Avec la réalité virtuelle, les réseaux sociaux vont changer de dimension

Avec la réalité virtuelle, les réseaux sociaux vont changer de dimension Facebook n'est pas le seul à miser sur une technologie en pleine démocratisation, qui séduit aussi les professionnels du marketing.

L'image a fait le tour du monde. Le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, avance d'un pas flegmatique au milieu d'une forêt de casques de réalité virtuelle (VR) lors de la conférence Samsung au Mobile World Congress de Barcelone, début 2016. Le doute n'est plus permis : "alors que cette technologie était réservée depuis 30 ans aux professionnels, 2016 sera l'année de sa démocratisation", affirme Matthieu Lépine, président de l'Association française de réalité virtuelle, augmentée, mixte et d'interaction 3D (AFRV). Les contenus VR seront consultables dans le futur grâce à des lunettes "qui ressembleront beaucoup aux lunettes de vues d'aujourd'hui", a prédit depuis le dirigeant du réseau social le 12 avril, lors de la F8, une conférence dédiée aux développeurs.

Afin d'intégrer cette innovation à son réseau social le plus vite possible, le géant du net a déboursé deux milliards de dollars en mars 2014 pour mettre la main sur le spécialiste de la réalité virtuelle Oculus, qui fabrique des casques haut de gamme. Il a présenté à la F8 une caméra 360° à 30 000 dollars, permettant de générer des contenus immersifs. Au MWC 2016, la société a annoncé la création d'une équipe dédiée au développement de projets VR ainsi qu'un partenariat avec le sud-coréen Samsung, qui fabrique le Gear VR. Pour fonctionner, ce casque (qui ne coûte que 99 dollars) doit être couplé avec un smartphone de la marque.

Facebook a racheté Oculus pour deux milliards de dollars

Le faible prix des appareils bas de gamme est LE facteur clef de la démocratisation de la VR et donc de son potentiel développement sur les réseaux sociaux. "Les casques de VR valent entre 100 et 700 euros en fonction de leur niveau de qualité. C'est moins qu'un smartphone. Or en sept ans, 3 milliards de smartphones se sont écoulés dans le monde. C'est à peu près le temps que va mettre la VR à entrer dans les foyers", affirme Philip Rosedale, fondateur du réseau social 3D Second Life et de la start-up High Fidelity, qui veut donner au quidam les moyens de créer son propre univers en réalité virtuelle.

Mais "ce n'est pas parce que l'on a désormais les capacités techniques de créer des réseaux sociaux qui fonctionnent de pair avec la VR et que le grand public sera prochainement équipé de casques que l'usage va suivre", tempère Matthieu Lépine. "Les réseaux sociaux permettent à leurs utilisateurs de se connecter plus facilement à leurs contacts. Les acteurs du marché de la réalité virtuelle essayent actuellement de comprendre si elle ajoutera un vrai plus à cette fonction de base, ou si elle va rester un gadget de geek", poursuit-il.

"Demain, les selfies seront des photos 360° où les internautes plongeront avec un casque de VR"

Pour Samsung, cette technologie immersive apportera une réelle avancée aux utilisateurs de Facebook et autres Twitter, qui partagent beaucoup de clichés et de vidéos : "Le développement des réseaux sociaux a été boosté par le partage de photos. Les selfies de demain seront des photos et même des vidéos réalisées à 360°, dans lesquelles les internautes pourront plonger totalement s'ils sont équipés d'un casque de réalité virtuelle", veut croire Guillaume Berlemont, directeur marketing produits et mobilité chez Samsung.

Samsung et sa Gear 360, Nokia et sa Ozo, Memora et sa Luna… Géants du net et fabricants d'électronique commencent à commercialiser les premières caméras 360° grand public, pour permettre aux internautes de réaliser des clichés et des vidéos consultables en 3D depuis n'importe quel appareil et en réalité virtuelle avec un casque adapté.

Pour booster l'utilisation de la VR, Facebook mise également sur l'appétence de ses utilisateurs pour les jeux. Le groupe travaille depuis septembre 2015 sur une application permettant aux propriétaires d'un casque de jouer au ping-pong dans un espace virtuel avec leurs amis, à distance. "Ces jeux seront au départ très basiques, pour être supportés par un smartphone connecté à la 4G. S'ils sont trop lourds et que les réseaux mobiles ne sont pas suffisamment stables, la qualité ne sera pas suffisante pour convaincre les utilisateurs", souligne le président de l'AFVR Matthieu Lépine.

Les premières caméras 360° destinées au grand public sortent sur le marché

La VR permet aussi aux internautes de créer un espace virtuel à leur image, dans lequel ils peuvent inviter leurs amis. Mais comme le souligne le fondateur de Second Life, "ces personnes resteront contrôlées par les géants du net". Ils leur imposeront leurs codes couleurs, leurs graphismes... Pour Philip Rosedale, une partie des utilisateurs de VR aspireront à plus de liberté et voudront créer leur propre univers virtuel en toute liberté comme on créerait un site sur Internet, d'où son dernier projet en date, High Fidelity.

Grâce à la VR, les internautes pourront s'entretenir directement avec leurs amis, comme s'ils étaient face à eux. "Les utilisateurs de notre réseau social en réalité virtuelle Beloola peuvent discuter vocalement, par chat, se déplacer les uns par rapport aux autres dans un espace numérique", explique Samuel Mound, manager produit et marketing de la société V-cult, qui a développé ce service.

Les jeux en VR seront au départ très basiques

L'entreprise, créée en 2009, a levé 2 millions d'euros depuis sa création. Elle a lancé il y a trois mois une offre BtoB pour financer le développement de son site. Car les professionnels sont intéressés par l'utilisation de la réalité virtuelle sur les réseaux sociaux. Les fans de l'équipe de football américain des 49ers de San Francisco ont ouvert un espace à son effigie sur Beloola, comme le montre la photo ci-dessous. Des marques pourraient être par la suite intéressées par l'ouverture d'un espace officiel sur le réseau social. "Les applications dans le domaine du marketing sont très importantes", affirme Matthieu Lépine. Les marques de voitures peuvent par exemple présenter leur dernière berline, permettre à un internaute de tourner autour sans avoir besoin d'un coûteux espace de présentation physique. "Les contenus VR seront mis en valeur dans les fils d'actu des réseaux sociaux. Du moins au début, le temps que 'l'effet waou' se dissipe", souligne-t-il.

Les fans de l'équipe de football américain les 49ers ont créé un espace virtuel sur Beloola. © Beloola

Ces contenus poussés par les professionnels commenceront prochainement à meubler cet univers immersif, qui reste pour l'instant dépouillé car les particuliers ne réalisent pas encore de photos et de vidéos en nombre suffisant pour l'abreuver. Beloola fait aujourd'hui les frais de ce vide numérique, dont les internautes ont horreur : les 140 000 personnes actuellement inscrites sur le réseau social ne consultent pour l'instant leurs pages que sporadiquement, faute d'un contenu suffisant.