Alain Fischer (Société Générale) "Le budget IT lié à la transformation numérique se chiffrera en centaines de millions d'euros"

En avril, la Société Générale a créé une cellule dédiée à la transformation digitale au sein de son pôle de banque grande clientèle. Son directeur, Alain Fischer, détaille la stratégie du groupe.

Alain Fischer, CDO de la Société Générale Grande Clientèle et Solutions Investisseurs © Société Générale

JDN. Votre poste de CDO du pôle de Banque Grande Clientèle de la Société Générale a été créé en avril, avec une cellule dédiée. Quels sont les chantiers qui vous ont été attribués ?

Alain Fischer. Les systèmes de la banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs (qui recouvre la banque d'investissement, le métier titres et la banque privée, ndlr) n'ont jamais été pensés comme les géants du Web, en services. Toute société qui a un lourd "legacy" a un système formé de silos. Notre transformation numérique va consister à ouvrir tout notre système d'informations et à le transformer en un système constitué de "briques", des web services ou API destinées aux collaborateurs en interne mais aussi aux clients. Le détail des offres doit être ouvert et transparent, sous forme de catalogue. Cela prendra des années et le budget IT lié à la transformation numérique se compte en centaines de millions. Mais nous avons déjà engagé de gros travaux depuis 2014. La création d'un Digital Office composé de quinze personnes qui travaillent en collaboration avec toutes les équipes de la division ne fait qu'officialiser cette stratégie.

Pouvez-vous donner des exemples concrets de cette transformation vers un système de briques ?

Depuis deux ans, nous proposons aux clients de la banque grande clientèle une interface unique pour les activités de marché et de financements, SG Market, qui agrège de multiples services de nos systèmes internes, comme un "web pricer" pour nos produits structurés ou un moteur de recommandation sur nos activités pré-trade, mais également des services tiers comme comme Google authenticator, la téléphonie de point à point, etc… Avant, les clients traitaient avec nous à la voix ou envoyaient leurs ordres électroniquement sur nos plateformes ou celles de partenaires. Désormais, l'ensemble de notre offfre front-end est harmonisée à travers ce hub de services. Le travail de transformation est colossal car plus de 1 000 applications sont aujourd'hui mis à disposition du staff et des clients et de nouvelles voient le jour chaque trimestre.

Comment travaillez-vous la donnée ?

En btob, nous préférons nous baser sur des "cas d'utilisation métier" pour enrichir notre "data lake" (Un stockage global de l'ensemble des données de la société, ndlr). Sélectionner soigneusement nos données plutôt que nous baser su rl"ensemble nous permet de mieux comprendre nos clients et mieux les conseiller. Par exemple, on score la probabilité que le client aime une idée et toutes les idées scorées sont listées dans l'interface pour améliorer le conseil dans le futur.

"Nous proposons plus de 1 000 applications au staff et aux clients, et de nouvelles voient le jour chaque trimestre"

Quels sont vos méthodes d'évangélisation des équipes à vos projets de transformation ?

Nous voulons changer totalement d'approche sur la gestion de projets, la création de valeur et l'utilisation de nos briques techniques. L'innovation tiendra beaucoup de la bonne connaissance de ces briques et de leur assemblage, qu'elles soient des services internes ou bien de fintech par exemple. Désormais, tous les développements internes se font en mode service, avec des interfaces agiles, simples, un catalogue pour les utilisateurs et des outils pour mesurer leur utilisation.

Vous permettez aussi à vos collaborateurs de lancer leurs idées novatrices…

Oui, nous avons créé une plateforme d'open innovation sur laquelle tout collaborateur peut déposer une idée. Nous en sélectionnons dix, deux fois par an, et les porteurs de projets pitchent devant un jury en interne pour faire émerger ceux que nous financerons. Depuis le lancement, nous avons reçu plus de 350 idées et réalisé deux sessions de pitchs. Trois idées ont été primées à chaque fois. Nous les développons ensuite à moindre coût, pour arriver à créer un prototype. Trois sont déjà en production, dont SG Market Web Wizard, qui permet de transformer une fiche Excel dans une interface Web et Meeting Organizer, un plugin sur Outlook qui prend conscience du coût des réunions pour la banque et pousse à privilégier les meetings tactiques, rapides, à moins de personnes.

Alain Fischer a débuté sa carrière au sein du département Actuariat chez Axa Assurance vie. Il a été nommé chef de projets au sein du département recherche économique et financière de Chevreux en 1997, avant de devenir responsable technologie pour la recherche et la vente. Il rejoint l'équipe Cash Equity de Société Générale Corporate & Investment Banking (SG CIB) en 2007 en qualité de responsable projets & organisation et devient ensuite responsable des opérations & technologies pour le département recherche & stratégie de SG CIB. En 2013, Alain a été nommé Responsable mondial e-Business pour les activités de marché de SG CIB. Alain Fischer est diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure d'Informatique et de Mathématiques Appliquées.