Comment Microsoft ouvre Office pour en faire une plateforme incontournable

Comment Microsoft ouvre Office pour en faire une plateforme incontournable API, SDK, bots… Microsoft multiplie les annonces pour ouvrir sa suite aux applications tierces. Et faire d’Office 365 une fenêtre universelle où convergent les flux d’activité.

Dès son arrivée à la tête de Microsoft, Satya Nadella l'avait annoncé. Son objectif est de transformer Office en une plateforme universelle, disponible sur tous les terminaux, et mise au service de la collaboration. Près de deux ans plus tard, cette politique d'ouverture à l'écosystème des développeurs prend forme. Dans le sillage de la conférence Build 2016 qui s'est tenue fin mars-début avril, les annonces s'enchaînent.

La firme de Redmond vient ainsi d'officialiser Flow, une alternative à IFTTT. A l'instar des règles d'Outlook, ce service permet d'automatiser des tâches selon des scenarii prédéfinis. Un document arrive sur mon Dropbox, je reçois alors une alerte mail. Ou je génère une "to-do-list" sur Wunderlist pour chaque mail urgent reçu de mon supérieur hiérarchique. Un bon nombre de templates Flow sont déjà disponibles - faisant par exemple interagir Office 365 avec des applications comme Twitter, Slack, MailChimp, GitHub, ou Salesforce. Flow est une des briques de PowerApps, un outil Microsoft qui permet de créer des applications métier sans écrire une ligne de code.

Des connecteurs pour lutter contre Slack et consorts

Microsoft a aussi lancé la version finale des connecteurs pour les Office 365 Groups, ces espaces de travail où des collègues peuvent partager e-mails, conversations, fichiers ou événements. Plus de 70 connecteurs – et la liste s'allonge - permettent de s'interfacer à des services extérieurs comme Trello, Jira, Asana ou Zendesk.

Une politique d'ouverture pour mieux lutter contre les nouveaux outils de collaboration temps réel

Pour Bastien Le Lann, responsable du pôle d'analyse et création du cabinet Lecko, ces connecteurs permettent d'agréger des flux, à la fois synchrones et asynchrones. Ils amènent aussi de la productivité tout en permettant de rester dans l'univers Microsoft. "Ce concept de 'digital workplace' est bon moyen de résister à l'approche 'best of breed'. Office 365 Video, par exemple, n'est pas forcément le meilleur outil dans son domaine."

La connexion d'Office à d'autres applications est aussi, selon Bastien de Lann, un bon moyen de lutter contre les nouveaux outils de collaboration temps réel comme Slack, HipChat ou talkSpirit qui tirent justement leur force du grand nombre de connecteurs recensés sur leurs places de marché.

 Office 365 Groups offre plus de 70 connecteurs conçus pour intégrer Office avec des applications tierces. © Office 365

Avec le Graph, l'utilisateur devient "augmenté"

La Build 2016 a aussi permis d'en savoir plus sur Microsoft Graph, une interface de programmation connue auparavant sous le nom d'Office 365 Unified API. Un changement de nom révélateur car il dépasse le périmètre d'Office 365. Avec ce graph, il s'agit de fournir à des éditeurs tiers, et notamment à des spécialistes du CRM, les données sur l'ensemble des interactions qui se tissent entre les individus d'une organisation au sein d'Office, pour aller au-delà de la gestion d'identité (nom, prénom, fonction, appartenance à un service…).

Microsoft garde
la main sur son Graph

"Un manager pourra connaître les derniers collaborateurs qui ont travaillé, par exemple, sur le compte Total sans forcément qu'ils fassent partie de son entité ou de sa zone géographique", illustre Pierre Lagarde, responsable de l'équipe d'évangélistes Windows Client et Web chez Microsoft France, qui évoque le concept d'"utilisateur augmenté". Le portail Delve de Microsoft qui offre à l'utilisateur une vue personnalisée de l'information en agrégeant l'actualité qui le concerne bénéficie de cette technologie.

L'Office Graph fournit une vision des relations entretenues par l'utilisateur avec ses collègues, en termes de tâches, de contenu partagé...     © Capture Microsoft

Bastien Le Lann regrette, pour sa part, que Microsoft garde la main sur le Graph alors qu'il représente le capital social de l'entreprise. "Microsoft s'interface avec des applications d'autres éditeurs et en même temps nourrit le cloisonnement pour rester dans son environnement applicatif. La position se justifie d'un point de vue économique. Il s'agit d'ouvrir la plateforme tout en maintenant une forme dépendance", analyse l'expert.

Skype, le porte-étendard de la politique d'ouverture

Dans la même volonté d'étendre son écosystème, Microsoft a dévoilé deux nouveaux kits de développement (SDK) pour Skype. Le Skype Web SDK permet d'intégrer l'outil de communications unifiées sur un site web afin d'en faire un canal de relation-client (chat, appel audio et vidéo) via le protocole WebRTC. Encore en préversion, Skype for Business App SDK permet, lui, aux développeurs d'embarquer en mode natif les fonctionnalités de Skype dans leurs applications mobiles sous iOS ou Android. Dans l'exemple donné par Microsoft, une application met en relation un patient avec une équipe de médecins (voir capture).

Comme Facebook, Microsoft voit des bots partout

Enfin, devançant de peu les annonces de Facebook, Microsoft en a dit plus sur sa stratégie en matière de bots. Egalement en préversion, Skype Bot Platform vise à introduire des bots dans Skype comprenant les messages écrits et, à l'avenir, les conversations audio et vidéo - en faisant appel à l'intelligence de Cortana, l'assistant personnel maison.

 Avec le Bot Framework, Microsoft propose aux développeurs de concevoir leurs propres bots.  © Capture JDN

Plus prometteur encore car multiplateformes, le Bot Framework propose aux développeurs de concevoir leurs propres bots fonctionnant dans Skype, Slack, GroupMe, Telegram, Facebook Messenger, ou dans un simple flux texte (e-mail dans Office 365, SMS...). Ce framework devrait être finalisé d'ici la fin de l'année.

Multingues, ces agents conversationnels font appel au moteur d'interprétation sémantique Luis (Language Understanding Intelligent Service) et aux technologies du machine learning. Avec la possibilité de donner la main à un humain quand la requête n'est pas comprise. Dévoilé lors de la Build 2016, le bot de Domino's Pizza permet de commander une pizza, règlement inclus, si la formulation ne prête pas à interprétation sur l'intention ou la localisation (voir vidéo).

Pierre Lagarde croit beaucoup à l'utilisation de ces bots dans les messageries d'entreprise. "Via ce canal, un salarié pourrait par exemple demander en langage naturel le nombre de jours de congés qu'il lui reste sans avoir à interroger la DRH. Ou encore se voir indiquer les profils proches du sien pour un déjeuner le midi", explique l'évangéliste de Microsoft. Pour avoir une idée plus précise de tous ces services, la plupart en bêta, il faudra attendre septembre et la tenue des sessions Ignite à Atlanta.

Des annonces qui pourraient dérouter les DSI

En attendant, Bastien Le Lann chez Lecko salue les efforts d'ouverture de Microsoft mais s'interroge sur la perception qu'en auront les entreprises. "Microsoft nous a habitué à sortir, tous les ans, de nouveaux modules ou fonctionnalités qu'il suffisait de déployer. Via cette nouvelle logique d'intégration et d'ouverture, il offre du potentiel pour améliorer les process métiers", constate le consultant. "C'est plus difficilement décryptable pour un DSI. Il n'est pas armé pour une telle approche et devra se rapprocher des métiers pour en percevoir l'enjeu."