Frédéric Neau (EELV) "AvecEva.fr met les internautes à contribution sur notre programme"

En charge de la thématique "Libertés numériques" dans la campagne d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Frédéric Neau apporte ses réflexions sur l'Hadopi et présente la web-campagne d'Eva Joly.

JDN. Vous avez dépensé 200 000 euros pour la web-campagne d'Eva Joly. Qu'avez-vous développé ?

Frédéric Neau. Nous avons développé tous nos sites en interne à l'aide d'une équipe de quatre personnes, dont notre plate-forme participative, AvecEva.fr que nous avons lancée le 14 février et dans laquelle nous invitons les internautes à participer à des projets. L'idée est de proposer une plate-forme ouverte. A la différence de celles présentées par le PS et le MoDem, elle permet à l'internaute de venir soumettre ses propres projets ou d'en compléter certains. Nous les invitons par exemple à des "Partage Party" dont le principe est de se rencontrer dans le monde réel et de venir échanger ou partager n'importe quel objet avec d'autres personnes. Cette action fait référence à notre volonté de légalisation du partage des objets culturels. Cette plate-forme n'est pas rigide, puisque chaque internaute peut venir proposer des alternatives ou des compléments au projet. AvecEva.fr met les internautes à contribution sur notre programme.

Comment percevez-vous les initiatives des autres candidats sur le Web ?

Je considère qu'une web-campagne reflète l'organisation d'un parti politique. Chez François Bayrou, on retrouve une plate-forme très hiérarchisée à l'image de son parti, où les internautes sont gentiment invités à réaliser les actions qui leur sont proposées. Chez François Hollande, le portail est ici davantage axé sur du contenu mais la communication reste encore une fois très descendante. D'une certaine manière Toushollande.fr est une plate-forme de curation contrôlée.

Vous êtes en charge de la thématique "Libertés numériques" dans la campagne d'Eva Joly. Qu'envisage EELV comme alternative à l'Hadopi ?

Nous sommes pour la légalisation du partage non marchand qui se fera via la mise en place d'une contribution de la part des abonnés et des fournisseurs d'accès à Internet. La forme qu'elle prendra devra être décidée par une commission mais on peut imaginer une contribution de l'ordre de 4 à 5 euros par mois et par foyer abonné, qui pourrait être recoupée avec la redevance et payée par ceux qui en ont les moyens. Nous pourrions également demander aux fournisseurs d'accès à Internet de contribuer à la rémunération des auteurs à hauteur de 1,5 euro par abonné et par mois. Une telle mesure pourrait rapporter jusqu'à un milliard d'euros par an. Ce n'est pas rien.

Comment envisager dès lors la juste redistribution de ces revenus auprès des auteurs ?

Il est possible de mettre en place des outils de sondage passifs, anonymes et non intrusifs, donnant des idées précises des fichiers les plus échangés et permettant donc de savoir combien revient à qui. Ce serait d'ailleurs l'occasion de mettre en place un système de redistribution non proportionnel aux échanges, afin de favoriser les petits artistes ne bénéficiant pas de sur-médiatisation. On peut également imaginer qu'un tiers de la contribution d'un internaute puisse être redistribué librement par ce dernier s'il souhaite soutenir un artiste en particulier. Enfin, une autre partie de cette contribution pourrait être destinée à financer les créateurs précaires et les talents émergents.

Pourquoi EELV a décidé de faire de son opposition à l'Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) l'un des principal sujet de sa campagne ?

La ratification du traité ACTA est fortement symbolique puisqu'il a été signé dans le plus grand secret sans qu'il y ait un quelconque débat. Sur le fond, il touche à un important nombre d'éléments comme à l'agriculture, l'accès aux médicaments ou encore le partage en ligne. Son application pourrait aller jusqu'à obliger les FAI à faire la police du copyright ou à interdire aux agriculteurs de réutiliser leurs propres semences, ce qui n'a clairement aucun sens. Pour résumer, nous considérons qu'il peut mener à la fin de l'innovation.

Diplômé de l'EFREI et de l'IAE d'Aix-en-Provence, Frédéric Neau a connu différentes expériences dans des start-up du Web entre 1997 et 2001. Entre temps, il part durant quinze mois prendre le poste d'adjoint de l'Agence française de développement en Côte d'Ivoire. Entre 2001 et 2007, il dirige les activités web de la Maison du Whisky. Il commence à militer pour les Verts en 2004 et devient responsable des campagnes web d'EELV en 2007. Il est aujourd'hui responsable de la thématique "Libertés Numériques" dans la campagne d'Eva Joly.