La smart water, fontaine de jouvence des professionnels de l'eau

La smart water, fontaine de jouvence des professionnels de l'eau Après le smart grid, la smart water. Les industriels et collectivités locales connectent leurs réseaux d'eau pour créer des services innovants et plus de valeur.

Il y avait déjà les aiguilleurs du ciel, demain il y aura aussi les aiguilleurs de l'eau. Toujours plus connectées, les installations de traitement et d'acheminement de l'eau sont de plus en plus nombreuses à être pilotées depuis des tours de contrôle intelligentes, qui gèrent et analysent toutes les données collectées sur les équipements.

"Nous anticipons une croissance annuelle moyenne de notre chiffre d'affaires de 10% sur ce marché à fort potentiel"

Ces dispositifs smart water sont désormais incontournables pour les professionnels du secteur. Chez Suez, la smart water fait même partie des quatre axes stratégiques de croissance du groupe : "Nous anticipons une croissance annuelle moyenne de notre chiffre d'affaires de 10% sur ce marché à fort potentiel. Ce sont plus de 500 clients qui bénéficient aujourd'hui de l'ensemble des solutions smart water de Suez. Il y a encore 5 ou 6 six ans, c'était un pari. Aujourd'hui, c'est un pari gagnant", se réjouit Bertrand Camus, directeur général de Suez Eau France.

Le géant français de la gestion de l'eau et des déchets a notamment développé deux solutions de gestion intelligente : Aquadvanced, pour optimiser la performance des réseaux d'eau potable (débit, pression, qualité de l'eau, etc.) et Influx, pour la gestion anticipée et dynamique des systèmes d'assainissement. La première équipe déjà plus de 60 contrats de distribution d'eau potable en France, dont Versailles et Nanterre, et plusieurs références à l'international, notamment en Espagne, en Chine et aux Etats-Unis. Concernant la seconde, six projets ont été déployés, notamment par le Syndicat Interdépartemental pour l'Assainissement de l'Agglomération Parisienne (SIAAP), et quatre sont en cours de mise en œuvre, trois dans l'Hexagone et un à Singapour.

Dans le centre de contrôle Aquadvanced de Barcelone. © Suez

Pour coordonner la gestion des données, Suez a lancé en 2014 les centres de supervision Visio. Implantés au cœur des exploitations, ils regroupent l'ensemble des équipes, outils, et technologies permettant de piloter en temps réel le service de l'eau et de l'assainissement. Le déploiement de ces centres est prévu sur l'ensemble du territoire, au sein de chacune des 15 entreprises régionales de Suez Eau France. Le septième à être sorti de terre a été inauguré en juin 2016 à Montgeron (Essonne).

"Ces installations nous permettent d'anticiper des événements comme les inondations ou la pollution des eaux de baignade"

"Ces installations permettent une gestion prédictive de l'infrastructure, c'est-à-dire que nous pouvons anticiper des événements comme les inondations ou la pollution des eaux de baignade, par exemple. Sur ce dernier point, en croisant les données sur la qualité de l'eau avec les données météorologiques et sur les mouvements de la mer, il est possible de lancer une alerte en amont en cas de pluies d'orage, qui renvoient la pollution vers les plages. Jusqu'à maintenant, il fallait faire des analyses et attendre deux jours pour avoir les résultats et éventuellement interdire la baignade, alors même qu'il était déjà trop tard et que la pollution avait déjà disparu", explique Bertrand Camus. Les fuites peuvent être aussi automatiquement détectées, ce qui évite de mobiliser des équipes pour vérifier toutes les canalisations une par une.

Ces multiples opportunités que représente la smart water, Schneider Electric les a aussi repérées : "La France est en avance sur le pilotage intelligent de ses usines et de son réseau d'eau grâce aux équipements connectés qui se multiplient depuis une dizaine d'année. Mais aujourd'hui les data ont beau exister, il s'agit encore de les rassembler, de les analyser et de pouvoir les contrôler à distance. Il faut une plateforme unique qui puisse rassembler toutes les informations", estime Fabrice Renault, directeur France du segment eau et environnement du groupe français.

"La France est en avance sur le pilotage intelligent de ses usines et de son réseau d'eau"

Schneider Electric a imaginé Wonderware, un logiciel destiné aux régies publiques et aux gestionnaires comme Suez, qui fédère tous les équipements connectés et qui leur permet notamment de suivre l'état du réseau sur un tableau de bord en temps réel. "Les régies commencent à s'équiper, comme Eau d'Azur ou Eau de Paris. Ce marché va fortement augmenter dans les prochaines années", avance-t-il.

Comme Suez, Schneider mise sur le croisement des données et l'analyse prédictive. "Nous travaillons sur tous les indicateurs avancés exploitables, comme les habitudes de consommation ou les comportements en cas d’événements majeurs qui peuvent susciter des pics de consommation, pour produire au mieux et moins cher à l'avance. Les récentes inondations à Paris ont eu par exemple un impact fort sur les eaux usées et donc sur leur traitement. Notre plateforme peut permettre d'anticiper les pluies diluviennes et offre la possibilité de prévoir à l'avance une production importante d'eau potable", raconte Fabrice Renault.

L'entreprise propose aussi un logiciel capable de modéliser le réseau d'eau potable et les usines qui le composent, en cours de déploiement à Nice et dans le Tarn-et-Garonne. "Il offre une visualisation en temps réel de paramètres comme l'âge de l'eau, qui doit arriver avec moins de deux ou trois jours dans le robinet du consommateur, la vitesse, qui si elle est trop importante peut générer des dépôts et donc une eau trouble, ou encore la pression, qui, quand elle est trop forte, peut endommager les tuyaux jusqu'à les percer", explique-t-il.

"Avant la télérelève n'était qu'une option que l'on proposait, désormais la plupart des collectivités la demandent"

Côté utilisateur final, la télérelève est déjà bien en place. "Nous équipons déjà 2,6 millions de foyers européens en compteurs connectés, dont 1,6 million en France. Avant ce n'était qu'une option que l'on proposait, désormais la plupart des appels d'offre des collectivités le demandent. D'ici à cinq ans, l'ensemble des grandes villes, villes moyennes et une grande partie des villes rurales s'équiperont", s'enthousiasme Bertrand Camus.

Un engouement que confirme Sophie Altmeyer, chef de projet au pôle de compétitivité Hydreos, qui rassemble les acteurs du le marché de l'eau en Alsace et Lorraine : "La télérelève est très bien implantée sur le territoire français, qui compte déjà 3,5 millions de compteurs d'eau intelligents. C'est un service à la base pensé pour l'usager, pour lui permettre de mieux suivre ses consommations et ainsi contrôler sa facture, mais les collectivités se rendent compte que l'on peut aller plus loin avec la mise en place de services innovants et de synergies avec la smart city, notamment sur la surveillance des personnes âgées et l'envoi d' un signal alerte en cas d'un arrêt total de la consommation d'eau, peut-être synonyme d'un malaise ou d'un accident."

"Les collectivités se rendent compte que l'on peut aller plus loin avec la mise en place de services innovants et de synergies avec la smart city"

"Nous avons observé que cela permettait non seulement une baisse de la consommation d'eau de 10 à 15%, mais aussi de mieux repérer les fuites en cas de surconsommation anormale. Nous pourrons peut-être à l'avenir aller encore plus loin en croisant nos données avec celles des assureurs, qui pourraient proposer des produits d'assurance moins coûteux aux foyers équipés grâce à la réduction de la sinistralité permise par le compteur connecté. Les villes pourront aussi déterminer à partir de ces données si un appartement est loué ou non, par exemple. Il y a là de multiples opportunités de créer de la valeur additionnelle", affirme Bertrand Camus.

De là à aller jusqu'à l'open data, peut-être pas tout de suite tempère le directeur général de Suez Eau France : "Je n'ai a priori aucune objection à la mise à disposition des données mais il faut d'abord s'assurer que cela ne remette pas en cause la sécurité des systèmes et l'anonymat des usagers."