MariaDB, la base de données SQL qui défie Oracle

MariaDB, la base de données SQL qui défie Oracle Lancé en 2009, le serveur relationnel open source connaît une popularité croissante. Il se positionne avec succès sur les problématiques cloud et big data.

Son nom donne des sueurs froides à Oracle, le géant des bases de données. Disponible pour les principales distributions Linux (Ubuntu, Debian, Red Hat, Suse…), le système de gestion de base de données relationnelle (SGBDR) open source MariaDB compte 60 millions d'utilisateurs dans le monde. Wikipedia et Google, pour ne citer qu'eux, ont fait le choix de migrer de MySQL à MariaDB. En France, plusieurs marques de renom (BlaBlaCar, Ingenico, De Particulier à Particulier, Pierre & Vacances) ont été séduites par ses performances.

Dans le classement des bases de données les plus populaires établi par DB Engines, MariaDB a gagné trois places en 2017, et se hisse désormais au 17ème rang du palmarès. Dans le même temps, MySQL, sa "grande sœur", voyait, elle, sa popularité s'éroder , tout en restant tout de même la base de données relationnelle open source la plus utilisée au monde. Editée sous licence GPL, MariaDB a été créée à partir du code source de MySQL. Ce "fork" a d'ailleurs été développé par d'anciens de MySQL, inquiets des velléités commerciales d'Oracle qui avait récupéré le célèbre SGBDR open source lors du rachat de Sun Microsystems en 2009. Le projet MariaDB est mené par Michael "Monty" Widenius. Cet informaticien finlandais était également l'un des principaux développeurs de MySQL. Les deux bases de données portent d'ailleurs les prénoms de ses filles : My et Maria.

La gouvernance du projet est assurée par la fondation MariaDB et son importante communauté. Parmi ses principaux contributeurs, on retrouve Facebook, Booking.com ou les Chinois Tencent et Alibaba. Le support et la distribution des versions Entreprise du serveur de données sont, eux, assurés par la société MariaDB Corporation (ex-Monty Program AB). Si Michael "Monty" Widenius reste son directeur technique (CTO) et son siège social demeure basé en Finlande, le centre de gravité de la société s'est, lui, déplacé vers les Etats-Unis et plus particulièrement à Menlo Park, en Californie, où l'éditeur a implanté son siège américain.

54 millions de dollars levés en 2017

En janvier 2016, un autre Michael a pris la tête de MariaDB Corporation. Ancien d'Information Builders, d'Oracle et d'EMC, Michael Howard a un profil moins "open source" que le fondateur de MariaDB. Avec lui, la société a connu un changement de management mais aussi un changement de dimension. Après un tour de table de 9 millions de dollars réalisé en 2016 (auprès d'Intel Capital et de California Technology Ventures), l'entreprise bouclait en 2017 deux levées de fonds massives. En mai dernier, elle obtenait un financement de 27 millions de dollars de la part de la Banque Européenne d'Investissement (BEI). En novembre, elle levait la même somme dans le cadre d'un tour de financement largement dominé par Alibaba.

Une stratégie multicloud combinant Alibaba Cloud, AWS et Microsoft Azure, 

La présence d'Alibaba au capital de MariaDB Corporation n'a rien d'un hasard. Dans sa stratégie orientée cloud, MariaDB s'est rapprochée de l'activité cloud du géant chinois de l'e-commerce (Alibaba Cloud). Sa base de données peut s'y déployer dans une approche de cloud hybride. Mais MariaDB est également supportée par les plateformes de Microsoft Azure et d'Amazon Web Services (AWS), par le biais du service Azure Database for MariaDB pour le premier et via Amazon RDS pour le second. MariaDB a aussi noué un partenariat avec IBM en vue d'optimiser sa base de données pour les serveurs Power System du groupe américain.

MariaDB s'adapte par ailleurs aux architectures de type big data. Son moteur de stockage Spider permet notamment de partitionner de grandes tables de base de données afin de les répartir sur plusieurs serveurs distants. Dans la même logique, MariaDB a annoncé début 2017 le support de MyRocks, le moteur de stockage développé par Facebook qui, en assurant une compression des données sans altérer les performances en écriture et en lecture, a permis au réseau social de diviser son infrastructure par deux.

Côté Analytics, MariaDB propose une solutions dédiée à l'analyse haute performance (MariaDB AX) aux côtés de son outil au service des systèmes transactionnels (MariaDB TX). Directement concurrent de proxySQL, MaxScale est un proxy qui route le trafic de manière intelligente. "Fork" d'InfiniDB, ColumnStore est, lui, un moteur de stockage orienté colonnes taillé pour l'exécution de requêtes distribuées et le chargement de données massivement parallèle. Enfin, MariaDB a été dotée d'une surcouche (baptisée Galera Cluster) qui permet de mettre en place un cluster de base de données auto répliquant et hautement disponible. 

On le voit, MariaDB vient taquiner le monde des bases NoSQL apparu pour répondre aux problématiques du big data. Pour Stéphane Varoqui, architecte produit et cofondateur de Signal18.io, MariaDB profite de la retombée du soufflé du NoSQL. "Passé l'effet nouveauté, les entreprises rencontrent des limites en matière de performance et de dimensionnement des infrastructures. D'autres tentatives par le passé ont été tentées avec les bases XML ou les bases orientées objets. Mais rien ne vaut les bases structurées et la consistance du transactionnel", constate l'expert. La baisse du coût du stockage sur disques flash participe, selon lui, à ce retour en force des SGBDR.

Changement de licence

MariaDB Corporation continue aussi à développer son fonds de commerce. A savoir : son opposition au monde Oracle. Certes, l'éditeur ne cible pas le SGBDR payant Oracle Database (qui reste souvent incontournable pour gérer des bases volumineuses et critiques), mais bien MySQL. Les migrations depuis ce dernier sont d'ailleurs largement facilitées par le fait qu'il partage avec MariaDB le même noyau et qu'une compatibilité est assurée entre les versions.

"MariaDB repose sur une vraie communauté avec des revues de code en équipes"

Pour Stéphane Varoqui, MySQL et MariaDB répondent à des philosophies différentes. "Les ingénieurs de MySQL sont très bons, mais travaillent dans leur coin et poussent leurs livrables d'un bloc tous les trimestres. MariaDB repose, elle, sur une vraie communauté avec des revues de code en équipes", argue le cofondateur de Signal18.io. Dans la logique open source, MariaDB publie tous les bugs et communique sur ses plans de développement.

Reste que cet état d'esprit pourrait être remis en cause. Intervenu en août 2016, le changement de licence de MaxScale (à l'occasion de la sortie de sa version 2), de GPL à BSL (Business Source Licence) a été mal vécu par la communauté. Cette licence limite l'usage du proxy à trois serveurs de bases de données. Au-delà, l'utilisateur doit passer à l'offre payante. Après un délai de trois ans, BSL rebasculera en GPL.

Comme tout éditeur open source, MariaDB est confronté à la difficulté de monétiser ses services. La base de données devenant une commodité, la société tente ainsi d'aller chercher l'argent là où il est, auprès des acteurs du cloud et sur le segment des grandes entreprises. Un créneau que tente également d'occuper Percona. Créé en 2006, cet éditeur qui propose une autre variante de MySQL est particulièrement bien implantée aux Etats-Unis.