Négociations commerciales entre professionnels: enjeux pratiques de la réforme Hamon

La Loi Hamon du 17 mars 2014 avait pour objectif de renforcer la transparence des relations commerciales. Stephan Lesage-Mathieu et Caroline Blondel, avocats au cabinet GGV, relèvent quatre points névralgiques de la réforme dans la guerre des prix que se livrent fournisseurs et distributeurs, dix-huit mois après l’entrée en vigueur de la Loi.

1° Formalisme renforcé des négociations commerciales

La pratique consistant à imposer ses Conditions générales d’achat avait déjà été qualifiée par les Tribunaux de comportement créant un déséquilibre significatif sanctionnable. Les distributeurs ont alors cherché à cadrer les négociations par des formulaires contractuels pré-remplis, l’objectif affiché étant toujours de faire pression sur les prix. C’est dans ce contexte que le législateur a entendu imposer, par un renforcement du formalisme, la mise en œuvre de réelles négociations entre les parties. Les Conditions générales de vente, socle unique de la négociation commerciale, doivent être communiquées par le fournisseur désormais avant le 1er décembre de chaque année, et les étapes de la négociation retracées dans un document appelé « convention unique » soumis au contrôle de l’Administration. En l’absence de négociation, les clauses contraires des Conditions générales de vente et des Conditions générales d’achat s’annulent et laissent place à l’application du droit commun.

2° Pas d’obligation de convention unique dans les contrats internationaux

Les derniers avis de l’Administration française suggèrent que les dispositions régissant la convention unique s’imposeraient dès lors que le contrat a un effet sur la revente de produits en France, même si l’un des cocontractants se situe à l’étranger. Une telle position nous paraît contestable car elle prive d’efficacité le choix d’une loi étrangère par les parties pour régir leur contrat. Il est loin d’être acquis en droit européen que les dispositions sur la convention unique doivent « impérativement » régir la situation ou être qualifiées de « loi de police » dont le respect serait jugé « crucial » pour la sauvegarde des « intérêts publics » pour reprendre la terminologie des Règlements européens. Le dispositif de la Loi Hamon porte sur l’analyse concrète d’une relation BtoB particulière et édicte un formalisme encadrant des intérêts privés. Le texte de la nouvelle Loi lui-même n’empêche pas les parties de prévoir l’application d’un autre droit à leur contrat international et de s’opposer à l’application automatique de la Loi Hamon. Elles peuvent au demeurant tout aussi bien soumettre leur contrat à une juridiction étrangère.

3° Date d’entrée en vigueur des conditions financières

La date butoir d’entrée en vigueur du prix convenu par les parties reste fixée au 1er mars. De plus, la Loi exige la concomitance de l’entrée en vigueur d’une part du tarif convenu et d’autre part des réductions de prix, de la rémunération des services de coopération commerciale et de la rémunération des services distincts. En pratique, la date du 1er mars et la concomitance posent la question de l’application rétroactive, au 1er janvier par exemple, des conditions négociées. D’après une note de la DGCCRF d’octobre 2014, il est possible de procéder à une dissociation entre la date de signature de la convention unique et la date d’entrée en vigueur des clauses commerciales applicables à la détermination du prix, et donc de prévoir une rétroactivité de ces clauses. Cependant, les conditions précises permettant de prévoir une date d’entrée en vigueur des conditions financières convenues antérieure à la date de signature de la convention unique sont sujettes à interprétation.

4° Effets des nouveaux pouvoirs d’intervention de l’Administration 

Dans une recherche d’une plus grande effectivité de la règlementation, la loi Hamon renforce les pouvoirs d’enquête et de sanction de l’Administration. A titre d’exemple, les agents de la DGCCRF peuvent dorénavant se présenter dans les locaux professionnels entre 6h et 21h et exiger la communication de documents professionnels. L’Administration peut prononcer des amendes administratives pouvant atteindre 375.000 €, exigibles immédiatement, et décider de publier sa décision. Ces sanctions dissuasives peuvent être doublées en cas de réitération des manquements. Pour ne pas exclure les possibilités de transaction avec l’Administration, la société contrôlée aura tout intérêt à coopérer à l’enquête.