Rendre les voitures intelligentes : le nouveau business des start-up

Rendre les voitures intelligentes : le nouveau business des start-up Les constructeurs doivent désormais faire face à des acteurs qui offrent des services digitaux aftermarket compatibles avec les véhicules déjà en circulation.

Inutile d'acheter une voiture flambant neuve pour s'équiper des services connectés embarqués dernier cri ? Ce devrait bientôt être un constat partagé par de nombreux automobilistes, selon la récente étude Connected Mobility Forecast 2016 de Ptolemus Consulting.

Car si le cabinet de conseil belge prévoit que la production de voitures connectées va doubler de 2015 à 2020, deux tiers des voitures intelligentes le seront grâce à des solutions de seconde monte, ou aftermarket : "Cela va rester la solution dominante jusqu'au moins 2025 car la connectivité a beau arriver progressivement sur les voitures neuves, en France, par exemple, le parc automobile a à peu près 8 ans et demi et il faudra donc une dizaine d'années pour renouveler ne serait-ce que la moitié du parc", constate Matthieu Noël, consultant automobile de Ptolemus Consulting.

"L'aftermarket va rester la solution dominante jusqu'au moins 2025"

Résultat : d'ici 2020, les entreprises qui proposent des solutions aftermarket généreront 84% des recettes du marché de la mobilité selon l'étude. Et les professionnels du secteur sont déjà dans les starting-blocks : "Les solutions aftermarket de Mobileye équipent près d'un million de véhicules dans le monde et grâce à nos discussions avec les autorités compétentes dans de nombreux pays du monde, notamment la Chine, l'Allemagne, l'Espagne et aussi la France, nous nous attendons à ce que ce chiffre augmente considérablement sur les 12 prochains mois", affirme Lior Sethon, directeur aftermarket Europe du spécialiste israélien des systèmes anti-collision et d'assistance à la conduite. Selon des experts du secteur, les ventes des dispositifs de seconde monte de Mobileye pourraient même tripler en 2017 par rapport à 2016.

Même enthousiasme chez Drust, start-up française à l'origine d'Akolyt, un assistant personnel d'aide à la conduite qui se branche directement sur la prise diagnostic du véhicule, pour par exemple optimiser la consommation de carburant : "Sur les 250 millions de voitures qui circulent en Europe, 200 millions ont une prise OBD (On-Board Diagnostics), qui permet de rendre le véhicule intelligent très facilement. Le potentiel est donc énorme", se réjouit Michaël Fernandez, PDG de Drust.

En 2017, Mobileye pourrait vendre 3 fois plus de dispositifs de seconde monte qu'en 2016

"Non seulement cette prise est une source d'énergie, nécessaire au fonctionnement de la liaison Bluetooth entre le boîtier et le smartphone, mais en plus elle permet d'avoir accès à de nombreuses données brutes en temps réel, que nous transformons avec nos algorithmes en données exploitables, comme l'état d'usure des consommables. Cette solution de seconde monte est la façon la plus accessible de connecter son véhicule", assure cet ancien ingénieur de PSA. Le tout à des prix alléchants : Akolyt coûte une centaine d'euros.

Autre avantage en faveur des spécialistes de la seconde monte : leur neutralité. "Ces système permettent, grâce aux données récupérées, de faire de la maintenance prédictive, c'est-à-dire de prévoir quand il sera nécessaire de réviser voire de réparer le véhicule. Les usagers seront naturellement moins méfiants vis-à-vis de ces informations si elles viennent d'entreprises indépendantes plutôt que des constructeurs eux-mêmes, qui ont intérêt à ce que l'on passe régulièrement chez le garagiste", analyse Guillaume Crunelle, associé responsable de l'industrie automobile chez Deloitte.

"Même sur les nouveaux véhicules connectés, les systèmes ne sont pas forcément ouverts aux développeurs tiers"

Face à ces nouveautés, la frilosité des constructeurs pourrait les pénaliser à en croire Matthieu Noël : "Même sur les nouveaux véhicules avec connectivité embarquée, les systèmes ne sont pas forcément ouverts aux développeurs tiers. A part Renault avec R-Link, aucun constructeur ne permet aujourd'hui à ses clients d'installer ses propres applications. C'est comme si Apple n'autorisait sur ses appareils que les applications Apple. Les constructeurs se privent ainsi de toutes les opportunités sur les nouveaux services embarqués".

"Il faut en moyenne cinq ans à un constructeur pour passer de la création à la commercialisation d'un nouveau modèle. Cela veut dire que quand il sort, ses services embarqués sont déjà dépassés par les solutions aftermarket", ajoute-t-il.

Mais, selon lui, tout n'est pas perdu : "Les constructeurs commencent à comprendre qu'il vaut mieux ne pas se risquer à développer leur propres services en vase clos. PSA, par exemple, développe une nouvelle plateforme pour ses futurs véhicules. Peugeot Connect Apps, son outil actuel, permet le développement d'applications tierces, mais Peugeot en contrôle beaucoup le contenu. Leur future solution, une plateforme reliée à l'écran de bord où le conducteur pourra choisir ses applications, sera supposée être beaucoup plus ouverte. Il ne s'agira plus, par exemple, d'installer par défaut TomTom pour la navigation comme le fait Renault ou d'imposer Deezer plutôt que Spotify comme le font d'autres. C'est la meilleure solution : fournir un système personnalisable et automatiquement mis à jour et signer des partenariats avec des services télématiques pour qu'ils intègrent leurs services."

Akolyt rend intelligent tous les véhicules sortis depuis 2001. © Drust

Une recommandation partagée par Guillaume Crunelle : "Comme le montre notre récente étude The future of mobility, l'avenir de la voiture connectée passera par une co-création entre constructeurs et spécialistes de l'informatique."

D'autant que tout le monde à y gagner, y compris l'utilisateur final : "Les nouveaux services développés en aftermarket, s'ils sont à l'avenir transmis en natif, ne nécessiteront plus de boîtier externe et pourront profiter d'une meilleure ergonomie, grâce à l'utilisation de l'affichage tête haute ou d'un pare-brise en réalité augmentée", imagine Michaël Fernandez.

C'est aussi, côté constructeur, l'occasion de s'appuyer sur de nouveaux outils. "Mobileye va lancer d'ici un an maximum le nouveau système Smart ADAS qui, en plus de prévenir en cas de danger sur la route, sera capable de collecter de la data sur la météo, l'état de la route ou le trafic", détaille Lior Sethon. Des données qui, selon lui, pourront servir à terme aux constructeurs : "Elles permettront d'établir une cartographie précise et détaillée des routes empruntées par les utilisateurs, que nous partagerons avec toute l'industrie automobile. Cet élément est indispensable pour développer le véhicule du futur, et notamment la voiture autonome."

Reste qu'aujourd'hui, aucun constructeur sollicité n'a souhaité répondre à nos questions sur l'aftermarket…