"Provoquer" l'insight en coaching ou accéder à l'orgasme professionnel

L'insight est ce moment d'illumination, cette soudaine prise de conscience du client, qui éclaire son problème d'un jour nouveau, mettant en lumière brusquement de nouvelles perspectives, tout en l'ouvrant à de nouvelles solutions.

Peut-on provoquer l'insght ? N'est-ce pas le but même du coaching ? Y aurait-il deux sortes de coaching, avec ou sans insight ? Tentons une comparaison un peu "osée" entre insight et orgasme... tant pis pour les chastes oreilles que cela pourrait éventuellement choquer (on se demande bien pourquoi d'ailleurs)...

Qu'est-ce que l'insight en coaching ?

Lorsque le client soudain réalise un "Eureka", "ça y est j'ai compris", "bon sang mais c'est bien sûr", lorqu'une nouvelle vision de la question fait brutalement irruption, et que le client voit soudain clair en lui-même et dans la situation. C'est comme une pleine lune, l'instant de grâce, la combinaison juste du coffre fort et soudain il s'ouvre, après qu'on ait essayé tant de fausses hypothèses... L'insight survient d'ailleurs en cascade, plusieurs en même temps...

L'insight, c'est comme l'orgasme

  • Si vous partez avec l'idée de prendre votre plaisir et après moi le déluge, c'est une expérience bien pauvre.
  • Si vous vous fixez comme objectif de faire jouir votre partenaire, ça a l'air plus généreux, mais ce n'est pas si sûr. A y regardez de plus près, vous partagez progressivement une pression qui à elle seule peut vous mettre en échec. Même en étant à la fois un athlète et un virtuose qui réalise des prouesses physiques ou techniques, c'est vite lassant pour l'autre. Dès qu'il a compris que votre truc à vous c'est de "faire" (au lieu simplement d'"être" ensemble), il cesse de se sentir pris en compte en tant que sujet, il réalise qu'il n'est que l'objet de votre championnat personnel. Vous vous servez de son être, pour "réaliser un strike". Bon, ça va bien 5 minutes, c'est peut-être amusant et mignon, mais après il risque de vous laisser jouer avec vos petites billes, tout seul dans votre chambre au milieu de vos autres joujoux...
  • La sexualité des "Adultes" commence quand enfin vous renoncez à l'orgasme. Le vôtre évidemment, mais celui de l'autre aussi. Dès lors, vous entrez dans une expérience nouvelle à chaque fois, sans objet, sans objectif, dans laquelle vous n'êtes que réponse corporelle à des stimuli ressentis dans tout votre être. Vous ressentez une attraction de l'esprit, une attirance de l'âme, et un désir corporel. Ceci n'est possible que si vous êtes complètement disponible. Dès lors, vous pouvez choisir librement de répondre à ces trois niveaux à la fois, et pas juste de réduire le jeu à un seul d'entre eux, en étant finalement pitoyablement chacun tout seul dans son corps, à vivre chacun en même temps une expérience personnelle et non partagée... Dès lors qu'au contraire, vous acceptez d'être simplement là, de laisser votre corps s'exprimer en relation à celui de l'autre, sans interférence de votre mental (qui croit savoir ce qui est bien, ce qu'il faut faire, etc...) vous êtes présent dans l'instant présent, sans tension mentale (mais avec une intense tension physique évidemment, sinon c'est qu'on parle d'un câlin plein de tendresse, mais pas de sexualité) et ouvert à toutes les éventualités.
    Cela ne veut pas dire que vous n'exercerez pas un choix, mais que vous n'avez pas d'idée préconçue, pas de schémas de pensée. D'ailleurs, il n'y a pas de pensée, l'engagement est d'une telle intensité qu'il ne peut subsister que des réflexes. Alors, il y a la possibilité de déployer son sentiment, et le mental étant à la fois mobilisé et concentré, tout en restant vide, l'esprit décide, instant après instant : j'arrête si nécessaire, là maintenant, ou bien je continue, et je me donne tout entier à ma partenaire, et je donne en particulier la grâce de recevoir d'elle, sans restriction... et sans attente non plus. Bref c'est un intense engagement : de l'esprit focalisé, du corps mobilisé et du cœur grand ouvert.
Bon, vous pouvez reprendre votre souffle, j'arrête avec ces évocations classées X. Quelqu'un de spirituel a dit en lisant cet article : "C'est de la masturbation intellectuelle". Pourquoi pas, chacun est libre de ses opinions et de ses expériences. Cela me fait penser aux enfants qui rient quand on dit le mot 'pipi' : certains s'affolent dès qu'on aligne plus de trois lignes, et qualifient d'intellectuel ce qui n'est que partage d'expérience. Ils sont peut-être mal à l'aise avec l'évocation de la sexualité, qui serait tabou. Mais ne sommes-nous pas entre adultes, pour oser réfléchir deux secondes et faire des liens entre deux sortes d'expériences intimes (l'amour et le coaching), afin de nous faire comprendre et d'avancer ensemble sur ce sujet ?

Il en va de l'insight comme de l'orgasme.

  • Il y a les coachs qui ne savent pas que cela existe, et qui font une bonne séance, mais tout seul, pendant que leur client réussit comme il peut à se satisfaire s'il est suffisamment positif et autonome pour faire son marché dans un étalage aussi pauvre.
  • Il y a les coachs qui "cherchent le point G"... Ils cherchent activement l'insight pour leur client. Plus ils sont actifs, plus leur client est passif, et plus l'insight s'éloigne. L'insight se produit quand le client est très engagé, on vient de le dire. Pas quand il se laisse mener par un coach expert (même un "expert de l'insight"...). Ceci dit, un coach expérimenté et doué, trouvera quand même le moyen de surprendre et de provoquer l'ouverture chez le client, même en n'étant que dans sa tête, à la recherche de je ne sais quel fantasme d'insight... Et parfois, cette ouverture pourra déclencher la prise de conscience.
    Mais cet instant magique survient de lui-même, au moment précis où le coach se sent débordé et reconnaît intérieurement son impuissance, au moment où il abdique de sa prétention à réussir, au moment où il cesse de "faire du coaching" pour être simplement là en tant que coach. Alors il peut y avoir soudain une opportunité pour le client de réussir lui-même sa séance, quand enfin cette sorte de coach "lâche l'affaire" et lui rend son espace de travail autonome.
  • Et puis, il y a les coachs qui ont compris qu'ils ne "provoquent rien" par eux-mêmes. Ce n'est définitivement pas le coach qui produit l'insight, malgré ses "provocations", ses impertinences, ses encouragements chaleureux, ses questions puissantes, ses silences respectueux et sensibles, etc... Le coach pourtant propose toutes ces interventions, c'est son boulot, on le paye pour ça. Comme un boulanger fait des pains, le coach fait du coaching.
    Et s'il est bon, il fait du bon coaching. Mais là, on parle d'un coaching de niveau 2, un coaching qui peut même ne pas être si bon (dans lequel il y a des erreurs de positions et des glissements de postures, même des gestes maladroits, éventuellement), mais qui provoque des transformations radicales, par des chemins de traverse parfois, sans contrôle (mais dans le meilleur des cas : avec maîtrise).
    Ce coaching de niveau 2 survient quand le coach se contente de cultiver des réflexes, mais intentions, sans se projeter dans un projet pour le client. Le coach accompagne, il ne dirige pas, il ne conduit même pas la séance, il ne porte pas le client, il n'est pas "collé au client", il s'ouvre au client, il entend et il répond (l'insolent !). Ces réponses, que le coach exprime sous forme de questions généralement, ne viennent pas d'une réflexion stratégique, d'une tactique consciente. Elles viennent à l'instinct. Après avoir beaucoup pratiqué et fait ses gammes, un coach expérimenté dépasse la technique, au profit de la simple présence à l'instant présent, qui est un "espace" depuis lequel une relation s'instaure, une confiance se tisse, un échange complice s'élabore...
    Le coach n'en est pas l'auteur, il n'en est que l'interprète, un des deux protagonistes de la pièce qui se joue à deux. L'intelligence à l’œuvre est une intelligence collective, qui émerge entre les deux, et qui n'appartient en propre ni à l'un ni à l'autre.
    Qui fait l'effet coaching ? Le coach fait "du" coaching c'est sûr. Le client réfléchit, s'il est engagé dans sa démarche. Et l'effet coaching survient - ou pas. Mais quand il est là, cet insight mythique, les deux sont sur le pont. Ils se promènent tous les deux comme dans une forêt dans le système de pensée du client, et soudain ils tombent tous les deux sur un coin à champignons, sur des framboises ou des fraises des bois !
    Un seul mot s'impose : youpi ! 
Mais, si c'est une grâce pour tous les deux, ce n'est pas le mérite d'un des deux. Ce qu'on sait, en revanche, c'est que si on se promène avec un professionnel qui a du flair, on trouve souvent des bons coins !
Dans un précédent article, j'avais déjà parlé de coaching spontané, quand cela se met à coacher à travers le coach...

Et quand le coach a un insight ?

Un coach peut avoir lui-même un insight, à propos de cette séance, pace que dans le fond quand "cela" travaille, cela travaille chez les deux partenaires en écho au sein du système. Il peut même le partager avec son client. Et cela va peut-être l'éclairer et l'enrichir, mais ce n'est pas pour autant forcément un insight pour le client (mais ça peut, et dans ce cas, c'en est une forme non négligeable). Mais dans ce cas, c'est souvent parce que le coach a ressenti dans son propre corps une émotion qui appartient au client. Alors, il renvoie le miroir au client, par réflexe professionnel, parce que cet écho systémique appartient à son coaching. 
Et puis le coach peut aussi avoir un insight pour lui-même et pas qu'en rapport au cas de son client. Dans ce cas, cette prise de conscience personnelle est peut être d'ordre privé. Mais si elle peut être partagée, pourquoi ne pas la célébrer avec le client que cela va probablement inspirer, et mettre sur la piste de quelque chose pour lui-même, parce que cet insight est un prémisse, une secousse, qui laisse en présager une autre... Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Tant que je gagne je joue. Quand l'effet coaching survient, il n'est pas urgent de le laisser repartir, même si cela brûle un peu...
D'ailleurs le coach choisira peut-être de ne rien dire tout de suite, pour encore mieux laisser venir. Et il ne dira qu'après, ce qu'il a vécu de son côté. Après tout c'est la séance du client, pas celle du coach !

Peut-il y avoir coaching sans insight ?

Les amis, peut-on faire l'amour sans orgasme, est-ce que ça vaut le coup quand même ? A chacun de voir... Ce qui est sûr c'est que tout un coaching de plusieurs séances, sans le moindre petit sursaut, le moindre petit frisson, est un coaching où il ne se passe rien. Mais un excellent coaching qui fait bouger les choses et progresser le client peut avancer discrètement, sans tremblement de terre. Un bon coaching peut parfaitement ne pas susciter d'insight visible. 

Pourtant il y aura eu des prises de conscience et des déclenchements. Sinon c'est un brave coaching de niveau 1 (Vous me direz : "1 sur 2 ce n'est déjà pas mal !"), incrémental, qui laisse le client dans son cadre de référence, ne lui procure aucune ouverture, aucune rupture dans sa vision, mais le porte juste un cran plus loin dans l'élaboration de son plan.
On vit cela parfois, quand le client n'est pas prêt à tout bousculer (peut-être qu'il vient de le faire avant de rencontrer le coach) et qu'il souhaite juste affuter quelques arguments, préparer quelques actes clés, assurer sa prise de poste sans être déstabilisé parce que ce n'est pas le moment de vivre une révolution, etc... C'est très légitime. 
Quelqu'un a dit : "le propre du miracle, c'est qu'il n'arrive pas tous les jours..." Cela paraît plein de bons sens, non ? Ainsi, l'insight n'est aps toujours au rendez-vous. Et c'est aussi normal que c'est sans importance.
Et puis il y a aussi le cas du client qui veut bien aller jusqu'à un certain point dans son coaching, mais qui n'est pas prêt à aller au-delà. Il se contentera de certains insights et préfèrera vivre les autres avec quelqu'un d'autre... C'est bien son droit. Le professionnel l'entend et le respecte. Il y a par exemple des aspects du sujet qui relèvent de la psychothérapie et pas du coaching. Et même si le coach pourrait parfois accompagner son client encore plus loin, ce ne serait plus le même contrat. 

Nous l'avons déjà dit à propos de sexualité (sans être un expert du thème) l'orgasme survient d'autant mieux qu'on y renonce. Il en va de même de l'insight en coaching : il survient - ou pas (cela n'a aucune importance) quand on ne le cherche pas. ... Mais il faut quand même accepter de l'accueillir !

Cette chronique prend sa source dans une conversation privée entre deux coachs, qui préparaient un module de formation sur l'insight en coaching d'équipe. L'un deux a dit : C'est un peu comme l'orgasme, l'insight n'est pas un truc que l'on déclenche sur commande, même si certaines conditions le favorisent et que certaines interventions le "provoquent" parfois..." De là en a découlé une comparaison qui nous a amusés et que je partage avec vous dans l'énergie, avant de passer à autre chose...