Facebook : Annonceurs, ne soyez plus complices.

Et si McDonald, suite à la découverte que 80% de la viande de leurs hamburgers était contrefaite, rendant malades des millions de consommateurs, proclamait qu’ils ne peuvent être tenus pour responsables car ils sont une plateforme de fast-food et non pas un restaurant fast-food ? Scandaleux ? C’est pourtant ce que fait Facebook sans que cela perturbe ses annonceurs transis.

Le propos n’est pas de revenir sur la puissance de Facebook, ses plus de 2 milliards d’utilisateurs, dont 44% s’y informent sur l’actualité. Que Facebook nous promette notre bonheur, nous brosse dans le sens de notre narcissisme, qu’elle nous rende addicts aux notifications comme nous pourrions l’être aux machines à sous, n’est pas plus notre sujet.

Nous ne reviendrons pas plus sur les travaux du Professeur Michal Kosinski démontrant qu’avec quelques dizaines de Like il est possible de déterminer le profil psychologique d’un individu - de le connaître mieux que lui-même - et donc de le manipuler. Ce qui, couplé avec la croyance « Je partage, donc je suis » des Millenials, renvoie toutes les études/enquêtes d’opinion et de marché dans leurs grottes du côté de Chauvet.

Pourquoi Facebook se veut une plateforme et non un média ?

A première vue on pourrait penser qu’il ne s’agit que d’une question de valorisation boursière. Etre mis dans le même panier que des groupes media à la valorisation déclinante n’est pas glamour. Mais quand on commence à creuser on se rend compte que la raison pour laquelle Facebook ne veut surtout pas être considérée comme un media est bien plus… perverse.

C’est qu’un media doit assumer des responsabilités et ne peut être aimé par tous. Vous savez, tout ces clichés dignes de Vicky Vale dans Batman : objectivité éditoriale, vérification des sources et j’en passe… Tout cela coûte cher et ce n’est pas possible de le faire faire - vaste blague - par une IA. Etre un media cela coûte de l’argent et en plus cela ne peut pas vous faire que des amis et des Like. Double peine.

Or Facebook ne pense qu’à une seule chose et ses actes le prouvent : faire des clics et des dollars.

Alors, pourquoi favoriser une histoire vraie/vérifiée par rapport à une fausse – la fameuse fake news si croustillante, si attractive au clic ? - voyez la Pizzagate. D’autant plus que cette histoire va coûter plus cher et donc faire baisser la rentabilité de l’entreprise… et donc le cours des actions ! Car c’est bien de cela dont il s’agit : si l’ensemble des groupes de media disaient au revoir à tous leurs journalistes, leur rentabilité serait proche de celle… de Facebook.

Facebook peut bien se draper dans sa dignité en disant "plus de post de haine !", mais elle ne peut masquer sa rapacité et ses conséquences : évasion fiscale, irresponsabilité sociétale.

Or Facebook ne fait rien et ne fera rien de concret contre les fake news

S’en débarrasser l’obligerait à accepter la responsabilité d’éditeur du 1er media le plus influent au monde. Il faudrait qu’elle exerce un jugement sur ce qui est vrai et faux. Cela créerait de la suspicion et de l’opprobre. Justement ce à quoi les media doivent faire face. Plus important pour elle, en faisant disparaitre les fake news Facebook sacrifierait des milliards de clics et des tombereaux d’argent car son modèle économique est basé dessus !

Facebook a dû avouer, sous la contrainte, avoir couvert des actions étrangères lors des dernières élections américaines : 146 millions d’utilisateurs ont été exposés à de la désinformation Russe sur sa plateforme. De même, les agissements de Cambridge Analytica pour le compte de Donald Trump n’ont pas plus sauté aux yeux de qui que ce soit chez Facebook. Que plusieurs études montrent que le réseau social favorise mécaniquement la haine n’est pas son souci. Au contraire, c’est bon pour le niveau d’implication des usagers qui ainsi s’auto-confortent dans leurs convictions de plus en plus extrêmes. Encore des clics et encore des $ ! Or, être une plateforme sociale oblige à une responsabilité sociale, ce qui implique d’accepter être un media.

Il en va de l’avenir de nos démocraties et le législateur devra intervenir

Mais il en est aussi de la responsabilité des annonceurs qui, de facto, rendent possible et se complaisent dans cet environnement.  Car c’est bien eux qui ont un levier immédiat sur Facebook : les $.

Or, malgré toutes les trahisons qu’ils ont subi de la part de Marck Zuckerberg (la dernière en date étant l’extinction du référencement naturel sur Facebook après que celle-ci ait incité les marques à y tisser un lien avec leurs clients) et malgré cet environnement délétère, 90,5% des entreprises vont investir sur les réseaux sociaux (et donc Facebook) en 2018.

Depuis 2011 nous déconseillons à nos clients d’investir de la publicité sur les réseaux sociaux – parce qu’ils sont du ressort du social, justement. Nous les incitons à investir dans leur relation client afin que ces mêmes clients parlent de la marque sur leur propre espace social.

Il s’agissait, à l’époque, d’un simple bon sens commercial. Il s’agit, dorénavant, d’un impératif démocratique.

Annonceurs, cessez d’être complices, cessez vos investissements publicitaires sur Facebook, le temps qu’elle prenne ses responsabilités.

Pour qu’elle cesse de représenter une menace pour nos démocraties.