Pourquoi la publicité native constitue la prochaine révolution des médias

Il se passe quelque chose au royaume de la publicité, tout particulièrement digitale... Ce phénomène a pour nom « Native Advertising », anglicisme typique de l’économie internet, qui redonne ses lettres de noblesse au bon vieux « Publi Editorial » de la presse écrite… et bien davantage.

La publicité native porte bien son nom ; elle désigne un contenu à vocation commerciale, intégré nativement dans l’expérience utilisateur, c’est-à-dire au sein des contenus  du média considéré, dans un style (polices de caractère, mise en page, iconographie)  comparable à celui du site où il est placé.  Il ne s’agit donc plus d’un visuel publicitaire servi dans emplacement publicitaire standard, mais de la présence, dans un flux d’information, d’un contenu endossé par une marque, au bénéfice de celle-ci.

Cette innovation bouleverse le paysage publicitaire aux États-Unis, où le native advertising devrait représenter  d’ici 3 ans, 3 milliards de dollars et près de 20% des dépenses média sur internet (source : eMarketer), avec des taux de croissance annuels situés entre 20 et 50 %.
Si la publicité native pèse si lourd, c’est qu’elle solutionne une grande partie des problèmes de l’industrie des médias depuis l’avènement d’internet. 
 A l’heure de l’information et des contenus  gratuits financés par la publicité, le « Natif » revalorise massivement le coût au contact et donc le prix de la publicité ; il ouvre aux éditeurs de tous bords un espace de monétisation inconnu jusqu’à lors.
  • Au moment où l’expérience internet est dégradée par une saturation publicitaire évidente  et des visuels de plus en plus intrusifs, le « natif » permet une prise de parole maîtrisée, plus respectée et écoutée, comme l’attestent les analyse d’efficacité réalisées outre Atlantique par les principales société d’études.
  • L’évolution des technologies de ciblage publicitaire permet aujourd’hui de donner à voir un publi-éditorial différent en fonction des centres d’intérêt perçus de l’internaute, augmentant le caractère affinitaire du contenu concerné… un peu comme si, par une meilleure connaissance de du lecteur/utilisateur, le « publi » s’éclipsait devant l’ « éditorial ».
Les annonceurs, dont les dépenses média, ne l’oublions pas représentent près de 1,5% du PIB, trouvent avec ces nouveaux leviers le moyen d’une prise de parole plus qualifiée, plus profonde, mieux mémorisée… Les marques préfèrent murmurer à l’oreille des bonnes cibles, celles qui trouvent qu’elles ont quelque chose à leur dire, tout simplement.
  • En étant particulièrement adaptée à l’intégration dans les contenus mobiles, souvent présentés sous forme de flux sur l’écran du smartphone,  la publicité native offre une véritable planche de salut à l’ensemble des producteurs de contenus obligés de suivre l’évolution des usages (toujours plus mobiles) sans avoir nécessairement de solution publicitaire, laissant ainsi Facebook et Google capter l’essentiel de la manne publicitaire associée au Mobile.
Le modèle de la publicité native a quelque chose de transformationnel, pour une industrie publicitaire prisonnière des recettes du passé, où la part de voix et la force du message étaient censés donner au chaland « l’envie de consommer » … En adoptant un mode  d’expression mieux à même d’exprimer les  valeurs et des compétences  de ses marques , en se donnant à voir de manière mieux intégrée à un environnement de lecture (ou plutôt de « surf »), l’annonceur « natif » ne donne pas seulement l’envie, il donne aussi et surtout les « raisons de consommer », tout en préservant une part de rêve.
A terme, la publicité native impactera non seulement les modes d’écriture publicitaire, mais aussi les modes d’organisation entre les media, les annonceurs et les agences qui les conseillent.  Le magazine Forbes, aux Etats Unis, a été  le premier à offrir un accès direct à son système de gestion de contenu  pour un certain nombre d’annonceurs reconnus de son audience américaine, tout en gardant évidemment un droit de regard sur les publi-éditoriaux réalisés via cet outil.
Longtemps accusé de fragiliser l’économie des média en favorisant la gratuité des contenus  tout en diminuant les recettes publicitaires à destination des véritables producteurs d’information,  internet trouve peut-être tout simplement, avec la publicité native, son vrai modèle économique.


Chronique rédigée par Philippe Besnard et Mickaël Ferreira