A quoi sert, concrètement, le Machine Learning aujourd'hui en France

A quoi sert, concrètement, le Machine Learning aujourd'hui en France L'apprentissage automatique n'est pas réservé aux ténors du logiciel, mais peut être utile à des entreprises de divers secteurs. Un spécialiste raconte les cas réels sur lesquels il a travaillé.

Outre-Atlantique, les poids lourds du logiciel ne jurent plus que par ça : le machine learning, ou l'apprentissage automatique. Une forme d'intelligence artificielle qui est sur toutes les lèvres là-bas, s'invitant dans les annonces et les solutions de Google, IBM ou Microsoft. Pourtant, l'apprentissage automatique n'est pas réservé à leurs produits, et peut tout à fait être utile dans d'autres secteurs, et pour des entreprises de moindre envergure, voire des PME.

Eric Biernat et Michel Lutz viennent de publier un ouvrage sur le machine learning. © Eyrolles

Pour preuve, voici des cas bien réels, sur lesquels a travaillé Eric Biernat, directeur Big Data Analytics chez Octo Technology et auteur, avec son collègue Michel Lutz, d'un livre sur le machine learning qui cartonne actuellement chez Eyrolles. 

Prédire qu'un client va quitter sa banque

La première étape d'un projet de machine learning consiste à rassembler le maximum de données. Parfois, un client peut être associé à des centaines d'informations appelées variables (son âge, son adresse, son historique…). La "machine" va ensuite devoir "apprendre" à partir de toutes ces données : le modèle va ainsi être entrainé avec des centaines de milliers de clients et leurs variables, afin d'en comprendre la logique. Une fois sa robustesse testée et validée, le modèle devra pouvoir réaliser des prédictions - un score de confiance est souvent associé à la prédiction.

C'est cette méthode, classique, de machine learning qu'a suivie Eric Biernat pour mettre en place chez une banque un système d'apprentissage automatique, promettant de prédire les clients qui devraient bientôt quitter cette banque. Le modèle a été entrainé afin qu'il puisse comprendre les combinaisons de variables qui sont les plus susceptibles de précéder le départ du client pour une autre banque.

Détecter ceux qui peuvent changer leur assurance vie

Les épargnants choisissent bien souvent les placements les plus sécurisés, mais certains profils sont plus enclins à accepter de prendre plus de risques, pour tenter d'avoir un meilleur rendement. Le machine learning permet de détecter ces profils. "C'est en place, mais cela ne pourrait être qu'une première étape, la deuxième consisterait à savoir grâce au machine learning comment contacter ces épargnants pour augmenter l'efficacité des campagnes", commente le spécialiste d'Octo.

Le machine learning permet de savoir à l'avance les dossiers qu'il faut accepter

Ecourter le délai d'acceptation des assureurs

Après un sinistre, il peut se passer plusieurs semaines avant que l'assurance accepte de couvrir un dossier, parfois après avoir envoyé des experts sur place. Or, cette inertie et ces dépenses peuvent revenir cher à la société d'assurance. Le machine learning permet de savoir à l'avance les dossiers qu'il faut accepter, et promet ainsi de faire gagner du temps. "C'est sûr, ce sont des frais de gestion qui sont économisés, mais l'assureur en question a rapidement voulu mettre l'accent sur la satisfaction client, et profiter d'un bel effet de communication, en annonçant qu'avec son entreprise, les victimes de sinistres pouvaient être pris en charge en moins de 24 heures", se souvient  Eric Biernat.

Mieux contrôler les bénéficiaires sur les assurances vies

De graves irrégularités ont pu être constatées dans la manière de gérer les bénéficiaires des assurances vie. En conséquence, des amendes très salées ont d'ailleurs pu être infligées à certains acteurs de ce secteur. C'est souvent une clause mal renseignée qui est à l'origine de nombreux problèmes. L'apprentissage automatique, mais aussi le traitement du langage naturel, ont pu être employés pour détecter et résoudre certains de ces problèmes. "En fait, il s'agissait dans un premier temps d'indiquer si la clause était conforme, et le cas échéant, dans un deuxième temps, de donner la raison pour laquelle la clause n'était pas conforme", précise l'expert d'Octo.

Les exemples cités plus haut montrent bien que le secteur des banques et des assurances est visiblement gourmand, et avancé, en matière de machine learning. Mais ce n'est pas le seul à avoir recours à l'apprentissage automatique. Le directeur Big Data Analytics d'Octo évoque d'autres cas, dans d'autres secteurs.

Sur le web, prévoir l'abandon de panier ou personnaliser le contenu sont désormais des classiques

Eviter les retours courriers "NPAI"

Les adresses qui confondent rue et avenue, ou celles des personnes qui ont déménagé, génèrent des courriers qui reviennent avec la mention NPAI pour "n'habite pas à l'adresse indiquée". Ces adresses peu fiables coûtent cher, et le machine learning est capable de les détecter aussi. Le système pourra produire une liste d'adresses à laquelle il n'est pas conseillé d'envoyer le courrier.

Détecter un problème technique empêchant l'avion de redécoller avant même qu'il ait atterri

La collecte de certaines données en vol permet à un système de machine learning actuellement en place de savoir qu'un avion va devoir rester au sol, et cela, avant même qu'il ait atterri ou qu'il ait été inspecté.

Différencier le native ads du contenu non publicitaire

Dans le cadre d'un concours, il fallait réussir, à partir d'une simple page web, c'est-à-dire du code HTML, à détecter si le contenu était publicitaire ou non. Une différence qui peut être difficile à faire aujourd'hui avec le native ads, qui doit faire passer du contenu promotionnel comme du contenu journalistique classique. "Nous avons réussi à mettre au point le système qui a réussi à détecter le native ads dans 98,9% des cas" explique le datascientist d'Octo, dont l'équipe a fini 3e avec ce score déjà impressionnant.

Détecter un futur contentieux avant même l'achat en ligne

Le machine learning peut être facilité sur le Web, car les traces et les données laissées en ligne sont très nombreuses. "Mais prévoir l'abandon de panier avant l'achat, ou optimiser la personnalisation du contenu sont désormais des classiques, déjà bien connus", et Eric Biernat préfère parler d'une autre mission. Elle lui a récemment permis de mettre en place un système chez un e-commerçant qui sait, avant même que la transaction soit terminée, que le client identifié a de très fortes chances d'aller au contentieux. "A ce client-là, il ne faut pas proposer le 4 fois sans frais", commente-t-il.

Sur l'ensemble de ces cas, il admet toutefois un bémol ; "parfois nous ne savons pas bien expliquer pourquoi telle personne a été identifiée, pourquoi elle a de grande chance de bientôt quitter la banque, ou pourquoi la prédiction va marcher. C'est d'ailleurs la différence avec ce que l'on faisait auparavant : on savait très bien expliquer les raisons, mais la prédiction était moins fiable".