Tombé du ciel comme l'éclair : le projet de nouvelle
norme comptable annoncé la semaine dernière par l'IASB
(International accounting standards Board, l'organisme chargé
par la Commission européenne des nouvelles normes comptables)
a pris de vitesse le monde de la finance d'entreprise. Cette proposition
de l'IASB, qui n'est pas encore validée, veut obliger les
entreprises à comptabiliser les plans de stock-options,
et leurs dérivés comme les BCE, dans les charges de
personnel. Autrement dit, les coûts des stock-options devront
être versés dans les résultats de l'entreprise.
Ce
projet de norme n'est pas en soi une surprise : les scandales
financiers inaugurés par Enron et les excès de la
bulle Internet avaient déjà terni l'image des stock-options.
A tel point que la majorité des entreprises américaines,
comme le révèle le cabinet Deloitte dans une étude,
ont décidé de lever le pied sur l'utilisation de ce
levier de rémunération jugé "sulfureux"
(lire l'article). D'autres entreprises
américaines, sans que les normes comptables ne les obligent
encore, ont décidé d'intégrer les plans de
stock-options dans leurs comptes pour épurer ce qui était
vu, par les actionnaires, comme une zone d'ombre.
Le projet de l'IASB, soutenu par son équivalent américain
le FASB (Financial accounting standards Board), ne ferait
donc que répondre à une demande. "Il faut bien comprendre
que les bons d'attribution sont des bombes à retardement pour les
entreprises, explique Eric Pichet, professeur à Bordeaux Ecole de
Management et auteur de Stock-options, théorie et pratiques (Les
éditions du Siècle, 2001). Par exemple, en 2001, si Coca-Cola avait
passé en charge ses stock-options, le bénéfice net du groupe
aurait été réduit de 5 %."
D'autres experts de la finance estiment que la question est plus
complexe. Ils remettent en cause la réalité même
des coûts engendrés par les stock-options. "Octroyer
des stock-options revient à augmenter le nombre de parts de l'entreprise,
défend Pierre-Henry Leroy, fondateur du cabinet de conseil aux investisseurs
Proxinvest. Si on rajoute des parts en coupant le gâteau, on réduit
la taille de ces parts mais le gâteau reste lui identique. Les actions
sont donc diluées, mais le résultat de l'entreprise n'est
pas affecté."
Pascal Quiry, professeur à HEC et expert financier (lire l'interview),
partage le même avis. "Les plans de stock-options ont effectivement
un coût, explique-t-il. Mais il est supporté par les actionnaires,
et non par l'entreprise. Ce coût ne devrait donc pas être
passé en charges." Derrière cette analyse, apparaît
une critique à peine voilée : le projet de norme
est là pour satisfaire les actionnaires, avides de transparence
sur les mouvements financiers, plutôt que pour répondre
aux besoins des entreprises.
Cette
norme va dans le sens de la transparence"
Maurice Khawam, IE-Club |
Malgré cette ambiguïté, certaines voix parmi les les entrepreneurs
saluent l'initiative de l'IASB, au nom de son caractère "antiseptique".
"Il s'agit d'une bonne mesure car elle va dans le sens de la
transparence", plaide ainsi Maurice Khawam, directeur d'ETF
Grp France - NexTFund Capital et président de l'IE-Club, association
des entrepreneurs et des investisseurs de la tech-économie. Une
transparence que certains voient comme la meilleure des protections
contre les excès de stock-options, qui ont coûté
si cher à l'image de marque des entreprises de la nouvelle
économie.
Pour d'autres entrepreneurs, le projet de norme risque au contraire
de priver les entreprises de croissance de leur meilleur outil pour
attirer et fidéliser les talents. "Aucun instrument de substitution
n'est aussi efficace que le plan de stock-option, estime Olivier
Edwars, secrétaire général de Croissance Plus, une association d'entreprises
innovantes (lire l'interview).
Une fois encore, les entreprises de croissance sont les plus pénalisées."
Justifié ou pas, ce projet de norme doit être en tout
cas appréhendé par les entreprises. Outre les grands
comptes, la norme concernera surtout deux types d'entreprises :
celles de croissance cotées en Bourse et celles de croissance
qui souhaitent s'introduire en Bourse. Pour éviter que la
"bombe à retardement" ne leur explose dans les
mains, ces entreprises ont tout intérêt à réfléchir
sur les conséquences comptables de leurs plans de stock-options,
actuels ou à venir. A moins que, comme en Californie, un
lobbying des entreprises de croissance ne s'organise pour tenter
d'infléchir le projet de norme.
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