Ben Silbermann (Pinterest) "Nous voulons rendre les publicités plus utiles que les contenus classiques"

De passage à Paris, le CEO de Pinterest revient sur les premiers tests de Pins sponsorisés, le rachat de Visual Graph et le futur du réseau social.

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Ben Silbermann, CEO de Pinterest. © S. de P. Pinterest

JDN. Depuis quelques mois, vous testez les Pins sponsorisés aux Etats-Unis. Comment cela fonctionne-t-il pour les annonceurs et quel premier bilan en tirez-vous ?

Ben Silbermann. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur le fonctionnement des Pins sponsorisés... Ils ressemblent parfaitement aux autres Pins, mise à part la mention "Promoted" en bas. Ils peuvent être "réépinglés" d'un seul clic. Les annonceurs ont deux options pour acheter des pins sponsorisés : en Cost per Click (CPC), ce qui est mieux pour le direct response advertising, ou en Cost Per Impression. 16 annonceurs participent à la beta, comme Gap, Banana Republic, Lululemon...

Quelle est la réaction des utilisateurs ?

Il est encore tôt pour le dire, mais il n'y a pas eu de forte réaction dans un sens ou dans l'autre. Je pense qu'on a averti les utilisateurs très en amont [en septembre 2013, ndlr] de l'introduction de Pins sponsorisés, donc ils ont compris ce que c'était quand ils en ont vus apparaître.

Quand les Pins sponsorisés seront-ils généralisés ?

Nous n'avons pas encore fixé de feuille de route.

Envisagez-vous d'autres pistes de monétisation ?

Nous commençons avec les Pins sponsorisés parce que sur Pinterest, les motivations des utilisateurs et des annonceurs se rejoignent : les utilisateurs sont là pour découvrir des produits qui les intéressent et les annonceurs veulent être découverts par des personnes qui s'intéressent à leurs produits ou à leurs services. Nous avons vraiment l'opportunité de rendre les publicités aussi utiles, sinon plus, que le contenu traditionnel. Quand je regarde la presse magazine, les publicités font partie des raisons pour lesquelles vous l'achetez. Si Vogue n'avait pas de publicités de mode, ce ne serait pas Vogue. Ce serait super pour nous de pouvoir imiter ça.

Quelles sont vos prévisions de CA pour 2014 ?

Nous ne communiquons pas sur ce sujet.

Vous avez levé 200 millions de dollars en mai dernier, pour une valorisation de cinq milliards de dollars. A quoi ces fonds vont-ils servir ?

Principalement à embaucher des employés à San Francisco, mais aussi partout dans le monde. Nous voulons aussi nous assurer que, tandis que nous testons et investissons dans de nouveaux projets, nous pouvons prendre des décisions sur le long-terme. Avoir des ressources permet de prendre le temps, sans avoir la pression, et de ne pas évoluer trop vite en sacrifiant l'expérience utilisateur.

Envisagez-vous une IPO ?

Il est encore tôt, nous avons encore beaucoup de travail avant d'y penser...

Pinterest présente une synergie importante avec Instagram... Pourquoi pas un rachat par Facebook ?

Si nous avons décidé de lever 200 millions, c'est parce que nous voulons bâtir une société complètement dédiée au problème que nous essayons de résoudre. C'est notre projet, pour l'instant. Nous verrons ce que le futur nous réserve !

Pinterest rapporte plus de trafic aux e-commerçants avec ses utilisateurs actifs que les autres réseaux sociaux. Comment l'expliquez-vous ?

Je pense que c'est lié aux motivations des utilisateurs sur le service : Pinterest vous aide à découvrir des choses puis à trouver plus d'informations à leur propos, souvent en cliquant pour accéder à la source. Cela amène beaucoup de trafic. Le but de Facebook est de vous garder sur le réseau social, celui de Pinterest de vous envoyer ailleurs pour découvrir des choses, donc je ne suis pas sûr que l'on puisse vraiment comparer...

Un CPM bien plus élevé que Facebook

Selon AdAge, vous faites payer entre 30 et 40 dollars aux annonceurs pour 1000 vues (CPM) de vos Pins sponsorisés, bien plus que Facebook, qui oscille entre 0,5 et 0,20 dollars...

Oui, nous commençons dans cette fourchette. Notre stratégie est de démarrer avec quelques annonceurs et de travailler avec eux pour affiner le modèle. Nous voulons avant tout leur permettre d'avoir le meilleur retour sur investissement possible, et que les utilisateurs voient la valeur des publicités.

Vos utilisateurs sont en majorité des femmes. Considérez-vous que c'est un atout ou voulez-vous changer cette image ?

Plus les utilisateurs sont nombreux, plus les intérêts représentés sont nombreux et meilleurs nous sommes pour vous montrer des produits pertinents pour vous. Si Pinterest n'était que pour les femmes, nous passerions à côté de nombreux intérêts... Nous voulons nous adresser à tout le monde.

En janvier, Pinterest a racheté une start-up de reconnaissance visuelle, Visual Search. Comment allez-vous utiliser sa technologie ?

Nous n'avons pas encore annoncé quel type de technologie sera intégrée, mais Pinterest est bien sûr un service visuel et l'équipe de Visual Graph est extrêmement douée dans ce secteur, donc nous avons pensé qu'il était naturel de les intégrer à notre équipe pour qu'ils développent de nouvelles technologies en ce sens. Les données de Pinterest leur permettent de faire évoluer et d'améliorer leur technologie. C'est un nouvel outil pour nous aider à recommander des Pins pertinents et recommandés, en se basant sur la similarité des visuels.

Quels sont les prochains pays dans lesquels vous souhaitez lancer Pinterest ?

Je viens de visiter Berlin, et nous envisageons d'y installer une équipe. Nous nous intéressons aussi au Brésil, à l'Argentine... Nous sélectionnons les pays sur deux critères : la maturité de leur marché Internet, d'abord. Mais nous devons aussi trouver un très, très bon country manager, talentueux et passionné par Pinterest. Il faut aussi évaluer les différences culturelles et les besoins des utilisateurs du pays, pour bâtir un produit qui répond à leurs attentes.

Ben Silbermann a grandi dans l'Iowa et a passé une bonne partie de son enfance à collectionner des insectes. Avant de créer Pinterest, en 2010, Ben Silbermann a travaillé chez Google au sein des équipes AdSense et étudié à Yale. Il vit à Palo Alto avec sa femme et son fils.