Les lois du pouvoir Loi n°39 : Exaspérez l'ennemi

Le principe

"La colère est stratégiquement contre-productive. Il faut toujours garder son calme et rester objectif. Si l'on peut mettre son ennemi en colère tout en conservant son sang-froid, on prend sur lui un avantage décisif. Déstabilisez votre adversaire : trouvez en lui la faille qui le fera sortir de ses gonds."

La loi

"Les coléreux finissent toujours par se ridiculiser : leur réaction paraît hors de proportion avec sa cause. Ils prennent les choses trop au sérieux, exagèrent la gravité de l'insulte qui leur est faite. Ils sont si susceptibles que leur façon de prendre la mouche devient comique. Plus comique encore leur certitude que cette façon de hausser le ton assied leur pouvoir. En vérité, c'est le contraire : les vociférations ne sont pas un signe de pouvoir, mais de désespoir. Les témoins sont peut-être réduits temporairement au silence mais, à la fin, ils perdent tout respect vis-à-vis d'un agité qui gesticule. Ils comprennent aussi qu'il est facile de contrôler quelqu'un qui se contrôle si mal.

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Le commandant Sun Bin a mené ses troupes à la victoire en jouant sur les émotions négatives de l'adversaire. © Tan Kian Khoon

La solution, toutefois, n'est pas de réprimer la colère ni les réactions émotionnelles. Ce refoulement consomme de l'énergie et conduit à des comportements bizarres. Il vaut mieux changer de point de vue : la quête du pouvoir n'est qu'un jeu, il faut s'en distancier, garder la tête froide. (...)

La colère ne fait que restreindre votre marge de manoeuvre. Or la marge de manoeuvre est ce dont les gens de pouvoir ne peuvent se passer. Lorsque vous vous serez entraîné à ne pas prendre la mouche et à conserver votre sang-froid, vous aurez acquis un considérable pouvoir : celui de jouer avec les réactions émotionnelles des autres. Poussez les anxieux à sortir du bois en portant atteinte à leur honneur, puis en leur faisant miroiter une victoire facile.

Sun Bin, commandant des armées du royaume de Qi et fidèle disciple de Sun Zi, eut un jour à affronter les troupes du royaume de Wei, deux fois plus nombreuses. "Allumons cent mille feux lorsque notre armée rencontrera l'ennemi, suggéra Sun Bin, cinquante mille le jour suivant et trente mille seulement le troisième." Le troisième jour, le général de Wei s'exclama : "Je savais que les hommes de Qi étaient des lâches : au bout de trois jours, plus de la moitié d'entre d'eux ont déserté !" Laissant derrière lui son infanterie lourde, trop lente, il décida de sauter sur l'occasion et fondit sur le camp opposé avec quelques troupes légèrement armées. Celles de Sun Bin battirent en retraite, entraînant ses attaquants dans un cul-de-sac où ils furent cernés et taillés en pièces. Une fois le général de Wei mort et ses forces décimées, Sun Bin eut facilement raison du reste de son armée."

Extrait de "Power, les 48 lois du pouvoir" de Robert Greene, Leduc.s Editions, avril 2009, p.329 et 330.