Quand la démocratie tombera du ciel (grâce à Internet)

Internet est le canal parfait où publier photos et vidéos d’exactions, où les faire circuler, puis où s’organiser pour mieux résister à l’oppresseur et le renverser. A condition d’avoir internet. Facebook et Google travaillent séparément sur deux projets devant permettre de diffuser depuis le ciel un internet gratuit et non censuré.

Si le rôle joué par Facebook dans les révolutions arabes a été très largement exagéré, comme le reconnaît Mark Zuckerberg lui-même, personne ne conteste malgré tout celui primordial joué par internet.
Internet est le canal parfait où publier photos et vidéos d’exactions, où les faire circuler, puis où s’organiser pour mieux résister à l’oppresseur et le renverser. Internet permet aussi d’accéder à de l’information non filtrée, de comprendre ce qu’il se passe de l’autre côté du “mur”, de voir à quel point un gouvernement spolie sa population. Internet a permis par exemple à la population du Barhein de mesurer grâce à Google Earth à quel point les gouvernants monopolisaient la terre à son détriment. Internet s’ajoute ainsi à la boîte à outils de la liberté, comme en leur temps ces émissions de radio clandestines comme Radio Londres en France pendant la seconde guerre mondiale ou celles qui ont contribué à populariser la culture occidentale et notamment le rock en URSS.

A condition d’avoir Internet

Un internet qui est justement fourni dans chaque pays via des infrastructures contrôlées d’une façon ou d’une autre par des organes d’états. Dans les régimes autoritaires, les dirigeants ont bien sûr une incitation gigantesque à tout simplement bloquer la mise en place de ces infrastructures comme en Corée du Nord, ou à contrôler ce qui est accessible et à interdire l’accès à certains sites jugés subversifs, comme Facebook, Youtube et Twitter en Chine. Ou même plus proche de nous en Turquie récemment, où Erdogan s’est sans doute rappelé le bon vieux temps de l’Empire Ottoman où en 1485 le sultan Bayezid II interdit l’usage de la machine à imprimer. Alors que les Lumières s’excitaient en Europe gâce à cette nouvelle invention, moins de 25 livres avaient été imprimés en tout et pour tout en Turquie et son empire avant 1797 !
La chute du coût des smartphones bourrés de “sensors” et de lentilles à la résolution sans cesse accrue entraîne leur propagation à travers le monde à une vitesse inédite pour une technologie (seule les “dumbphones” ont fait mieux pour l’instant) !

A quoi bon si les seules plate-formes où publier des photos compromettantes sont censurées en temps réel par le gouvernement, comme Sina Weibo en Chine ?

Pourquoi n’avons-nous pas plus de vidéos sur les atrocités commises en Syrie alors que beaucoup là-bas ont un téléphone avec appareil photo ? Car internet n’est tout simplement pas disponible, ou, dans les zones où il l’est, très largement filtré par le régime de Bachar el Assad. Les insurgés en sont réduits à faire circuler des clefs USB. On peut raisonnablement imaginer que la communauté internationale se mobiliserait plus facilement si  tout un chacun en Syrie pouvait y poster immédiatement et sans retenue photos et vidéos des abus qui y sont perpétrés.
Aujourd’hui Internet est certes accessible dans la plupart des pays. Et jusque dans les coins les plus reculés du Kenya par exemple, un fermier peut se retrouver avec plus de capacité de calcul dans sa poche que le président des États-Unis il y a 20 ans. Mais le coût d’accès à l’internet mobile en limite considérablement le potentiel.
Si l’utilisation de VPN, moyennant quelques frictions, permet de remédier au problème du filtrage, l’absence d’infrastructures ou le coût prohibitif de l’internet, eux, constituent donc le majeur obstacle à la propagation des idéaux des Lumières, obstacle que les derniers potentats voudront perpétuer le plus longtemps possible.

Alors que faire pour enrayer ce cercle vicieux ?

La réponse devrait venir du ciel : Facebook et Google travaillent séparément sur deux projets devant permettre de diffuser internet depuis des drones tournant en rond pour le premier, et depuis des “ballons” pour le second, tous volant à 20 kilomètres du sol, soit deux fois plus haut que les avions de ligne ! 
Ces projets fous viendraient offrir un internet gratuit et non censuré, avec tous les bienfaits listés plus haut, aux populations couvertes. Cela pourrait représenter un pas sans précédent vers la liberté et l’égalité sur cette Terre, plus significatif que l’invention de l’imprimerie potentiellement !
Je me risquerais à pronostiquer que l’approche de Facebook est peut-être plus viable pour les pays en guerre, car un drone est sans doute plus furtif et plus difficile à abattre qu’un ballon, mais cette course est quoi qu’il arrive lancée, personne ne devrait plus pouvoir refermer cette boîte de Pandore, pour le plus grand bien de tous.
Cette révolution de l’internet du ciel devrait entraîner la chute spectaculaire des derniers dictateurs mais aussi de façon plus graduelle et moins passionnante accélérer la démocratisation de notre monde, jour après jour, un scandale révélé après l’autre. Félicitons-nous de ces initiatives et espérons que l’Europe ne sera pas en reste !