Non, CNN et le Wall Street Journal n'ont pas peur de se faire plateformiser

Non, CNN et le Wall Street Journal n'ont pas peur de se faire plateformiser Les deux médias n'hésitent pas à investir Facebook ou Snapchat, à la recherche d'une audience plus jeune, de revenus supplémentaires et d'un apprentissage des nouveaux usages.

Alors qu'en France des médias comme Le Monde ou Le Figaro résistent encore à la tentation de la plateformisation, on affiche moins de complexes de l'autre côté de l'Atlantique. En témoigne l'exemple de deux institutions, CNN et le Wall Street Journal, qui multiplient désormais les expérimentations sur Instant Articles de Facebook ou Snapchat Discover.

Parmi les premiers à tester ces formats, les deux médias US font preuve d'un pragmatisme plutôt décomplexé. "Certains de nos lecteurs vont sur notre site, sur nos applications ou nous regardent à la télévision. D'autres n'auront pas ce réflexe", justifie la directrice du social media chez CNN, Samantha Barry. Charge donc à CNN d'aller les chercher là où ils passent le plus clair de leur temps : les applications de messagerie instantanée et les plateformes sociales. "Et tant pis s'ils ne viennent pas chez nous !"

La chaîne d'information compte près de 22 millions de fans sur Facebook et poste déjà près de 50% de ses contenus sur Instant Articles. Le reste est composé de liens "traditionnels" et… de vidéos natives autoplay, elles aussi hébergées directement au sein de Facebook. "Nous voulons devenir le numéro 1 de l'information sur mobile et en vidéo. Il nous faudra donc poster toujours plus de contenus natifs", prophétise Samantha Barry.

Même enthousiasme du côté du Wall Street Journal où Kristin Heitmann, la vice-présidente des partenariats de la maison mère, le groupe Dow-Jones, confie évaluer toutes les nouvelles opportunités de distribution de contenu. Pour cela, elle arbitre à partir d'indicateurs de performance tels que "la possibilité de toucher une nouvelle audience, de générer du revenu publicitaire incrémental ou encore de convertir de nouveaux abonnés". Sur Facebook et Snapchat, elle a l'assurance de remplir le premier. Elle espère que l'expérience lui donnera également l'occasion d'atteindre les deux autres.

Des CPM Facebook similaires à ceux du site

Le quotidien économique est en revanche plus timide que CNN, avec à peine 2% de ses contenus postés via Instant Articles. "Essentiellement du contenu tech en affinité avec l'audience, avec des taux d'engagements et de reach légèrement supérieurs au format standard", nous assure la directrice des médias émergents du Wall Street Journal, Carla Zanoni.

Même constat pour les CPM qui sont identiques à ceux obtenus depuis le site, quand bien même Facebook ne permet pas au Wall Street Journal d'y instiller sa data. "Un résultat que nous prenons avec des pincettes car il s'agit d'une initiative vraiment à la marge pour le moment", nuance Kristin Heitmann.

Mais l'envie de bouger les lignes est là du côté du quotidien économique, avec notamment une newsroom qui réfléchit en continu aux nouveaux modes de consommation sur mobile. En particulier Snapchat Discover qui lui permet de toucher une audience plus jeune. "Dont une partie sont nos futurs abonnés ", analyse Kristin Heitmann.

Côté audience, les résultats que le Wall Street Journal ne peut contractuellement pas communiquer sont "satisfaisants", selon ses responsables. "L'augmentation du trafic suite à la diffusion d'une Story est en revanche anecdotique.  Snapchat reste un univers cloisonné, dépourvu de liens sortants. Côté publicité, Kristin Heitmann n'est pas beaucoup plus diserte. "Ça va bien", se contente-t-elle d'affirmer.

Une transition sans accroc vers le mobile

Chez CNN comme au Wall Street Journal, on évoque une "relation très profitable" qui permet une "transition sans accroc vers un nouveau paradigme mobile". "Snapchat nous apprend à construire des contenus à fort potentiel de viralité et à faire de véritables animations éditoriales ou graphiques", illustre Kristin Heitmann. Des compétences que le média met désormais en application au sein de son application "What's News" où se multiplient les formats verticaux pensés pour le mobile.

Du côté de CNN, on évoque "une vraie courbe d'expérience et de nombreux tests pour trouver la bonne formule sur Discover". Le quotidien avait commencé par une édition du soir, avant de basculer sur une édition matinale, à 8 heures (heure de New York), et des éditions spéciales lorsque l'actualité le justifie.

De quoi nourrir en tout cas l'appétit d'un groupe qui s'est également lancé sur Messenger, Line et Kik où son bot est déjà opérationnel. "Nous croyons beaucoup à l'essor de la communication peer-to-peer avec un lecteur qui interagit avec le média et partage ensuite ce qui l'a marqué", confie Samantha Barry. Près d'un mois après le lancement de son bot Messenger, le groupe a révélé que les utilisateurs passaient en moyenne deux minutes à interagir avec lui à chaque connexion.

Sur Line, où l'information ne se structure plus uniquement en texte, mais aussi en image et en stickers, ils sont plus de 400 000 à avoir téléchargé le bot depuis avril. Et CNN planche déjà sur l'étape d'après, avec une mécanique d'interaction basée sur la voix, qui pourrait être déployée au sein de Messenger mais aussi via Siri ou Alexa.

Autant d'investissements "hors plateformes propriétaires" qui peuvent interpeller de la part d'une marque aussi forte que CNN. N'a-t-elle pas peur de se diluer chez les autres et de perdre la relation qui la lie à son audience ? "Il ne s'agit pas d'aller contre le vent et de rester dans notre coin", tranche une Kristin Heitmann qui ne perd pas toute méfiance. "Nous sommes bien évidemment attentifs à la nature de notre relation avec ces plateformes et à son évolution. Il est important d'assurer l'équité de la relation de distribution."

Et  de Messenger à Snapchat, les plateformes pourraient être obligées de proposer aux médias des conditions de distribution et de rémunération attractives. Car la concurrence est rude entre elles pour attirer l'attention du mobinaute. Et le meilleur moyen de le fidéliser sera de lui proposer un maximum de services et contenus de qualité. Un domaine où les médias excellent.

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