David Gann (Smart London) "Peu importe si les start-up gagnent de l'argent grâce à l'open data de Londres"

Le responsable du projet de ville intelligente Smart London prône un open data total à destination des professionnels et encourage les entrepreneurs à innover librement.

David Gann est président du comité de Smart London. © Imperial College London

JDN. Le premier rapport d'étape du programme de ville intelligente Smart London vient d'être publié. Plus de 460 applications dédiées au transport ont été développées grâce à votre plateforme open data. Quels sont les services déjà disponibles ? Qu'espérez-vous développer à l'avenir ?

David Gann. La spécificité de Smart London est que nous avons décidé d'ouvrir l'accès libre aux données anonymisées de la ville à tous les professionnels, entreprises ou start-up, pour que de nouveaux services puissent être développés. Et nous sommes nous-mêmes très surpris des résultats car leurs idées, nous ne les aurions sûrement jamais eues seuls. Il est donc impossible de prévoir ce qui sera fait demain, d'autant que nous nous refusons de leur préconiser quoi que ce soit. Cela ne ferait que bloquer leur inventivité.

Il y a ici un merveilleux écosystème d'innovation et nous pensons que les entrepreneurs ou futurs entrepreneurs qui se baladent dans les rues de Londres sont les mieux placés pour dénicher les meilleures opportunités. C'est pourquoi il est important de leur garantir un accès total aux data de la capitale grâce à notre plateforme open data, le Datastore, qui leur est entièrement dédiée.

Le meilleur exemple, c'est Citymapper. Cette application qui calcule des itinéraires multimodaux a été créée grâce au Datastore et aux données des transports publics qui y sont disponibles.

A propos de Citymapper, justement, cette start-up londonienne suscite des inquiétudes en France, du côté de la RATP. Elle craint que les données soient utilisées dans un but commercial et demande à ce qu'il soit interdit de ne pas partager une utilisation faite en open data. Qu'en pensez-vous ?

Peu nous importe si les développeurs gagnent de l'argent parce qu'ils ont créé la meilleure application grâce à l'open data. Ils offrent de meilleurs services et créent des emplois, c'est là l'essentiel. Transport for London, la société de transport londonienne, n'a de toute façon pas les moyens d'utiliser ses données de manière innovante.

Par ailleurs, nous sommes convaincus que l'ouverture des données permet plus de transparence et de démocratie. Par exemple, Londres a de sérieux problèmes de pollution. Nous avons décidé de ne pas nous en cacher et avons ouvert toutes les données qui existent sur la qualité de l'air. Il vaut mieux jouer franc jeu en ouvrant ce genre de data pour permettre aux spécialistes de trouver des solutions. De nombreuses applications ont déjà été créées, comme une application pour smartphone capable de prévenir immédiatement les habitants les plus sensibles de l'arrivée imminente d'un pic de pollution.

De plus en plus de wearables et d'objets connectés sont développés sur ce sujet. Des start-up locales comme DNA Electronics travaillent sur les hôpitaux intelligents. Cette dernière a développé un dispositif portatif de la taille d'un smartphone capable de lire l'ADN et d'identifier n'importe quel microbe. Nous estimons que la santé représentera d'ici à 2020 15% du marché de la smart city, ce qui en fait la deuxième plus grosse opportunité derrière l'énergie.

Le rapport précise d'ailleurs qu'en 2020 l'énergie représentera 16% du marché de la ville intelligente à Londres. Qu'est-il prévu à ce propos ?

Nous voulons encourager le passage au véhicule électrique tout en évitant les pics de consommation. Il y a des projets de recherche en cours sur des bornes de recharge intelligentes capables d'alimenter au bon moment et à bon escient les voitures électriques. De plus, les autorités locales ont d'ores et déjà décidé d'exonérer les véhicules qui roulent à l'électricité de la taxe "Congestion Charge", qu'il faut désormais payer pour accéder au centre-ville en voiture.

Le maire de Londres a prévu 5 millions de livres pour un grand programme de formation des jeunes aux métiers du numérique. De quelles compétences la ville aura-t-elle besoin pour devenir encore plus intelligente ?

Nous avons besoin de connaissances avancées spécifiquement dans le domaine de la santé et du management de la chaîne logistique. Nous voulons développer de plus en plus de systèmes qui permettraient d'éviter les files d'attente, en généralisant le check-in online, par exemple.

Nous envisageons également de développer rapidement des convois de camions autonomes sur autoroute. Nous sommes très engagés sur le véhicule sans chauffeur et nous voulons l'intégrer au plus vite. Cela se fera dans les 10 prochaines années.