Mécénat : la générosité, c'est un métier !

Au-delà des ambitions philanthropiques, le mécénat exige une solide préparation juridique préalable. Pour que les moyens mis en œuvre soient utilisés dans les meilleures conditions.

Créé par la Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, dite loi LME, le fonds de dotation est une structure juridique neuve visant à simplifier et rationaliser le mécénat en droit français. Défini par l’article 140 I alinéa 1er de la LME, le fonds de dotation est « une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d'une œuvre ou d'une mission d'intérêt général ou les redistribue pour assister une personne morale à but non lucratif dans l'accomplissement de ses oeuvres et de ses missions d'intérêt général ».

Fond de dotation, ARUP et FRUP
L’existence des fonds de dotation vient se superposer à celles d’institutions préexistantes, avec lesquelles on peut légitimement craindre un malheureux effet de « double-emploi » : il s’agit des associations reconnues d’utilité publique (ARUP) et des fondations reconnues d’utilité publique (FRUP).
Mais en réalité, le fonds de dotation apporte un réel intérêt par rapport à ces deux institutions : une véritable souplesse de création et de gestion. Ainsi un seul membre fondateur est requis pour créer un fonds de dotation, contre deux cents pour une ARUP. En outre, les statuts du fonds de dotation sont libres, contrairement aux statuts des ARUP et FRUP contraints d’être conformes à des statuts-types. Ces institutions doivent lors de leur création disposer d’une dotation initiale suffisante pour atteindre soit, dans le cas de l’ARUP, le but d’intérêt général qu’elle s’est fixé, soit dans celui de la FRUP l’autosuffisance (ressources nécessaires pour son indépendance et son fonctionnement). Le fonds de dotation au contraire ne requiert aucun montant minimal à la dotation initiale. Enfin, si les ARUP et FRUP nécessitent pour leur création un décret pris en Conseil d’Etat, une simple déclaration en préfecture suffit à créer le fonds de dotation. Concernant les modalités relatives aux libéralités, dons et legs, consentis au fonds de dotation, le législateur a à nouveau privilégié la souplesse, par rapport aux ARUP et FRUP, en ne soumettant pas à autorisation préfectorale les libéralités reçues par les fonds de dotations.

Dotations
Un fonds de dotation est susceptible de recevoir des « biens et droits de toute nature » : il peut recevoir indifféremment biens meubles corporels ou incorporels, immeubles, quelque soit leur valeur. Une exception : un fonds de dotation ne peut, sauf dérogation accordée par arrêté ministériel, recevoir de subventions publiques (article 140 III alinéa 3 de la loi du 4 août 2008). Les biens sont apportés au fond de dotation à titre gratuit et de façon irrévocable. La décision d’apporter un bien à un fond de dotation peut ainsi paraître lourde de conséquence. Il est cependant possible de concevoir l’apport de l’usufruit d’un bien pour une durée limitée.
Le fonds de dotation utilise les revenus issus de la capitalisation des biens qui lui sont légués dans une « mission d’intérêt général » ou pour assister une personne morale à but non lucratif à accomplir ses propres missions d’intérêt général. Elle peut donc agir à titre personnel ou en assistance d’une personne morale tierce qui exerce elle-même une mission d’intérêt général.
Les dotations ne peuvent être consommées, sauf stipulation contraire expressément prévue par les statuts en prévoyant les modalités (article 140 III dernier alinéa). Dans ce dernier cas, si le fonds décide de ne pas conserver les dotations, par exemple en les vendant, il perd la plupart de ses avantages fiscaux.
Avantages fiscaux
Le régime fiscal des fonds de dotation est identique au régime fiscal des fondations, à l’exception près que les donations effectuées ne peuvent être soumises à l’article 885-0 V bis A du CGI prévoyant une réduction de l’ISF. Ainsi, les fonds de dotation sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit sur les dons et legs reçus. Ils sont également exonérés de l’impôt sur les sociétés tant pour les revenus de leurs activités que pour les revenus tirés de la gestion de leur patrimoine.
A trois conditions 
: que leur gestion soit désintéressée, que les activités non lucratives soient prépondérantes dans leur activité et que le montant des recettes d’exploitation provenant des activités lucratives accessoires encaissées au cours de l’année civile n’excède pas 60 000 € hors TVA (CGI, art. 206, 1 bis).
En outre, le fait que les statuts du fonds de dotations aient prévu la possibilité de consommer leur dotation en capital le soumet d’office à l’impôt sur les sociétés. Notons que l’impôt sur les sociétés s’applique, le cas échéant, au taux réduit de 24% ou de 15% en cas de distribution de dividendes (article 219 bis CGI).

Par ailleurs, les dons effectués par les particuliers ou les entreprises au profit des fonds de dotation ouvrent droit au régime fiscal du mécénat prévu aux articles 200 et 238 bis du Code général des impôts (CGI). L’article 200 du CGI dispose que les particuliers peuvent bénéficier d’une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % pour les dons et versements, pris dans la limite de 20 % du revenu imposable. Le g du 1 de l’article 238 bis du CGI ajoute que les entreprises peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 60 % du montant des versements (pris dans la limite de 5 pour mille de leur chiffre d’affaire) qu’elles effectuent au profit de fonds de dotation. La réduction fiscale des donateurs visés par l’article 200 est subordonnée à la condition, posée par l’arrêté du 26 juin 2008, que le fonds de dotation émette un reçu fiscal. Le régime fiscal du fonds  de dotation, pour tout ce qui n’est pas relatif au mécénat, est celui applicable aux associations (BOI 4 H 5-06 du 16 décembre 2006).

Rémunération des dirigeants et administrateurs
Le fonds de dotation est une personne morale, de droit privé, à but non lucratif. Elle ne saurait donc distribuer de bénéfices à ses membres, comme c’est déjà le cas pour une association.
Toutefois, précisons que, en application de l’instruction fiscale du 18 décembre 2006 (
BO 4 H-5-06), la rémunération des dirigeants associatifs est permise moyennant le respect de certains principes (transparence financière, fonctionnement démocratique, adéquation de la rémunération aux suggestions des dirigeants) pour les structures ayant un chiffre d’affaire annuel supérieur à 200.000 euros, dans la limite d’une rémunération égale à trois plafonds de la sécurité sociale, soit en 2010, 8.655 euros. Également, un membre du conseil d’administration pourra, sans satisfaire à ces conditions, être salarié si il dispose de moins du quart des droits de vote et ne siège pas au bureau. Ces dispositions sur les associations s’appliquent au fonds de dotation.

En conclusion, le fonds de dotation revêt un intérêt certain pour l’activité de mécénat, mais nécessite un conseil juridique adapté afin d’en permettre une utilisation sereine de cette nouvelle structure.