Dépôts de marques : les erreurs à ne pas commettre

Le dépôt d'une marque, formalité apparemment assez simple et désormais accessible en quelques clics sur Internet, tant sur le site de l'INPI que sur celui de l'OHMI, suppose en réalité de réfléchir préalablement à deux aspects distincts absolument fondamentaux en la matière.

Le premier de ses aspects concerne bien évidemment le signe que l'on souhaite protéger. Veut-on déposer une marque verbale, un signe figuratif ou bien semi-figuratif ? Dans tous les cas, il est important de procéder à une recherche d'antériorités, afin de vérifier si le signe envisagé n'a pas déjà été déposé par un tiers. Il existe des bases de données librement accessibles, qui permettent d'effectuer de premières vérifications formelles. Toutefois, une analyse des signes suppose une appréciation du risque de confusion qui n'est pas à la portée de tout un chacun.
Le second, sans doute plus fréquemment laissé de côté par les profanes qui s'aventurent dans les formalités de dépôt de marque, concerne le libellé des produits et des services. Parce que la marque est un signe destiné à être exploité dans le commerce, dans le but d'identifier ses propres produits ou services de ceux de ses concurrents, il est indispensable de réfléchir sérieusement à la liste des produits ou des services en cause parmi les 45 classes de l'actuelle Classification de Nice.
Souvent, la tentation est grande, sans doute par manque de temps ou par méconnaissance des principes applicables, de se contenter de se référer à l'intitulé de chacune des classes. Par exemple, celui qui souhaite lancer une marque de vêtements va simplement viser l'intitulé de la classe 25, "Vêtements, Chaussures, Chapellerie". La Cour de Justice de l'Union européenne ("CJUE") a toutefois récemment jugé que cette manière de procéder n'était pas convenable.

En effet, par un arrêt du 19 juin 2012 (aff. C-307/10), la CJUE a rappelé que l'étendue de la protection de la marque reposait de manière très étroite sur la précision du libellé de ses produits et services. Il a déjà été jugé en droit interne que la classification n'avait qu'une valeur administrative et que la seule référence au numéro de la classe n'était pas suffisante pour apprécier la portée d'un dépôt. Désormais, il est établi que "l'identification [des produits et des services] [doit être] suffisamment claire et précise pour permettre aux autorités compétentes et aux opérateurs économiques, sur cette seule base, de déterminer l’étendue de la protection demandée."

En visant l'intitulé de la classe, ce qui reste tout à fait possible en pratique, le déposant laisse un doute sur les produits ou les services réellement visés : s'agit-il de l'ensemble des produits ou des services de la classe ou de seulement certains d'entre eux, c'est-à-dire ceux qui sont écrits noir sur blanc ? La précision est d'importance, car le fait de viser tous les produits ou les services d'une même classe accentue le risque de contestation si des tiers sont titulaires de marques antérieures identiques ou similaires et visant des produits ou des services identiques ou similaires à ceux identifiés dans le dépôt.
De plus, la marque n'est protégée qu'à condition qu'elle soit exploitée. L'article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle prévoit la possibilité d'agir en déchéance des droits sur la marque à défaut d'exploitation pendant une période ininterrompue de cinq ans. Ceci signifie qu'un dépôt visant l'ensemble des produits ou des services d'une même classe sera susceptible de subir les foudres de la déchéance si la marque n'est pas exploitée pour l'ensemble de ces produits ou services. Cette solution est donc à écarter, sauf à vouloir procéder à un dépôt d'obstruction.

En somme, le dépôt de marque suppose un minimum de prudence et d'expérience, ce que la CJUE, dans sa grande sagesse, a eu raison de rappeler.