Aux assises des mobilités, l'autopartage reste à l'ombre du covoiturage

Aux assises des mobilités, l'autopartage reste à l'ombre du covoiturage Les plateformes de location de voitures ont eu plus de mal que celles du covoiturage à se poser en solutions à la congestion automobile et aux déficiences des transports en commun.

En lançant les assises des mobilités en septembre, la ministre chargée des transports Elisabeth Borne avait annoncé quelle serait sa priorité : les transports du quotidien. Et parmi les nouvelles solutions de mobilité proposées par les start-up françaises, le covoiturage courte distance est vu comme le meilleur outil par le gouvernement. Encore peu répandu et déficitaire, ce service pourrait, s'il était massivement adopté pour les trajets domicile-travail, aider à réduire la congestion en faisant grimper le taux d'occupation des véhicules, actuellement autour de 1,1 personne par voiture. Résultat, les sociétés de covoiturage ont eu droit à leur propre groupe de travail aux assises, centré sur les leurs problématiques. Les sociétés d'autopartage, elles, ont eu plus de mal à se démarquer, perdues au sein d'un groupe de travail sur les mobilités propres avec d'autres acteurs. Elles n'ont eu droit qu'à une réunion dédiée à l'autopartage.

Il faut dire qu'un certain nombre de paramètres rendent l'autopartage plus difficile à vendre comme une solution aux problèmes de transport en ville. "Je ne suis pas étonné que l'autopartage soit moins considéré que le covoiturage. Ce n'est pas écolo et ça n'aide pas vraiment à régler les problèmes de congestion," reconnaît un dirigeant du secteur, qui préfère garder l'anonymat. L'autopartage ne remet en effet pas en cause la pratique de l'autosolisme, puisque rien n'empêche un utilisateur de louer un véhicule pour se déplacer seul.

Pas la même mission

Autre aspect : l'autopartage est une pratique ponctuelle, plutôt concentrée sur le weekend, alors que le covoiturage-courte distance se concentre sur la priorité du gouvernement, les trajets du quotidien, qui ont le plus d'incidence sur la congestion et la pollution. "Nous ne sommes pas un transport du quotidien," confirme Paulin Dementhon, fondateur de Drivy."Notre marché, c'est d'aider à sortir des villes".

L'autopartage a également plus de mal à faire valoir son caractère collaboratif, avance Serge Ricardo, directeur produit et innovation chez Koolicar. "Dans le covoiturage, la philosophie du partage de frais est mieux perçue, probablement parce que le propriétaire du véhicule se trouve dedans. Le passager lui donne de quoi payer le péage et le carburant. C'est accepté par tout le monde, alors que l'autopartage donne l'impression de faire de l'argent. Et effectivement, on est sensiblement en train de remplacer un véhicule qui appartient à quelqu'un par celui de quelqu'un d'autre. Mais cela aura de l'intérêt lorsqu'il y aura un déploiement à l'échelle et qu'on verra l'impact de l'autopartage sur le stationnement."

Des passerelles avec le covoiturage

S'il ne peut pas se targuer d'aider à réduire la congestion comme le covoiturage, l'autopartage participe en revanche à remettre en cause la possession du véhicule et donc à réduire les besoins de stationnement. Selon l'ADEME, un véhicule en autopartage remplace 5 voitures particulières et libère 4 places de parking. Des atouts mis en avant par le secteur lors de ses rencontres avec les autorités pendant les assises des mobilités, qui espère qu'elles accéderont à ses demandes, notamment en matière de stationnement. "Le stationnement résidentiel favorise les particuliers qui utilisent peu leur voiture", accuse Paul Dementhon. "Si vous avez une Porsche Cayenne dont vous vous servez une fois par mois, vous pouvez stationner dans la rue pour 9 euros par semaine. Si vous êtes un entrepreneur qui veut mettre cinq voitures en autopartage, vous ne pouvez pas les laisser stationnées plus de deux heures, car il s'agit d'une activité commerciale."

Les start-up du secteur aimeraient donc que des places soient réservées aux professionnels qui mettent à disposition des véhicules sur ces plateformes. Les particuliers qui partagent leur voiture doivent également être récompensés, par exemple avec des réductions sur le prix du stationnement. Ces revendications, ainsi que d'autres avantages pour les conducteurs, comme un bonus à l'achat d'un véhicule ou des crédits d'impôts sont partagées par le secteur du covoiturage. Son lobbying pourrait donc profiter à l'autopartage. Après les assises, qui se sont achevées fin décembre, une loi d'orientation sur les mobilités prévue au premier trimestre 2018 nous dira lesquelles de ces demandes ont été entendues.