Fibre optique : le Sénat supprime "l'amendement Numericable"

L'amendement autorisant de droit le câblo-opérateur à rénover son réseau en fibre optique a été supprimé du texte de loi que va examiner prochainement le Sénat. Se sentant "exproprié" de ses droits, Numericable a lancé une pétition auprès de ses abonnés.

L'amendement 576 de l'article 29 de la loi de modernisation de l'économie (LME), dit "amendement Numericable" parce qu'il autorise les opérateurs déjà présents dans un immeuble avec un réseau haut débit à y installer de droit un réseau de fibre optique, a été supprimé du projet de loi qui va être examiné au Sénat à partir de lundi 7 juillet.

La LME, adoptée le 17 juin par les députés, contient une série d'articles (Titre III, chapitre Ier, articles 29 et 30) dédiés au développement de l'accès au très haut débit et aux technologies de l'information et de la communication. Le 9 juin dernier, coup de théâtre pour le monde des télécommunications : un amendement est adopté et stipule que "les opérateurs de réseaux de communications électroniques ayant, dans le cadre d'une convention conclue avec le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires avant la promulgation de la présente loi, installé un réseau de communications électroniques à haut débit à l'intérieur d'un immeuble de logements et desservant un ou plusieurs utilisateurs finals peuvent de droit transformer les lignes de ce réseau en lignes en fibre optique, à leurs frais, sous réserve de notifier préalablement cette transformation au propriétaire de l'immeuble ou au syndicat de copropriétaires."

"Le gouvernement arme Numericable pour tuer la concurrence", avait alors dénoncé l'UFC-Que Choisir dans un communiqué. "Avec cet amendement, Numericable sera libre de pénétrer dans les immeubles où il est déjà présent et de déployer ses infrastructures sans que les copropriétés aient leur mot à dire, expliquait Edouard Barreiro, en charge des nouvelles technologies à l'UFC-Que Choisir. Cela signifie également que Numericable, n'ayant pas à signer la convention type, ne sera donc pas obligé de mutualiser ses infrastructures." (Lire l'article L'Assemblée nationale autorise Numericable à fibrer de droit ses immeubles câblés du 12/06/2008).

Un dirigeant d'un FAI affirmait ainsi au JDN que cet amendement "introduisait une discrimination forte entre les acteurs, en favorisant l'opérateur du câble qui n'a plus à passer en assemblée générale ou à demander une autorisation au propriétaire ou gestionnaire de l'immeuble, au détriment des autres opérateurs déployant les réseaux fibre optique mais ne disposant pas déjà d'un réseau dans un immeuble."

Leurs récriminations semblent avoir été entendues par les sénateurs. La semaine dernière, la commission spéciale du Sénat en charge de l'examen du projet de loi de modernisation de l'économie, a supprimé cet amendement du texte qui va être débattu par les sénateurs le 7 ou 8 juillet prochain, estimant "préférable de revenir au texte du Gouvernement et à l'esprit originel du projet de loi, en rétablissant la symétrie du dispositif initial à l'égard de tous les opérateurs et en assurant par ce biais l'équité concurrentielle entre tous les acteurs du très haut débit ainsi que le respect du droit de propriété, principe à valeur constitutionnelle."

"Alors même que nous sommes propriétaire des conventions avec les syndics de copropriétaires dans les immeubles que nous desservons, conventions rachetées en même temps que les réseaux à nos anciens concurrents, la LME, dans sa rédaction d'origine, fait courir le risque qu'une copropriété interdise à Numericable de moderniser son réseau câblé en fibre optique au prétexte qu'elle aurait déjà autorisé un autre opérateur à déployer sa fibre", s'indigne Arnaud Polaillon, secrétaire général de Numericable.

Pour se justifier, la commission spéciale du Sénat a rappelé que l'objectif poursuivi par la LME était de favoriser le déploiement le plus rapide possible du nouveau réseau en fibre optique jusqu'aux abonnés. "Or le câblo-opérateur indique publiquement qu'il n'envisage pas de déployer la fibre jusqu'à l'abonné avant une dizaine d'années et n'a, à court terme, que le projet d'amener la fibre au pied des immeubles câblés, projet que, d'ailleurs, le projet de loi initial n'interdit nullement à Numericable de mener à bien, souligne la commission. Bien au contraire, la dérogation envisagée au profit de Numéricable risque de lui permettre de bloquer le déploiement, par ses concurrents, de la fibre jusqu'aux abonnés, en arguant auprès de la copropriété que sa présence comme opérateur de très haut débit est un motif de refus de déploiement d'un autre opérateur."

"C'est le seul argument sensé de la commission, puisqu'il met le doigt sur un manque rédactionnel dans le projet de loi initial, indique Arnaud Polaillon : le fait qu'un opérateur de réseau fibre soit déjà présent dans un immeuble ne donne pas le droit aux copropriétaires de bloquer l'accès à l'immeuble à d'autres opérateurs. C'est l'une des inquiétudes de nos concurrents, qui nous accusent de ne pas vouloir leur ouvrir nos réseaux et qui craignent que nous les bloquions dans l'accès aux immeubles que nous desservons. Or c'est totalement faux puisque Numericable est aujourd'hui le seul opérateur en France à déployer de la fibre pour le compte d'opérateurs tiers. Numercable ne demande aucun privilège, au contraire, nous souhaitons une réelle concurrence des infrastructures de fibre optique, et pour cela avoir le droit de rénover nos infrastructures dans les immeubles où nous sommes déjà présents."

Pour appuyer ses arguments, Numericable a lancé le 3 juillet au soir une pétition auprès de ses abonnés, les appelant à le soutenir dans sa "lutte pour l'accélération du très haut débit en France". Accessible depuis le site Internet du câblo-opérateur, la pétition aurait déjà recueilli près de 40 000 signatures.