Les députés poussent à la création d'une plateforme IoT européenne

Les députés poussent à la création d'une plateforme IoT européenne Aménagements fiscaux pour soutenir les start-up, formation des PME au big data… Voici les mesures proposées par un rapport parlementaire présenté le 10 janvier à l'Assemblée nationale et consulté en avant-première par le JDN.

Pour que l'Hexagone devienne un leader de l'IoT, les politiques prennent le taureau par les cornes. Opérateurs comme Orange ou Bouygues Telecom, fabricants d'objets connectés comme Withings… Entre janvier et septembre 2016, les équipes de la commission des affaires économiques ont rencontré les acteurs de ce secteur à fort potentiel afin de rédiger un rapport d'information intitulé "L'Internet des objets, le numérique à l'ère de la prédiction". Ce document, qui s'achève sur une série de 20 recommandations concrètes, a été examiné le 10 janvier par les députés membres de cette commission.

L'Internet des objets pourrait permettre à l'Union européenne de "gagner 7 points de PIB d'ici 2025", écrivent les auteurs, qui s'appuient sur des chiffres du cabinet AT Kearney. Ces gains de productivité seront notamment importants chez les industriels. Plus besoin pour eux d'arrêter leurs lignes de production pendant des heures pour effectuer de coûteuses réparations grâce à la mise en place de capteurs qui permettent de faire de la maintenance prédictive.

"Nous appelons les donneurs d'ordres à créer une plateforme de services industriels sur laquelle ils puissent tous plugger leurs data IoT"

Mais les grands groupes industriels ne travaillent pas seuls. Ils font partie d'une filière qui compte de nombreux fournisseurs, sous-traitants... Pour construire des services à haute valeur ajoutée basés sur l'analyse de données, les entreprises de cet écosystème doivent partager une partie de ces informations. Pourtant leurs systèmes informatiques fonctionnent encore trop souvent en vase clos. "Nous appelons les donneurs d'ordres à se mobiliser dans le cadre du plan industrie du futur (d'Arnaud Montebourg, ndlr) pour créer une plateforme de services industriels à l'échelle européenne, sur laquelle ils puissent tous plugger leurs data IoT", explique la co-rapporteur Laure de La Raudière, députée de la 3e circonscription d'Eure-et-Loir.

Créer cet outil permettrait aux industriels tricolores de garder le contrôle de leurs données et de ne pas être réduits par les géants du net au rôle de simples fabricants. "Les GAFA veulent devenir les leaders de la maison connectée. Mais rien ne dit qu'ils soient les mieux placés pour proposer ce type de services. Des acteurs historiques du secteur, comme Legrand et Schneider en France, peuvent, s'ils collaborent via cette plateforme, proposer des offres intéressantes. Les positions sont encore à prendre dans ce champ d'activité", souligne Corinne Erhel, seconde co-rapporteur  du rapport et députée de la 5e circonscription des Côtes d'Armor.

Si cette recommandation est suivie d'effets, elle pourrait permettre de lever un frein majeur au développement de l'IoT : la difficulté à faire communiquer entre eux des appareils fabriqués par des marques différentes. "Les industriels auront tout intérêt à faire en sorte que leurs objets connectés et leurs capteurs puissent être reliés à la plateforme et qu'ils parlent donc tous la même langue", souligne Laure de La Raudière.

La sécurité sociale pourrait rembourser certains objets connectés qui favorisent le maintien des patients à domicile

Mais pour que cette plateforme voit le jour et soit utilisée au quotidien, encore faut-il que les PME et les ETI basculent à l'IoT et au digital en général. "Nous sommes dans ce champ en retard par rapport à nos voisins européens", reconnait Laure de La Raudière. Pour accélérer le mouvement, le rapport parlementaire appelle la Direction générale des entreprises à élaborer et à diffuser auprès de ces petites structures un guide de promotion de la transition numérique, comprenant un volet IoT. "Ce document, qui abordera notamment la thématique de la cybersécurité, pourrait être construit avec Bpifrance. La banque publique d'investissement mène déjà des actions pédagogiques dans ce domaine. Les Chambres de commerce et de l'industrie seront appelées à en faire la promotion dans leur territoire", propose Corinne Erhel.

Pour se lancer dans l'Internet des objets, les entreprises ont également besoin de main d'œuvre qualifiée. Le rapport appelle les universités tricolores à former des data scientists, spécialistes des problématiques liées au traitement des données et à l'intelligence artificielle. "Pour l'instant, seules les écoles d'ingénieurs ont créé des formations dédiées. Le mouvement doit être plus large", pointe Laure de La Raudière.

Le document appelle les universités tricolores à former des data scientists, spécialistes des problématiques liées au traitement des données

Pour compléter ces mesures dans le champ de la formation, le document propose d'éliminer les obstacles fiscaux qui entravent le développement de l'IoT en France. Afin que les opérateurs télécom n'hésitent pas à investir massivement dans les infrastructures 5G, qui permettront de faire transiter les données des objets connectés, l'étude préconise de leur "garantir une stabilité réglementaire et fiscale […] par souci de sécurité juridique et d'incitation vertueuse à l'investissement."

Lorsqu'elles se lancent dans le hardware, les entreprises ont souvent besoin de financements plus importants que dans le software. Afin d'aider les start-up à lever des fonds, le rapport conseille de "réorienter la fiscalité du capital dans un sens plus favorable à l'investissement dans l'innovation et dans le risque", sans donner plus de détails. Les deux co-rapporteuses, qui ne sont pas du même bord politique, ont chacune un point de vue précis sur la question. Laure de La Raudière, députée Les Républicains, appelle à une suppression pure et simple de l'impôt sur la fortune. Sa comparse socialiste voudrait que l'ISF soit simplement réorienté. "En cette période de campagne présidentielle, nous feront toutes deux remonter nos propositions à la personnalité politique choisie par notre camp", glisse la parlementaire de droite.

En plus de ces mesures fiscales de soutien aux entreprises de l'IoT, le rapport d'information suggère que la sécurité sociale rembourse directement certains objets connectés qui favorisent le maintien des patients à domicile (et permettent donc à l'Etat de réaliser de sérieuses économies). Là encore, pas de propositions concrètes. Les deux députées discuteront directement avec le candidat de leur parti pour qu'il déroule un calendrier d'action précis dans son programme.

Le système de protection sociale tricolore ne pourra bien entendu rembourser des objets connectés médicaux que si les données personnelles des consommateurs sont protégées. "Les patients, mais aussi plus largement les consommateurs qui achèteront des appareils intelligents, doivent savoir qui collecte leurs données et ce qu'elles deviennent", affirme Corinne Erhel. Le document propose de faire évoluer le code de la consommation pour contraindre les opérateurs IoT à être transparents avec leurs clients.