Les bookmakers en ligne, les grands gagnants du Mondial

Quelle que soit l’issue du championnat, les grands gagnants de l’édition 2014 de la Coupe du Monde seront les sites de paris sportifs qui connaissent une période faste et jouent dès à présent leur année 2015.

Une ruée vers l’or prévisible

Rappelons-nous Juin 2010. Le débat fait alors rage dans l’univers des jeux d’argent en ligne en France sur les conditions d’une régulation du marché. L’ARJEL commence à distribuer les premiers agréments aux géants comme Betclic ou Bwin. La chose est finalisée le 9 juin ; la coupe du monde 2010 est sur le point de débuter. Le marché a tenu ses promesses, puisque 1 mois plus tard, le bilan fut de 1,2 million de parieurs et 58 millions d’euros de mises sur le football.

Depuis, la mode des paris sportifs faisant de l’activité le seul jeu d’argent en ligne en forte croissante et la consolidation du marché fait tabler sur 100 millions d’euros de mises pendant le mondial. D’ailleurs, la directrice marketing de Betclic, leader en France, affirmait aux Echos que juin 2014 sera décisif pour l’année à venir et prévoyait un nombre d’inscrits sur le mois multiplié par 6. Le bookmaker ayant choisi Marcel Desailly pour ambassadeur espère 40 000 nouveaux venus.

10 jours après l’ouverture de la compétition, les premiers chiffres publiés par l’ARJEL semblent lui donner raison :

Un Mondial encore plus favorable

Toute Coupe du Monde réserve des surprises, mais il se trouve que la 2014 en réserve jusqu’ici plus que d’autres. Des résultats inattendus déjouent tous les pronostics : qui aurait prévu l’élimination précipitée de l’Espagne ou le 5 – 2 de la France contre la Suisse ?

Conséquence directe de cette relative imprévisibilité, l’attractivité des cotes, qui dépend de la faculté des bookmakers à pronostiquer. Elles séduisent les parieurs qui comptent plus sur la chance que sur les statistiques et l’analyse. D’ailleurs, de loin le plus populaire, le football est aussi le sport le plus imprévisible, comme l’analyse finement cet article de l’Equipe qui pose la question de savoir s’il est vraiment plus raisonnable de remplir une grille de paris qu’une grille de Loto.

Or, ce sont les mises des perdants qui font les gains de ces sites, à la différence du modèle économique des opérateurs de turf qui redistribuent les mises après avoir prélevé une commission, et dont les revenus ne dépendent en conséquent pas des issues des rencontres. Qui dit Mondial surprenant dit bookmakers gagnants.

Les efforts de recrutement de nouveaux parieurs

Quiconque à regardé l’un des matchs de la phase qualificative est forcément tombé sur 3 publicités :

  • Celle de Betclic, qui est présenté comme le partenaire de la diffusion des matchs en question
  • Celle de l’application du PMU et les 250€ promis à l’inscription sur le site
  • L’une de celles de ParionsWeb, d’ailleurs totalement décalées par rapport à la Coupe du Monde (on pensera en particulier au chat qui joue au ping-pong : drôle mais hors-sujet…)

Cette visibilité nettement plus importante qu’à l’accoutumée avant, pendant et juste après les rencontres témoigne d’efforts publicitaires conséquents de la part des leaders du marché pour l’occasion. La seule chose étonnante est finalement la visibilité moindre d’Unibet ou Bwin, acteurs pourtant historiques et disposant d’une offre de jeu de référence.

Par ailleurs, les novices ont de quoi être séduits par les divers bonus à l’inscription qui leurs sont promis une fois arrivés sur les sites : 100€ chez Betclic, 150€ chez Unibet, 200€ chez France Pari (effort remarquable de la part d’un acteur intéressant mais très secondaire) et même 250€ chez PMU (ce qui inclus un bonus pour jouer au poker et au turf). Bien sûr, toutes ces offres décryptées en détails sur des portails tels que GuideDuPari.com sont soumises à des condition. Il est clair qu’il ne s’agit pas à proprement parler de dépenses des bookmakers, tout au plus d’opérations de séduction donnant envie de se lancer.

Quant aux joueurs déjà inscrits, des challenges avec récompenses à la clef leur sont proposés, souvent sous forme de paris gratuits afin qu’ils continuent à jouer. Charge à eux de veiller à garder le contrôle face aux réels risques de dépendance et de pertes inhérents aux jeux d’argent.

Des gains à relativiser

Malgré les gains conséquents escomptés, les acteurs demeurent réalistes.

Supposons que le Mondial génère effectivement 100 millions d’euros de paris en ligne, une prévision tout à fait plausible et peut-être à revoir à la hausse si la France va loin dans la phase finale. Il ne s’agit aucunement du bénéfice que chaque site retirera de l’événement. Avec le taux de retour joueur pratiqué, ce ne sont au mieux « que » quelque 20 millions d’euros qui seront les réels bénéfices pour l’ensemble des sites. Ils seront partagés essentiellement entre Betclic (environ 33% du marché), PMU (environ 25%), Bwin (environ 20%), Unibet et ParionsWeb.

En conséquent, les budgets sont grandement maîtrisés. Il s’agit pour les sites de conquérir des parts de marché sur le long terme en séduisant de futurs clients réguliers post-Mondial.  Les enjeux sur le football restent autour de 60% de l’ensemble des paris, loin devant les autres sports. La fin du Mondial sonnera la reprise prochaine des championnats, ce qui devrait convaincre une partie des nouveaux parieurs de continuer de tenter leur chance. Mais une partie seulement : beaucoup oublieront leur application ou leur site une fois leurs yeux loins du Brésil.

Aussi les budgets en forte progression sont-ils plutôt ceux destinés à l’acquisition sur le web, à travers la publicité Google, les affichages et l’affiliation. Un bon ciblage du client en ligne a en effet bien plus de valeur sur le long terme qu’une diffusion de spots télévisés de masse coûteux. Les achats d’espaces et de mots-clés ont un ROI plus sûr. Chez un bookmaker, ce sont en général 10% des parieurs qui représentent 60% des mises en valeur, d’où l’importance de dénicher de tels adeptes.

En somme, la promesse de croissance pour le secteur que représente le Mondial n’est ni synonyme de bénéfices extraordinaires, ni d’explosion des budgets, mais une opportunité à saisir pour gagner durablement des parts sur un marché à potentiel.