission Nationale Informatique et Libertés sur son site, la vie privée est une liberté fondamentale. Et la CNIL d'ajouter : "aller et venir anonymement est une liberté fondamentale, à protéger des technologies d’observation" car "personne ne doit être fiché à son insu".

Des principes fondamentaux qu'il serait peut-être bon de rappeler à tout ceux qui, à l'instar des créateurs d'ACTA ou d'INDECT, œuvrent dans le secret pour mettre en place une hyper-surveillance des citoyens numériques que nous sommes (presque) tous devenus.

Oui il faut lutter contre la contrefaçon sous toutes ses formes. Oui il faut protéger les citoyens des menaces terroristes. Mais tout cela dans le respect des libertés individuelles ! A défaut, nous prenons le risque de voir une sorte de surveillance étatique se mondialiser et ne plus être uniquement le fait de régimes totalitaires.