Pour La Poste, le salut est dans l'IoT

Pour La Poste, le salut est dans l'IoT Avec son programme d'accélération de start-up French IoT, le groupe cherche un levier de croissance et espère améliorer sa productivité dans son cœur de métier.

Pour la quatrième année consécutive, La Poste participera en janvier prochain au plus gros rendez-vous mondial de l'Internet des objets, le Consumer Electronic Show (CES) à Las Vegas. Les équipes du groupe qui se rendent sur place ne partent pas seules : elles emmènent dans leurs valises 15 start-up triées sur le volet dans le cadre de son programme d'accompagnement de jeunes pousses du monde des objets connectés baptisé French IoT, qui identifie des jeunes pousses de la smart city, de la santé, de la mobilité et du bien-être au travail.

Cette année, La Poste a par exemple sélectionné Ai Mergence et son robot domotique capable de surveiller le logement de son propriétaire, Apitrack et sa solution de localisation permettant de retrouver le matériel médical facilement dans les hôpitaux, Velco et son guidon connecté pour les cyclistes ou encore Acloud et son nuage connecté visant à réduire les nuisances sonores qui se suspend au plafond des open spaces dans les entreprises. Ces projets font partie d'un vivier de 60 sociétés, identifiées en amont par La Poste. Pour choisir le gratin des entrepreneurs, elle s'est entourée en 2017 de neuf partenaires grands comptes, comme Altarea Cogedim, BNP Paribas Real Estate, Legrand, la Maif, Malakoff Médéric ou encore la RATP, qui lui apportent leur expertise sectorielle.

"Le Hub Numérique de La Poste commence à générer du chiffre d'affaires"

La Poste refuse de communiquer sur les coûts de son programme, mais le groupe a notamment dû financer le développement d'une plateforme digitale de pilotage des objets connectés, baptisée le Hub Numérique. Ce hub centralise l'ensemble des services créés par les start-up French IoT une fois qu'ils sont finalisés. Tous accessibles depuis la même application mobile, ils sont compatibles techniquement les uns avec les autres. Les services et les données collectées par les appareils de ces différentes jeunes pousses peuvent être facilement croisés pour générer davantage de valeur ajoutée. Le robot domotique d'Ai Mergeance peut par exemple se mettre en veille au moment où le guidon connecté de Velco lui indique que son propriétaire est sur le point d'arriver à domicile.

Pourquoi la compagnie de service postal s'est-elle lancée dans ce programme qui semble éloigné de son cœur de métier ? La livraison de courrier est loin d'être une branche porteuse à l'époque du mail roi, La Poste cherche donc des relais de croissance. "Se lancer dans l'IoT était un pari. C'est la première fois que le groupe adresse un marché émergeant et qu'il construit un vaste écosystème de partenaires", fait valoir Vanessa Chocteau, directrice du programme French IoT de La Poste, qui gère avec une collaboratrice la construction de ces partenariats et la mise en avant des start-up French IoT.

Mais le risque pris par l'entreprise publique est mesuré. Elle s'appuie sur le savoir-faire de sa discrète filiale Docapost dans le monde de la gestion des données, un élément essentiel pour construire une plateforme IoT fonctionnelle. Créée en 2007, cette structure est spécialisée dans la numérisation et le stockage en ligne de documents pour les professionnels. Elle totalise aujourd'hui 4 600 salariés et a réalisé 450 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2016. Docapost a investi dans un cloud maison et dispose des autorisations nécessaires pour héberger les données de santé, un sésame indispensable pour collaborer avec les entreprises IoT qui ciblent le secteur médical. Vanessa Chocteau collabore étroitement avec Docapost. "Ce sont leurs équipes qui ont construit le Hub Numérique. Leurs ingénieurs testent techniquement les start-up accélérées et vérifient si leurs services IoT sont suffisamment robustes pour être intégrés à notre plateforme", indique la directrice.

Docapost a investi dans un cloud maison et dispose des autorisations nécessaires pour héberger les données de santé, un sésame indispensable pour collaborer avec les entreprises IoT qui ciblent le secteur médical

Le marché de l'IoT est encore naissant mais en forte croissance. D'ici 2022, (les smartphones et autres tablettes ne sont pas inclus dans ces estimations). Les entreprises du secteur devraient générer à cette date 27,38 milliards de dollars de chiffre d'affaires, selon le cabinet Zion Market Research. En se positionnant suffisamment tôt sur ce champ d'activité prometteur, La Poste espère rafler une belle part du gâteau. "Je ne peux pas vous donner de données précises, mais le Hub Numérique commence à générer du chiffre d'affaires", se félicite Vanessa Chocteau.

Ces revenus proviennent principalement de la vente à de grands groupes d'un accès au Hub Numérique en marque blanche. Ils peuvent ainsi créer leurs applis IoT et les plugger sur la plateforme, sans avoir besoin de développer en interne un lourd système de pilotage des objets connectés, de stockage et de gestion des données IoT. La quasi-totalité des neuf grands comptes partenaires de French IoT travaillent avec le Hub Numérique aujourd'hui", illustre la directrice.

Le promoteur immobilier Altarea Cogedim a par exemple lancé en septembre 2017 l'application smart city Easy Village, pour les habitants de ses nouveaux complexes immobiliers à Massy (Essonne). Reliée au Hub Numérique, elle permet à ses utilisateurs d'accéder aux services IoT intégrés par la firme à ses nouveaux bâtiments. Si elle le souhaite, elle pourra y ajouter certains services des start-up French IoT.

Lorsque les jeunes pousses sélectionnées au sein de l'accélérateur ont commercialisé moins de 1 000 objets connectés, La Poste héberge gratuitement leurs données sur son cloud si elles le souhaitent. Quand elles franchissent cette masse critique, elles peuvent payer un abonnement à Docapost. C'est une autre source de revenus pour le groupe.

"Cet investissement dans l'IoT permet également à La Poste de repérer des start-up qui pourraient lui permettre d'améliorer sa productivité dans ses activités historiques et d'effectuer des économies grâce par exemple à la maintenance prédictive. Cette année, nous en avons identifié deux avec lesquelles nous aimerions travailler", déclare Vanessa Chocteau. Dans les centres logistiques et les usines des entreprises, les chefs d'équipe doivent effectuer plusieurs fois par semaine des revues de détails à la main, pour vérifier que le matériel est en bon état. La Poste n'échappe pas à la règle. Elle s'intéresse donc de près à la start-up nantaise Novyspec, qui développe des solutions IoT (capteurs ou drones en fonction des situations) pour automatiser au maximum cette tache chronophage. Basée sur les ultrasons, la solution de détection des incidents sur les équipements industriels de Wavely a également tapé dans l'œil de l'entreprise publique.