Immobilier : faut-il avoir peur des GAFAM ?

Après avoir fait une entrée remarquée dans nos foyers avec leur Google Home et autres Amazon Echo, les GAFAM semblent désormais nourrir de grandes ambitions dans le domaine de l’immobilier. Conception et construction de maisons connectées avec Amazon, logements sociaux à Seattle et San Francisco avec Microsoft et Facebook.

Pourtant, réduire la mutation de notre secteur et ses enjeux aux seuls GAFAM serait une erreur. Partie émergée de l’iceberg, ces derniers ne sont en réalité que les prémices d’une transformation, d’une disruption plus large. Construction hors site, nouveaux modes de commercialisation, omniprésence de la donnée… Face à ces enjeux, aux GAFAM et à des startups US dopées aux levées de fonds à neuf chiffres, comment faire émerger les champions français et européens de demain ? Comment lutter en termes de vision, d’innovation et de business ? L’occasion de partager quelques pistes de réflexion.
Ils sont parmi nous !
Pour nombre d’observateurs, l’immobilier fait un peu figure de « belle endormie ». C’est le cas en France mais aussi, plus largement, chez nos voisins et partenaires. Même aux États-Unis, Soren Kaplan, spécialiste de l’innovation, décrit le secteur comme « un écosystème qui est là depuis très, très longtemps et fonctionne encore et toujours de la même façon ».  Là est sans doute l’une des explications de la facilité avec laquelle les GAFAM ont pu s’immiscer si vite dans nos vies privées, grâce à une myriade d’objets connectés mis à notre service. Ils sont donc déjà là et bien décidés à y rester.
Assistant vocal, télévision connectée, domotique, monitoring santé… Big Brother n’est pas loin. Car ne nous y trompons pas, le premier objectif de ces géants du digital n’est pas de nous vendre leur « devices ». Il est d’en savoir un maximum sur nous et notre foyer, de collecter et d’exploiter les données que nous produisons. Une situation qui interroge bien sûr le citoyen mais aussi le professionnel de l’immobilier qui voit cet « intrus » s’intercaler entre lui et son client.
Arrêtons de nous voiler la face. Les GAFAM sont là pour rester. A nous d’imaginer et de créer les conditions pour en tirer profit et nous développer. Inutile de lutter et de s’accrocher à une réalité condamnée à disparaître. Au-delà des GAFAM, d’un Google et de sa « ville intelligente » à Toronto, c’est l’ensemble de l’industrie, construction et immobilier, qui se voit disrupté. Et les choses s’accélèrent. Deux startups américaines illustrent à merveille la situation. Katerra, d’abord, qui a levé 865 millions de dollars en 2018 et qui propose à ses clients une offre tout en un : de la conception à l’architecture, de la construction à l’aménagement puis la commercialisation. Une standardisation à outrance soit mais qui conduit à des gains de productivité et des économies d’échelle redoutables. Autre exemple, Opendoor. L’entreprise a elle levé « seulement » 725 millions de dollars la même année pour faire une proposition presque évidente. Elle vous achète directement votre bien et vous libère des péripéties liées à sa vente. Simple et efficace.
La meilleure défense c’est l’attaque

Comme souvent, beaucoup s’insurgent et en appellent aux pouvoirs publics ; invoquent le protectionnisme pour faire émerger des champions nationaux ou européens. Mais la réponse est ailleurs et s’articule autour de trois axes : l’innovation, la vision et la collaboration. Ne nous méprenons pas, l’arrivée en force des GAFAM et des startups US est une opportunité pour les acteurs de l’écosystème immobilier et tous ceux qui souhaitent participer à la disruption en marche.

Pour ce faire, arrêtons de voir petit, de ne penser qu’au travers de notre prisme national. Voyons grand, à une échelle globale, seule clé pour exister et se développer. Pourquoi l’immobilier « made in France », à l’ère du digital, ne pourrait-il pas imiter le succès de champions historiques comme L’Oréal ou Schneider Electric, digitaux comme Criteo ou Blablacar ? Cessons de craindre la concurrence des GAFAM et autres champions US.

Condition sine qua non de toute réussite, l’immobilier doit impérativement innover et réinventer ses métiers. Pour ce faire, les entreprises doivent investir massivement dans la recherche et les nouvelles technologies. Et il y a du boulot ! Même aux États-Unis, l’immobilier n’investit qu’environ 1 % de ses revenus dans la R&D. Trop peu comparé aux autres industries qui y consacrent entre 3 et 8 %.

Enfin, pour se donner un avenir, grands groupes et startups, doivent créer les conditions d’une collaboration étroite et durable, alliant les moyens humains et financiers des premiers à la créativité, la vision et l’agilité des seconds. Ils doivent se retrouver au sein de mouvements comme la French PropTechpour réfléchir à des pistes de collaborations et à l’avenir de leurs métiers. Villes intelligentes, questions environnementales, BIM, construction hors site, nouveaux modes de commercialisation… les sujets ne manquent pas.

Bien plus qu’une menace pour le secteur de l’immobilier, l’arrivée en force des GAFAM est un ultime avertissement. Il est surtout l’opportunité de prendre la mesure des potentiels offerts par la digitalisation et la disruption qui viennent. A chacun de choisir de monter dans le train du changement ou de rester à quai. Mais, comme le démontre Yhnova, première maison habitable imprimée en 3D, construite à Nantes en seulement 54 heures, tout est là, en France et en Europe, pour faire émerger les champions de demain.