Intelligence économique : quel avenir pour le secret des affaires ?

Le secret des affaires pourrait bien être introduit en droit français dans les prochains mois. Le Parlement espère ainsi renforcer la protection des informations stratégiques des entreprises françaises en sanctionnant plus durement l’espionnage industriel.

La protection des informations stratégiques des entreprises est un sujet sensible : en dehors du droit de la propriété intellectuelle (droit d’auteur, brevet, droit des dessins et modèles, droit des marques), le patrimoine intellectuel des entreprises ne fait l’objet d’aucune mesure de protection générale.

Ainsi, le « secret des affaires » ne dispose pour l’instant d’aucune réalité juridique en droit français. Cette situation est donc paradoxale puisque les entreprises détiennent des informations de grande valeur (savoir-faire, fichiers clients, méthodes de distribution, propositions commerciales, organisations internes…) d’un point de vue interne mais également pour leurs concurrents.

Une volonté de réforme du secret des affaires

Depuis de nombreuses années, l’introduction d’un régime de protection général par le biais du secret des affaires est régulièrement souhaitée par le monde des affaires. Les pouvoirs publics n’y sont pas restés insensibles.
En 2011, une proposition de loi « visant à sanctionner la violation du secret des affaires » avait été discutée devant le Parlement sans que la procédure ne débouche sur un texte définitif.
Au niveau européen, la commission européenne a également rédigée une proposition de directive « sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées » en date du 28 novembre 2011, dont l’orientation générale a été validée par le Conseil de l’Union européenne au mois de mai 2014.
En parallèle, une « proposition de loi relative à la protection du secret des affaires » en date du 16 juillet 2014 a été déposée devant l’Assemblée Nationale et sera prochainement débattue devant le Parlement. C’est ce texte qui semble le plus à même d’être prochainement introduit en droit français, notamment dans le but d’anticiper la réforme en cours au niveau européen.

Le principe de secret des affaires

La proposition de loi consacre le principe de « secret des affaires » selon lequel « nul ne peut obtenir une information protégée au titre du secret des affaires en violation des mesures de protection prises pour en conserver le caractère non public, ni utiliser ou communiquer l’information ainsi obtenue ».
En outre, le principe de secret des affaires interdit également à quiconque d’« utiliser ni communiquer une information protégée au titre du secret des affaires sans le consentement de son détenteur duquel il l’a obtenue, de façon licite, directement ou indirectement ».

À défaut, la violation du secret des affaires constitue une faute civile exposant la responsabilité civile de son auteur. En pratique, l’entreprise victime d’une atteinte à des informations protégées par le secret des affaires peut donc obtenir l’indemnisation de son préjudice, notamment commercial, par le versement de dommages-intérêts.

Les informations protégées par le secret des affaires

Conformément aux attentes des entreprises, le secret des affaires devrait bénéficier d’un champ d’application très large.
Selon la proposition de loi, le secret des affaires devrait protéger « toute information » ne présentant pas un caractère public (en n’étant pas « connue ou aisément accessible à une personne agissant dans un secteur ou un domaine d’activité traitant habituellement ce genre d’information »), possédant une valeur économique (en étant « un élément à part entière du potentiel scientifique, technique, des intérêts commerciaux et financiers ou de la capacité concurrentielle de son détenteur ») et faisant l’objet de « mesures de protection raisonnables (…) pour en conserver le caractère non public » (nouvel article L. 151-1 du code de commerce).
Mieux, la protection du secret des affaires s’applique dès lors que « l’obtention, l’utilisation ou la révélation du secret des affaires a eu lieu ou risque de se produire en France », ce qui signifie que les contrats soumis à une loi étrangère ne peuvent y faire obstacle (nouvel article L. 151-6 du code de commerce).

L’atteinte au secret des affaires pénalement sanctionnée

Afin de garantir l’effectivité du secret des affaires, la proposition de loi souhaite renforcer le dispositif pénal actuel.
Ainsi, un nouvel article L. 151-8-I du code de commerce prévoit-il que « le fait pour quiconque de prendre connaissance ou de révéler sans autorisation, ou de détourner toute information protégée au titre du secret des affaires (…) est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende ».
Afin de lutter contre l’espionnage économique, une circonstance aggravante est également prévue lorsque l’infraction est « de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France » (nouvel article L. 151-8-II du code de commerce).