Comment évolue la rémunération des dirigeants au sein des entreprises françaises

Jean Lambrechts dirige le pôle Rémunération des Dirigeants chez Aon Hewitt France. Il révèle les dernières tendances en la matière.

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Jean Lambrechts. © Aon Hewitt France

Aon Hewitt a publié successivement en mai et juin le vade-mecum "comité des rémunérations" et les résultats d'une enquête sur les pratiques de rémunération en capital, une occasion de faire le point sur les pratiques de rémunération des dirigeants.

Le vade-mecum décrit les pratiques de rémunération des entreprises du SBF250 de manière à offrir des points de repère sur les divers sujets potentiellement traités par un comité des rémunérations. Il exploite les informations rendues publiques par ces entreprises, il évalue notamment les packages de rémunération des mandataires sociaux et étudie les pratiques de rémunération incitative court et long termes. Cette deuxième édition du vade-mecum exploite les données divulguées par les entreprises en 2010.

L'étude sur "Les tendances de l'actionnariat salarié et de la rémunération en capital" analyse les résultats de la 3ème édition annuelle d'une enquête à laquelle ont participé 51 entreprises françaises, principalement des SBF120[1]. L'enquête portait sur leurs pratiques d'association de leurs collaborateurs au capital de l'entreprise et à sa performance long terme.

Evolution des packages de rémunération des mandataires sociaux

En fait, les packages ont évolué de manière contrastée entre 2009 et 2010, tant selon la typologie d'entreprise que selon l'élément de rémunération concerné. Si les montants totaux des packages (fixe, bonus et rémunération en capital ou équivalent) sont en recul pour les dirigeants dont les packages comprenaient une part importante de stock options ou d'actions de performance (dirigeants mandataires sociaux du CAC 40, premiers dirigeants du SBF 80), ils sont en progression pour ceux dont la rémunération était principalement constituée du fixe et du bonus.

Evolution du fixe et des bonus

Il faut considérer que cette évolution s'inscrit dans un contexte de crise. Le fixe a relativement peu augmenté, la moitié des dirigeants mandataires sociaux n'ont même pas eu d'augmentation en 2009. Par contre les bonus versés en 2010 au titre de 2009 sont globalement en hausse par rapport à ceux versés en 2009 au titre de 2008. Une explication possible est qu'en 2008 la crise surprend et que les entreprises n'atteignent pas les objectifs financiers qu'elles s'étaient fixées. Début 2009, les objectifs financiers sont revus à la baisse et le poids des critères financiers dans la rémunération variable est réduit au bénéfice d'objectifs opérationnels et qualitatifs sur lesquels existe plus de visibilité.

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Source : Aon Hewitt © Aon Hewitt

La gestion des intéressements long terme par les entreprises durant la crise

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Source Aon Hewitt © Aon Hewitt

La crise a eu un impact sur la propension des entreprises à attribuer des instruments de capitaux propres (stock options, actions) et sur les valeurs des attributions. Au sein du SBF 250 hors CAC 40, la propension des entreprises qui attribuaient des instruments de capitaux propres a diminué de 10%. Il y a également plusieurs entreprises qui ont réalisé des attributions à leurs salariés sans nécessairement en octroyer à leurs mandataires sociaux. Pour les SBF120, la valeur des attributions a baissé très significativement (de 20 à 40% selon les cas), une des raisons sans doute étant que depuis le déclenchement de la crise financière, la bourse atteignait son point bas au printemps 2009.

Or, comme le montre notre enquête sur la rémunération en capital, la majorité des entreprises françaises gèrent la "volumétrie" des attributions individuelles au cours du temps, en attribuant un nombre fixe. Donc la valeur économique des attributions individuelles varie au gré de l'évolution du cours de bourse.

Les perspectives d'évolution des pratiques d'intéressement long terme

Si nous prenons un peu de recul, force est de constater que les pratiques des entreprises françaises ont sensiblement évolué.

Il y a six ou sept ans encore, celles-ci attribuaient quasi exclusivement des stock-options, généralement sans conditions de performance. Aujourd'hui, selon notre enquête, moins d'un tiers des entreprises attribuent encore exclusivement des options, les autres attribuant le plus souvent un mix d'options et d'actions. Au sein du CAC40, plus de 90% des plans d'attribution sont assortis de conditions de performance, au sein du SBF80, plus de 80%. Le choix entre stock-option et action, et la sélection quasi obligatoire de critères de performance rend évidemment la tâche des conseils plus ardue, surtout que les investisseurs souhaitent mieux comprendre la logique des dispositifs envisagés avant d'autoriser des enveloppes d'attribution.

Dans ce cadre, nous anticipons une augmentation du poids des actions au détriment des stock-options dans les attributions aux hauts dirigeants des grandes entreprises, en raison du caractère aléatoire des options et des effets d'aubaine qu'elles offrent.

En contrepartie, les investisseurs attendront une transparence accrue sur les conditions de performance, notamment ex ante lors de la demande d'une autorisation en assemblée générale. L'appétit venant en mangeant, les investisseurs voudront alors aussi mieux comprendre le niveau d'exigence des objectifs de performance.

Les entreprises seront aussi amenées à avoir une réflexion de fond sur le rôle de la rémunération en capital dans le package global, en allant au-delà du besoin d'attirer et de fidéliser. Nous pensons en particulier au positionnement de l'intéressement long terme par rapport à la part variable. Les plans d'actions de performance ont un horizon de performance souvent limité à deux ans, ce qui est court par rapport aux pratiques internationales et assez redondant avec la part variable annuelle. De plus, part variable et actions de performance partagent souvent des critères financiers identiques.

[1] * Répartition par indice boursier des 51 entreprises ayant participé : CAC40 : 43% ; SBF80 : 43% ; SBF250 (hors CAC40) : 6% ; Autres : 8%