Le marché de la borne de recharge : structure et mutations attendues
La Renault ZOE, la Nissan LEAF, la Tesla modèle S sont autant de nouvelles voitures électriques proposées aux Français. La part du véhicule électrique dans le parc automobile français étant croissante, la question de l’infrastructure à mettre en place pour répondre aux besoins de recharge se pose aujourd’hui.
Un marché de la borne de recharge hétérogène
Le marché de la borne de recharge est actuellement en pleine expansion. Cependant, il n’est pas homogène car il existe trois typologies de clients pour lesquels les offres diffèrent :
Les offres
proposées aux clients particuliers consistent en
l’installation d’une prise électrique renforcée ou d’une Wallbox c’est-à-dire
une borne de recharge adaptée aux environnements sécurisés. La prise électrique
renforcée est économique et sûre mais ne permet pas de réduire le temps de
charge. A l’inverse, la Wallbox est une
véritable borne compacte qui donne la possibilité de piloter la consommation
d’énergie ainsi que de refacturer les utilisateurs.
Ce marché est
régi par des contrats nationaux entre les grands constructeurs automobiles –
tels que Renault et Nissan – et les opérateurs de mobilité électrique,
responsables de la pose des bornes de recharge chez les particuliers. Dans le
cas de Tesla, la stratégie est encore plus poussée puisque l’entreprise
souhaite que ses clients soient en mesure de se recharger à domicile via la
borne de stockage Tesla. L’énergie provient des panneaux solaires Solar City
(racheté par Tesla en 2016) disposés sur le toit de la maison de l’utilisateur
qui devient ainsi énergétiquement autonome et indépendant.
Au sein du
marché des particuliers, le segment des copropriétés offre des perspectives de
croissance notoire car il est assez peu développé à ce jour. Nous pouvons
d’ailleurs faire un parallèle entre les offres de ce secteur et celles
proposées aux entreprises.
Le marché des
entreprises se centralise autour de trois besoins de charge :
la flotte de l’entreprise, les véhicules des collaborateurs et ceux des
clients. Contrairement au marché des particuliers, les opérateurs de mobilité
en charge du déploiement des parcs de bornes, comme Bornes Solutions, ont une
importante valeur ajoutée. En effet, ils proposent un véritable accompagnement
tout au long du processus : étude de la solution à mettre en œuvre,
dimensionnement de la flotte de véhicules électriques et du parc de bornes
associé, étude sur la gestion dynamique de la charge, etc. Les solutions
existantes permettent aux entreprises d’optimiser la rentabilité de leur parc
de voitures électriques par rapport à des véhicules diesel sur des déplacements
de moins de 10 000 kilomètres par an. Il est donc possible d’amortir
rapidement l’investissement nécessaire au renouvellement d’une flotte
automobile composée de véhicules électriques et d’un système de bornes de
recharge. Les entreprises engagées dans cette démarche – provenant du secteur
de l’énergie comme d’autres domaines – peuvent également mettre en avant
l’aspect écologique. C’est le cas, par exemple, de La Poste et d’Enedis qui ont fait
le choix d’investir dans la mobilité électrique.
Enfin, le marché des
collectivités locales est un marché en forte croissance
conjoncturelle : elles ont commencé à se doter de bornes il y a environ
trois ans, aujourd’hui elles sont près de 15 000 réparties sur l’ensemble du
territoire pour un objectif, fixé par l’Etat, de 100 000 d’ici 2020.
Les projets d’infrastructure de recharge des
collectivités locales sont gérés par les syndicats d’énergie. Ces derniers
visent à améliorer, pour le compte des communes adhérentes, l’organisation et
le développement du service public de l’électricité. Généralement, les
syndicats d’énergie font appel à des opérateurs de mobilité électrique, tels
que IER – qui a déployé l’infrastructure du service Autolib’ – ou Sodetrel, une filiale
d’EDF. L’objectif des collectivités locales est d’optimiser la consommation
énergétique à l’échelle d’un quartier, puis de la ville. Elles peuvent, pour
cela, faire le choix des réseaux de distribution dits « intelligents »,
utilisant des technologies d'optimisation de la production, de la distribution
et de la consommation. Ces smartgrids rendent plus
efficace l'ensemble des mailles du réseau électrique, allant du producteur au
consommateur final. C’est le cas du projet IssyGrid, le premier
réseau de quartier intelligent en France.
Dans sa globalité, le marché de la borne de recharge
est assez diffus car beaucoup d’acteurs sont présents. Les subventions, comme
le programme ADVENIR (Aide au Développement des Véhicules Électriques grâce à
des Nouvelles Infrastructures de Recharge) qui finance à hauteur de 40%
l’installation d‘un parc de bornes pour les entreprises, contribuent également
à l’apparition de nouveaux clients.
Évolutions et mutations attendues sur le marché de la borne de recharge
Les évolutions technologiques en cours de
développement pourraient remettre en cause la structure du marché de la borne
de recharge.
La capacité de stockage d’énergie des batteries des
voitures électriques augmente grâce à l’apparition de nouvelles technologies,
comme les batteries
à hydrogène, lithium-ion ou encore métal air. Néanmoins, il
existera toujours un besoin de charge des véhicules, ne serait-ce qu’à
domicile, ce qui permettra également de réinjecter l’énergie de la batterie sur
le réseau électrique (vehicle to grid).
Par ailleurs, les
bornes de recharge commencent à
évoluer vers des « bornes intelligentes » donnant la possibilité de
gérer à distance des fonctionnalités aussi bien pour les utilisateurs
que pour
les exploitants. Ainsi, elles rendent possible le smart charging,
c’est-à-dire
l’analyse des besoins du véhicule, du contrat de l’utilisateur et de
l’état du
réseau, pour proposer la meilleure recharge de véhicule électrique.
Cependant,
ces options possèdent un coût important puisque toute augmentation des
coûts
fixes impacte directement la marge de la borne. Et cette dernière est
déjà
faible car le coût d’une borne est compris ente 5 000 et 10 000 euros
selon le
lieu d’installation, la puissance souhaitée et le mode de gestion. Ces
nouveaux services sont donc un plus pour les clients, mais ne sont pas
rentables à ce jour.
D’après Jérôme Princet, PDG de Bornes Solutions, « le marché ne devrait pas se diriger
vers un système d’abonnement, car il existe la possibilité de recharger
chez soi et charger son véhicule ailleurs reviendra toujours plus cher que la
recharge à domicile ». En revanche, la gratuité des bornes électriques sur
l’espace public n’est pas viable à moyen terme. La recharge à ces bornes
deviendra payante mais restera accessible, de 2 à 5 euros les 100 kilomètres.
De nombreux réseaux de charge se développent actuellement sur
l’ensemble du territoire. Ainsi, Total qui poursuit une stratégie de
diversification dans le stockage d’énergie, a d’ores et déjà racheté Saft, une société spécialisée dans le
stockage d'énergie, et Lampiris, un fournisseur d'électricité verte et de gaz naturel. Le pétrolier
envisage d’installer dans les cinq ans à venir des bornes de recharge rapide
dans ses stations-services en France. Pour ce faire, les stations existantes
sont aménagées avec des zones de détente pour patienter et des bureaux avec Wi-Fi pour travailler. Total possède à
ce jour 19 zones de recharge en Europe, majoritairement aux Pays-Bas.
Afin de garantir l’accès aux utilisateurs à un maximum de bornes,
l’interopérabilité entre les différents types de bornes se généralise, comme le
propose KiWhi Pass. Un badge est fourni lors de l’achat du véhicule électrique, donnant
accès à l’ensemble du réseau de bornes du constructeur mais aussi à des bornes
interopérables. Le badge permet également une facturation mensuelle. Nous
pouvons supposer qu’à l’avenir il n’y aura plus de badge et que la voiture
connectée débitera directement le client.
Enfin, d’autres projets innovants voient le jour pour déployer des
bornes. Par exemple, la mairie de La-Roche-sur-Yon s’est associée à Bouygues
Energies & Services pour tester des bornes de recharge intégrées aux lampadaires. Cela évite
d'avoir à réaliser de lourds travaux en centre-ville. La-Roche-sur-Yon fait
office de ville-pilote et pour le moment, seules trois bornes ont été
installées. Si le test est concluant, l’offre sera commercialisée et déployée
sur l’ensemble du territoire français.
Conclusion
Le marché de la borne de recharge est actuellement en plein essor du
fait de la volonté du gouvernement de disposer d’un réseau de sept millions de
bornes (en voirie, chez les particuliers et dans les entreprises) en 2030 sur
l’ensemble du territoire français. De plus, de nouveaux acteurs et notamment de
nombreux opérateurs de mobilité, se lancent sur ce marché.
Par
ailleurs, malgré les avancées technologiques sur les véhicules et
les moyens de recharge, le marché ne devrait pas subir de bouleversement
majeur. En effet, il existera toujours un besoin de charge couplé au
vehicule to grid qui assure l’avenir de la borne. Quant aux offres
proposées, la tendance est à la généralisation de
l’interopérabilité afin de proposer l’accès à la charge à un maximum de
clients.
Enfin, étant donné les prévisions sur le nombre de véhicules
électriques dans les dix prochaines années, nous pouvons nous interroger sur la
capacité de production d’électricité en France : la demande pourra-t-elle
être satisfaite par la seule production nationale ?
Rédaction : Diane Decaudin
Participation à la rédaction : Edouard Richard, Emmanuel Girard, Vianney Brunel, Alexis Berhault