Gérontechnologies : l’indépendance de la dépendance

Rentable le grand âge ? En 2050, 4,5 millions de personnes auront plus de 85 ans – soit 4 fois plus qu’en 2011. Et la population de personnes âgées dépendantes aura doublé, avec une hausse des pathologies dites « lourdes ». La facture correspondante se chiffre en dizaines de milliards.

Le débat actuel est au financement de ce que l’on nomme bien maladroitement à mon avis le « 5ème risque », comme si nos vieux étaient désormais synonymes de péril…  La France a-t-elle bien compris l’intérêt du vieillissement démographique comme source importante de croissance alors même que nous serons de plus en plus nombreux à  séjourner dans des institutions spécialisées ? Selon l’Insee, pas moins de 37 000 emplois supplémentaires seront à créer d’ici à 2020 pour répondre aux besoins des personnes âgées dépendantes en Ile de France et 100 000 emplois seraient induits par la dépendance.  

Indéniablement, l’accueil des personnes âgées dépendantes est un marché en plein essor et les maisons de retraite ou les Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) ont de beaux jours devant eux… mais à une condition : le changement en profondeur de leur organisation du travail, la nécessité de la repenser dans sa globalité, les besoins des populations croissantes et vieillissantes mettant à mal des ressources déjà limitées.  

Je suis convaincu que l’utilisation des technologies de l’information et de la communication mobile au sein d’une maison de retraite peut améliorer considérablement cette organisation et représenter un début de réponse aux enjeux de communication, de sécurité, d’efficacité opérationnelle rencontrés dans ces lieux de vie, tant pour les personnes en perte d’autonomie que pour les professionnels de santé. Je ne parle pas des options technologiques qui permettent de limiter le nombre de placements en établissements et qui doivent d’ores et déjà être soutenues. Je me place sur le terrain des structures spécialisées accueillant les personnes âgées pour qui le maintien à domicile n’est plus la solution.  Quelles sont les technologies qui sont les plus propices à une amélioration de l’équation économique de la dépendance ? Quelles sont les plus matures sur lesquelles vont devoir se reposer les services des personnes âgées de demain ? 

Au risque de paraître cynique, je ne crains pas d’affirmer que les gérontechnologies –car c’est désormais le terme consacré - qui s’imposeront seront celles qui auront démontré financièrement leur intérêt : optimisation de la gestion du personnel,diminution des coûts et amélioration de la vie des patients résidents.

L’écueil principal, on l’a bien compris, c’est la pénurie de personnel soignant et aidant. Pourtant, les besoins en termes de capacité d’accueil dans les établissements spécialisés et en main d’œuvre professionnelle vont devoir augmenter. Or, les métiers de la prise en charge des personnes âgées sont confrontés à des difficultés de recrutement. Tout l’enjeu des solutions de communication mobiles sur site consiste alors à faire gagner du temps au personnel, à améliorer la qualité des soins proposés aux résidents, à renforcer la sécurité dans l’établissement et ainsi à accroître l’efficacité de l’organisation grâce à une meilleure réactivité.

Prenons le défi du gain de temps : la plupart des professionnels des soins aux personnes âgées font face à des budgets par résident qui stagnent. Les pathologies médicales de plus en plus sévères, le « trou » de la sécurité sociale mettent la pression sur les ressources financières existantes. Dans ces conditions, l’amélioration des communications entre résidents et le personnel, entre départements et systèmes réduit la perte de temps en « allers et retours inutiles ». Imaginez-vous qu’une aides soignantes couvre en moyenne 6 kilomètres par garde, soit une heure et demie environ de marche alors qu’un système de communication mobile permettrait à cette même aide soignante de se concentrer sur les soins dispensés au patient !

Et la question de la qualité des soins et de la sécurité ? Le public de mieux en mieux informé se montre plus exigeant dans ses choix et les établissements doivent être en mesure de faire valoir des soins de qualité. Là encore, la mise en place d’une solution de communication mobile avec fonctions d’alarme tranquillise les familles, l’archivage automatique de ces appels, des actions entreprises et des temps de réponse autorisant un suivi permanent. Autre exemple relatif à Alzheimer, déclaré « cause nationale » : avec 225 000 nouveaux cas chaque année et des projections pessimistes, un dispositif de prévention des fugues devient indispensable pour le patient atteint qui pourra alors se déplacer en toute sécurité au sein de l’établissement, et pour l’environnement proche qui a besoin d’être rassuré.

Dernière illustration, pas des moindres : les ressources humaines ! Les difficultés de recrutement et de fidélisation d’un personnel qualifié dans les maisons de retraite constituent un problème majeur qui ne semble pas s’atténuer. Nombreux sont les établissements qui font déjà appel à du personnel à temps partiel. Le taux de renouvellement du personnel et les congés maladie augmentent les coûts. Même combat ! Le fait que les soignants soient en mesure de passer plus de temps avec les résidents grâce à ces solutions leur procure une plus grande satisfaction dans leur travail. Le personnel est responsabilisé, des informations précises leur sont transmises directement sur leurs terminaux mobiles. Ce flux direct d’information aide à éliminer les engorgements et la sécurité s’en trouve améliorée. Au bout du compte, les conditions de travail deviennent plus attractives.

On le voit bien, cette intégration des technologies dans l’organisation du travail suppose d’être pensée de façon globale : l’enjeu est bien d’organiser la coordination des différents intervenants – professionnels, personnel soignant et outils de communication - afin d’optimiser le bon fonctionnement de l’établissement et donc la qualité de prise en charge des résidents. Cette qualité passe par une requalification des emplois désormais permise : si les solutions évoquées ci-dessus permettent de soulager des tâches routinières ou pénibles, le personnel soignant peut recentrer ses interventions sur la relation humaine au cœur de l’accompagnement thérapeutique des personnes âgées.

Voilà un bon exemple de cercle vertueux. Plus de temps à perdre ! Le premier pic de personnes dépendantes, c’est dès 2020, en raison de l’arrivée à l’âge de la grande vieillesse des générations du baby-boom. Pourquoi attendre?