Entretien avec Mark Hurd, le PDG d'Oracle

Entretien avec Mark Hurd, le PDG d'Oracle Nous avons eu une conversation étonnamment divertissante avec le DG d'Oracle, Mark Hurd. Voici ce qu'il nous a confié.

En septembre, quatre ans après avoir rejoint Oracle, Mark Hurd est devenu PDG, un poste qu'il partage avec l'autre PDG du groupe, Safra Catz, directrice financière de longue date. Au passage, il nous a été précisé explicitement que l'intitulé de leur poste n'était pas "co-PDG" mais simplement "PDG". C'est le troisième poste de PDG obtenu par Mark Hurd, au cours de sa longue carrière. Nous l'avons rencontré au siège d'Oracle à Redwood pour parler de son parcours. (Voici d'autres anecdotes sur le parcours et le style de management de Mark Hurd chez Oracle.)

L'homme que nous avons rencontré était à la fois joyeux, dur et drôle. Il est franc et vous n'aurez jamais à deviner ce qu'il pense. Il a fait des blagues tout le long de notre conversation, dont la plupart furent précédées des mots "en off". Nous avons bien sûr respecté ces confidences. (Nous partagerons ici ce que nous pouvons, ce qui donne déjà un bon aperçu de notre conversation)

Il a pris position sur beaucoup de questions, et est absolument pas gêné de les exprimer avec son accent très marqué de la côte Est, même s'il préfère ne pas en partager certaines publiquement. Nous avons dû lutter avec lui sur ce point (quelque chose que vous comprenez très vite à propos de Mark Hurd: il ne fait rien qu'il ne veut pas faire).

Beaucoup de ses histoires personnelle dressent le portrait d'un homme qui adore la compétition, et la gagner : un trait de personnalité qu'il partage avec Larry Ellison, le fondateur d'Oracle. Il semble cependant ouvert à la critique constructive. Il nous a même demandé notre avis sur les articles et billets de blog qu'il écrit, et a très bien pris nos remarques qui, pourtant, n'étaient pas forcément dithyrambiques.

Voici la transcription, très légèrement adaptée, de notre conversation.

Business Insider. Vous êtes un homme de famille, n'est-ce pas ? Mari, père ? Parlez-nous de votre famille ?

Mark Hurd. J'essaye de protéger ma famille autant que possible. J'ai deux filles, l'une a tout juste la vingtaine et vient d'obtenir son diplôme universitaire, et l'autre est adolescente et vient d'entrer à l'université. Ce sont des enfants géniaux et leur père les aime. J'ai une femme qui est une excellente mère.

Depuis combien de temps êtes-vous marié ?

Bientôt 25 ans.

Est-ce votre premier mariage ?

Je dirais que ce sont les enfants du premier mari de ma femme.

Mais sont-ils de la première femme du mari de votre femme ?

[Rire] Oui.

Il me semble que votre niveau au tennis vous a permis d'obtenir une bourse d'étude pour aller à l'université de Baylor, une école chrétienne. Parlez-moi de votre enfance ?

J'ai grandi à New York et j'ai déménagé en Floride au lycée. J'étais en seconde quand j'ai commencé à jouer au tennis. Et je n'étais pas très bon. J'y ai joué tous les jours depuis mon arrivée en Floride jusqu'à mon départ. Et j'ai progressé tous les jours, jusqu'à obtenir une bourse d'étude. Au début, je faisais peu de compétitions. Je suis ensuite passé au circuit lycéen national.

Etiez-vous classé ?

J'étais dans les dix meilleurs de l'Etat de Floride, qui était meilleur que l'Etat de New York. J'étais assez bon pour obtenir des bourses d'études de la plupart des bonnes universités de tennis, à l'exception des meilleures. A l'époque, USC, UCLA et Stanford constituaient l'élite du pays en termes de tennis universitaire, et Baylor était très bonne. Aujourd'hui, Baylor possède le meilleur département de tennis du pays.

C'est en grande partie grâce à vous. [Mark Hurd fait partie du conseil d'administration de l'université de Baylor et a été tellement généreux envers son département de tennis qu'il a été décidé de donner son nom au bâtiment de ce département.] Rêviez-vous de passer pro ?

Oui, bien sûr.

Pourquoi ne pas l'avoir fait ?

La raison est simple, je n'étais pas assez bon. A la sortie de l'université, je battais de très bons joueurs, mais j'étais pas assez bons pour devenir un [Roger] Federer, et être le meilleur. Mettons que j'étais assez bon pour faire des tournois pendant dix ans. J'aurais mis fin à ma carrière vers 31 ou 32 ans, avec une famille. Je n'aurais pas eu d'autres expériences professionnelles. Ma capacité à me ré-immerger [dans le monde des affaires NDLR] en commençant par le bas de l'échelle, aurait été juste très difficile. C'est difficile de réintégrer le monde du travail.

Vous êtes donc quelqu'un de réaliste ?

Lors de ma dernière année à l'université, je me suis forcé à faire le point, et à décider si j'étais assez bon pour me hisser au top niveau [dans le milieu du tennis]. J'ai donc participé à quelques tournois professionnels juste après l'université. Mais être "correct" une fois, puis "correct" à nouveau n'est pas suffisant pour y parvenir. Je suis donc allé chercher du travail. Et c'est comme ça que je me suis  retrouvé chez NCR.

[Note: Mark Hurd a passé 25 ans chez NCR, gravissant les échelons, de simple vendeur jusqu'à PDG. Il fut embauché par HP pour devenir PDG en 2005]

Quel était le métier de vos parents ?

Mon père travaillait dans le secteur financier.

Avez-vous grandi fortuné ? Classe moyenne ? En difficulté ?

Ça allait bien pour nous.

Vous êtes toujours d'un grand soutien à l'Université de Baylor. J'en déduis que vous avez adoré votre expérience universitaire ?

J'ai fait de très bonnes études. J'ai dû acquérir de la rigueur. Quand vous êtes joueur de tennis, vous devez voyager énormément. Vous êtes sur la route pendant des durées incroyables de tournoi en tournoi, donc apprendre à jongler entre vos études et vos activités devient un véritable challenge.

Quelle était votre diplôme ?

Management du marketing. C'est ce que je voulais faire.

J'imagine que vous avez effectivement réussi à maintenir un bon équilibre entre le tennis et vos études. Vos notes étaient-elles bonnes ?

Elles étaient bonnes.

J'ai ouï-dire qu'on vous surnomme la calculette humaine…

J'aime bien les chiffres.

"Je ne parle pas publiquement de mes activités caritatives. Je pense qu'on ne fait pas ce genre de chose pour en tirer de la notoriété"

Avez-vous une mémoire visuelle ?

Je me souviens de pas mal de choses. J'ai parfois dû dire à certains : "Ne me dites pas quelque chose que vous voulez que j'oublie". On me demande souvent "Comment vous souvenez-vous de cela ?" – Je réponds : Eh bien, vous me l'avez dit !

Avez-vous eu des modèles dans votre vie ?

On me le demande souvent et je réponds : "pas vraiment". Vous devez être vous-même. Il y a des choses que les gens font que vous pouvez respecter ou vouloir imiter dans une certaine mesure. Il y a beaucoup de gens pour qui j'ai du respect. Mais le terme "modèle" implique que vous essayez d'imiter quelqu'un jusqu'à un point qui ne m'inspire pas.

Y-a-t-il une histoire d'immigration dans votre famille au niveau de vos parents ou grands-parents ?

La dernière chose que je dirai à propos de ma famille est que ma mère a été expulsée de ce pays à une ou deux reprises et que la famille de mon père était là depuis plus longtemps. J'aime mes parents mais je n'aime pas parler d'eux dans les médias. En réalité, je suis quelqu'un d'assez réservé.

Parlez-moi de vos activités caritatives, et des conseils d'administration auxquels vous siégez dans ce domaine...

Je suis au conseil d'administration de l'université de Baylor et je peux témoigner qu'il s'agit bel et bien d'une association à but non lucratif. Quand vous occupez des postes [exécutifs] comme les miens, vous n'avez pas beaucoup de temps pour autre chose. Je prends part à ce conseil et fais tout ce qui est en mon pouvoir pour aider l'université.

Y-a-t-il d'autres causes que vous aimeriez soutenir ? Vous semblez avoir une affinité pour l'éduction supérieure.

Evidemment. Au vu de mon implications à l'université et ce que j'ai donné, il parait assez clair que j'adore ce domaine. Je crois en la mission de l'université. Je ne parle pas publiquement de mes autres activités caritatives. Je pense qu'on ne fait pas ce genre de chose pour en tirer de la notoriété.

Bill Gates vous a-t-il contacté pour vous parler de son projet The Giving Pledge [projet lancé par Bill Gates et Warren Buffet pour encourager les américains les plus fortunés à donner la majorité de leur fortune à des fins philanthropiques, NDLR] ?

Non.

Vous êtes plutôt du matin ou du soir ?

Je me lève à 4h30. Mon heure de coucher n'est pas aussi régulière que mon heure de lever. Je ne saurais pas l'expliquer. C'est comme si j'avais deux rythmes.

Vous êtes plutôt iPhone, Android ou autre ?

iPhone. Je me suis rendu compte que je pouvais me servir d'un petit appareil et, dans le  même temps, trouver tout ce dont j'ai besoin sur une tablette. Donc un iPhone et une tablette. Ne pas avoir à transporter un ordinateur portable est franchement une bénédiction. Je trouve cela intéressant de pouvoir bénéficier de tout un écosystème depuis la tablette jusqu'à l'ordinateur.

Parmi les applications pas axées business, avez-vous une solution préférée ?

Je suis un grand fan de sports. J'ai tout, de l'application ATP [Association de Tennis Professionnel], à l'application ESPN [bouquet de chaînes de télévision thématiques orientées vers le sport], en passant par l'application du Football américain universitaire. Vous vous ennuieriez si aviez mon iPhone.

Je sais que vous travaillez beaucoup, mais jouez-vous au tennis pendant vos rares moments de temps libres ?

Oui, un peu.

Y a-t-il d'autres sports que vous aimez pratiquer ?

Je ne suis plus bon à aucun d'entre eux.

"J'apprends beaucoup de mes enfants en voyant comment ils interagissent sur les réseaux sociaux"

Avec qui jouez-vous au tennis ?

Avec des gens de mon âge.

En jouant avec un jeune de 23 ou 24 ans, vous vous rendez compte de la force que vous aviez. C'est bien mieux pour moi de jouer avec quelqu'un qui a au moins la quarantaine. Si vous jouez en tournoi, et que vous devez affronter un jeune de 23 ou 24 ans, le problème n'est pas seulement sa façon de frapper la balle mais plutôt sa capacité à le faire longtemps.

[Note: Mark Hurd a 58 ans.]

Vous avez un compte Twitter mais vous ne postez pas grand-chose. Il vous arrive de poster des billets sur LinkedIn. Vous investissez-vous dans d'autres réseaux sociaux ? Facebook avec vos enfants ?

J'apprends beaucoup de mes enfants en voyant comment ils interagissent avec leurs amis sur les réseaux sociaux. Je dirais qu'ils sont moins sur Facebook ces derniers temps. Ils n'envoient pas de mails. Quand je leur dis que je leur enverrai un mail, ils me demandent : "Un mail ?". Ils utilisent beaucoup Snapchat.

Est-ce que vous utilisez Snapchat avec eux ?

Non, je n'utilise pas Snapchat avec eux, mais je vais devoir céder un jour ou l'autre. Leur groupe n'utilise pas beaucoup Facebook, ils sont passés à autre chose. Ils changent constamment. La vitesse à laquelle ils passent à une nouvelle application est incroyable.
 

Vous vivez dans la même petite ville de la Silicon Valley que Meg Whitman, n'est-ce pas ? La connaissez-vous ? La voyez-vous à l'occasion ?

Je la connais, mais non, je ne la vois pas sur Atherton.

Vous voyez surement où je veux en venir… avez-vous une opinion sur la scission que vit HP ?

Non, je n'en ai pas.

Est-ce que cela sera bénéfique pour Oracle ?

Je ne pense pas que ça aura une incidence.

Le partage du poste de PDG chez Oracle ne pourrait-il pas être en fait un test qui se conclura quand le conseil d'administration aura choisi l'un de vous deux ?

Ecoutez, j'ai fait ce travail de PDG à trois reprises. Je l'ai fait seul, puis je l'ai fait avec en binôme. Quand vous travaillez avec quelqu'un comme Safra qui est intelligente, qui connait très bien le milieu, et est une grande compétitrice avec qui il est aisé de travailler, c'est bien plus facile que de faire ce travail seul. J'apprécie chaque minute. Je la vois tout le temps, vraiment tous les jours.

Quand vous travailliez chez HP, les économies de coût étaient au programme. Quelle est votre approche en matière de dépenses, d'investissement et d'économie ?

J'ai toujours à l'esprit de rendre l'entreprise aussi compétitive que possible. Un certain nombre de facteurs rentrent en ligne de compte. Quelle est la stratégie ? L'entreprise a-t-elle une stratégie bien définie ? C’est-à-dire, est-ce que je sais ce que je veux accomplir pour que la société soit mieux placée sur le marché par rapport à ses concurrents, et pour mieux aider les clients ? Deuxièmement, comment faire en sorte que l'entreprise opère de façon optimale en vue de mener sa stratégie à bien ?

"Le but est d'éviter, chaque jour, d'avoir une dépense inutile"

Donc j'ai une stratégie. Puis je trouve comment configurer l'entreprise pour que la stratégie soit une réussite. Enfin, il faut placer les meilleures personnes aux bons endroits pour que tout fonctionne parfaitement. Les trois facteurs sont essentiels. Les trois doivent fonctionner à l'unisson pour que l'entreprise aille dans la bonne direction.

Et quand la compression des coûts devient extrême, ou quand les employés ont l'impression que cette compression devient extrême…

Le but est d'éviter, chaque jour, d'avoir une dépense inutile. Ce n'est pas toujours vrai, mais les gens ont souvent tendance à associer, spontanément, les dépenses liées à la R&D à l'amélioration de la gamme de produits. Si je suis la première personne à vous dire ça, c'est pour une bonne chose : ce n'est pas vrai.

A chaque fois que vous effectuez une dépense, votre objectif est de la rendre aussi efficace que possible. C'est d'ailleurs une de mes sources de fierté chez Oracle. Nos dépenses en R&D, qui sont au passage conséquentes, sont loin d'être importantes comparé à notre capacité à en tirer des résultats. Ce que vous obtenez pour ce que vous dépensez : les deux aspects de l'équation méritent d'être scrutés.

Alors c'est donc cela. Vous avez observé les résultats et vous vous êtes dit "nos dépenses sont encore trop élevées", même si les salariés étaient déjà sous pression…

Les salariés sont importants. Au final, les salariés sont bien plus heureux si l'entreprise est dans une position favorable. Si  l'entreprise n'est pas dans une position favorable, à long-terme, personne ne sera heureux.

Le leadership comprend deux facettes : la stratégie (trouver des idées) et l'exécution (mettre les idées en place). Vous êtes surtout connu pour votre capacité à exécuter. Qu'est-ce que les gens comprennent mal et font mal quand il s'agit d'exécuter ?

C'est excellent de trouver des idées quand vous échafaudez une stratégie. Mais posez-vous la question : cette stratégie mérite-t-elle qu'on travaille dessus ? Y-a-t-il une récompense à la clé ? Beaucoup de gens font cette erreur. Ils ont une bonne idée, mais même si celle-ci est parfaitement menée à bien, elle ne mérite pas forcément tout l'effort qu'ils déploient. Deuxièmement, il y a aussi des stratégies qui, bien que très attrayantes, ne sont pas réalisables par le groupe qui va les mettre en œuvre. C'est le cas quand vous vous dites "c'est une excellente idée", mais qu'il vous manque les compétences ou que le repositionnement qu'elle implique n'est pas réalisable.

Une stratégie doit passer par de nombreux filtres. Je dirais que l'un des aspects importants de l'exécution est de s'assurer qu'une stratégie est effectivement exécutable avant de s'y atteler.

Avez-vous un exemple de projet qui semblait être une excellente idée mais qui ne correspondait pas bien aux compétences des personnes qui l'ont imaginé ?

Mettons qu'une entreprise spécialisée dans le matériel informatique souhaite étendre ses activités aux logiciels. Il est possible que l'idée de départ ait été bonne mais il est aussi possible que l'entreprise ne dispose pas des compétences nécessaires pour exécuter de cette transition. Avoir la stratégie est essentiel, mais ce n'est pas suffisant. Il faut avoir constitué une équipe avec les bonnes personnes pour exécuter une stratégie.

Donc d'après vous, c'est une cause d'échec...

Oui, je dirais que [pour mener à bien une stratégie d'affaires] vous devez vous dire : Voici la stratégie, voici les résultats que nous aurons si la stratégie est efficacement menée à bien, et voici les gens qui vont s'en charger. Ce n'est qu'après avoir déterminé tout cela que vous devriez commencer.

L'un de vos premiers gros projets, quand vous êtes arrivé chez Oracle, était de renouveler la force de vente. Vous avez embauché de nombreux commerciaux. Ce processus est-il terminé ?

Oui, pour un moment.
 

"Si vous me demandez si nous souhaitons échanger notre place contre celles de SAP ou d'IBM, la réponse est non. Permettez moi de répéter : non"

Des commerciaux d'Oracle m'ont fait part d'une pratique propre à l'entreprise, le concept de jump balls (ou balle en l'air en français). Dans cette logique, des clients peuvent être associé à n'importe quel commercial, ce qui mène à des vols de comptes et de l'amertume au sein de l'équipe. Quelle est la stratégie derrière cette mise en concurrence entre commerciaux  ?

Cette dynamique précède, en partie, ma prise de fonction. Quand je suis arrivé ici, il existait un concept de "comptes non-utilisés".  Mark, Julie et Glenn avaient chacun un territoire de vente. Et certains comptes n'avaient aucun territoire attitré. Or, quand l'un d'eux générait quelque chose d'intéressant pour l'entreprise, c'est un manager qui évaluait qui de Mark, Julie ou Glenn allait travailler dessus et en tirer profit.

Ce n'est pas un bon système. La réalité est que, maintenant, nous nous assurons que ces comptes sont bien tous distribués.

Quels autres changements avez-vous apporté aux territoires ?

Vous avez évoqué un cas où les comptes n'étaient pas distribués. Dans beaucoup de cas, les comptes étaient sur distribués. Historiquement, si Mark, Julie et Glenn avaient chacun leurs territoires de vente, nous avions tous de beaucoup de comptes chacun. Mettons que nous avions 100 comptes sur nos territoires respectifs. Nous sommes tous des gens très compétents et talentueux. Nous pourrions probablement nous occuper de quatre ou cinq comptes par an. La question qui émerge naturellement est alors la suivante : que fait-on des 95 autres ? En réalité, la plupart de ces comptes sont dormants. Donc quand vous avez l'ambition de développer votre business, le gros du travail n'est pas de redistribuer les comptes qui n'appartiennent à personne mais plutôt de faire en sorte que chaque territoire comprenne un nombre gérable de comptes.

Vous avez reconnu publiquement qu'il n'est pas toujours facile pour les clients de faire affaire avec Oracle, et que vous souhaitiez changer cela. Que faîtes-vous à ce sujet ?

Plusieurs choses. Nous avons tiré des résultats phénoménaux de notre R&D. Nous faisons l'acquisition de plusieurs entreprises. La bonne nouvelle est que nous obtenons beaucoup de nouveaux produits à partir de la R&D et de nos acquisitions.

Concernant les clients, rien ne me préoccupe autant que ce genre de déclaration : "Je ne savais pas que vous faisiez ça. Je ne savais pas que vous aviez ça". Nos clients ne sont pas assez au courant de nos acquisitions et de nos nouveaux produits, c'est un problème. Mais c'est en même temps une bonne chose car ça nous oblige de nous assurer que nos clients savent précisément ce que nous proposons.

Nous croyons en la spécialisation de notre force de vente. Si vous êtes un commercial chez Oracle, vous connaissez votre produit, vous connaissez votre concurrent et vous connaissez votre client. Dans une certaine mesure, quand vous avez des commerciaux qui s'adressent aux responsables RH, d'autres aux directeurs financiers ou aux responsables de ventes, les clients n'ont pas l'impression que l'ensemble est coordonné pour leur fournir un plan complet sur plusieurs années avec Oracle.

Qu'en est-il des contrats, portant sur des logiciels d'entreprise, qui comprennent des termes draconiens conçus pour piéger les clients à payer plus pour un logiciel ?

Quand vous entendez parler de termes draconiens, la plupart du temps, cela s'explique par les nombreuses acquisitions réalisées par Oracle et le fait que nous devons souvent renégocier des contrats avec les clients de ces entreprises pour qu'ils soient conformes à nos standards. Nous travaillons pour rendre ce processus plus agréable pour nos clients.

Au vu du bouleversement de l'industrie technologique, pensez-vous que le monde comprend la stratégie d'Oracle ?

Depuis mon arrivée, l'action a plus que doublé. En général, vous transformez l'entreprise puis vous obtenez la réussite. Nous avons réussi à doubler la capitalisation boursière de l'entreprise tout en nous transformant. [Note: l'action Oracle s'échangeait à 23 dollars en septembre 2010 et s'élève désormais à environ 45 dollars, après avoir atteint une pointe à 46 dollars en décembre] Je pense que notre position sur le marché est forte et stable. Si vous me demandez si nous souhaitons échanger notre place contre celles de SAP ou d'IBM, la réponse est non.
Permettez moi de répéter : non.

Article de Julie Bort. Traduction par Shane Knudson, JDN.
Voir l'article:
We Had A Surprisingly Fun Conversation With Oracle CEO Mark Hurd. This Is What He Told Us