Maroc Numéric, l'heure du bilan

Maroc Numéric 2013 est arrivé à échéance. Des résultats indéniables sont acquis, cependant les marges de progrès, notamment de la cyber-adminstration, existent encore. Quelques règles d'or existent et peuvent aider le Royaume à franchir le pas.


Voilà plus de sept années que le Maroc s’est lancé d’une manière volontariste, dans un programme intitulé Emergences, visant à le positionner sur les grands métiers mondiaux. Des chantiers d’envergure ont été lancés et dont certains ont déjà donné des résultats probants et ont permis au MAROC de jouer un rôle de premier plan dans la région. Mieux encore, un apprentissage et une courbe d’expérience ont permis de faire émerger des compétence , qui aujourd’hui permettent à certaines entreprises de se positionner sur de grands projets et plus particulièrement en Afrique.
Le développement du secteur IT et BPO, s’est fait à travers une stratégie nationale « MAROC NUMERIC 2013 ». Cette stratégie, a permis de dégager une vision dont les technologies de l’information constituent un véritable projet de société et dont l’ambition est de placer le Maroc comme un hub technologique, générateur de richesses et développement économique. Les principales priorités stratégiques ont été la transformation sociale, les services publics orientés usagers, la productivité des PME et l’industrie des TIC. Les principales mesures d’accompagnement ont concerné le capital humain et la confiance numérique
Le Maroc a pu attirer des sociétés de renommées internationales, dont la dernière en date est IBM qui ouvre un centre off shore à Casablanca. Les grandes SSII internationales, se développent d’une manière plus que satisfaisante et s’intègrent de plus en plus dans le paysage IT. Les entreprises de services marocaines commencent à s’attaquer à de grands projets et principalement en Afrique. Nous assistons aussi, à la naissance de fonds d’amorçage pour accompagner les startups et aussi la mise en place de clusters.
La destination Maroc est aujourd’hui reconnue comme la première destination francophone en 2012  et a été récemment récompensée à Londres. Enfin, le Maroc progresse au niveau international au travers notamment de la mesure à travers l’Egov Index, qui est la moyenne de 3 indices : infrastructure, capital humain et services en ligne. Entre 2010 et 2012, le Maroc a gagné 48 places sur l’indice services en ligne en se positionnant à la 56éme place. Il devrait encore gagné des places en 2013 ; 22 services sont actuellement opérationnels et 14 sont en cours de réalisation.
Il s’agit de chiffres très significatifs et des résultats qui ont été obtenus dans des temps records. Cependant, différentes questions peuvent interpeller. Tout d’abord, quel est la retour sur investissement pour l'État ? La question se pose sur les coûts et gains quantifiables pour les Ministères mais aussi les collectivités et les organismes sociaux. Elles peut aussi s’analyser en regardant les dépenses d'investissement évitées grâce au projet.
Autre question clé, les  projets  ont-ils un caractère obligatoire ? Se pose ainsi indirectement la question de la pérennité des démarches entre l’obligation réglementaire, l’engagement politique ou bien la rationalisation de l'action publique. Il faut aussi s’interroger sur les bénéfices des projets pour les agents et pour les services publics ? Valorisation des agents, efficacité des services publics, rentabilité quantifiable pour la sphère publique totale (dont collectivités territoriales, sphères sanitaires et sociales) sont autant de dimensions à analyser. En parallèle ce sont aussi les bénéfices pour l'usager particulier, association ou entreprise  qu’il faut valoriser (gain de temps, économie d'argent, satisfaction, accès simplifié).
La « voix «  du client » est en cela critique : les citoyens marocains perçoivent les gestions administratives comme peu efficaces et constituent une perte de temps ; certains n’ont jamais entendu parler des services existants ; la navigation est difficile (faible satisfaction du citoyen) ; les données ne sont pas à jour. Le taux d’accès de certains sites, quand ce n’est pas une obligation, comme la demande du passeport, est très faible.
Le tableau n’est pas si noir car l’évolution est bien réelle mais l’attente de l’usager reste grande et donc la route loin d’être finie. Dans une perspective d’un développement des services en ligne, il faut se servir des exemples d’autres pays et intégrer un certain nombre de réflexions et de convictions de certains pays développés voire émergents. De ces analyses, 10 règles d’or peuvent être mises en avant et constituer ainsi une ligne directrice, un fil rouge, pour une nouvelle étape du Maroc Numérique.
  • Règle n°1 -  Adapter les services offerts aux attentes et à la maturité technologique des usagers en offrant  des services  utiles et pertinents, priorisés à l’aide d’un dispositif d’écoute usager.
  • Règle n°2 - Mettre en place des dispositifs permettant d’atteindre l’ensemble des populations, en particulier celles qui sont les plus éloignées des TIC.
  • Règle n°3 -  Concevoir l’e-administration dans le cadre de mesures de simplification administrative.
  • Règle n°4 -  Mettre en place un dispositif de sécurisation des emails et des transmissions de données.
  • Règle n°5 - Favoriser une démarche de déploiement progressive et flexible.
  • Règle n°6 - S’appuyer sur une démarche agile de déploiement et d’intégration.
  • Règle n°7 -   S’appuyer sur un sponsorship politique ou un texte normatif susceptible d’imposer une approche commune.
  • Règle n°8 - S’appuyer sur des partenariats public-privé pour le développement des applications d’e-administration.
  • Règle n°9 -  Promouvoir et piloter les initiatives interministérielles.
  • Règle n°10 - Former et accompagner les agents dans l’acquisition de nouvelles habitudes de travail.
Pour les agents, l’e-administration introduit une triple rupture : un passage du papier à la dématérialisation, un changement de posture vis-à-vis de l’usager qui est placé au centre des processus, un fonctionnement interministériel et non en « silo ». L’ampleur de ces changements emporte la nécessité de conduire le changement auprès des agents.
En Allemagne, le soutien de l‘équipe projet aux ministères s’est traduite par la mise à disposition de 25 conseillers e-government (« catalysts ») chargés d‘accompagner les ministères.

En surfant sur une vague d’optimisme, malgré un contexte international défavorable, le Maroc doit dresser un bilan exhaustif des réalisations de MAROC NUMERIC 2013 en vue d’élaborer une nouvelle stratégie en capitalisant sur les acquis , les facteurs de succès et le marges de progrès. Les conclusions du bilan Maroc Numeric 2013 permettront  certainement de rectifier le tir pour le futur plan qui sera adopté en 2014. De nouveaux défis s’imposeront au Maroc et en priorité le cloud computing, le big data et le haut débit.
Le Maroc a une chance de se positionner sur les TICs en Afrique,  mais il faut faire vite surtout que d’autres pays commencent aussi à y investir.

Jean-Michel Huet, Directeur associé BearingPoint, en charge du Maroc et Youssef Harouchi, Advisor BearingPoint, Bureau de Casablanca