Quand je serai grand je ne serai pas DSI

Pour le DSI stratège c'est le moment de rassembler digital et informatique, de donner corps à l'entreprise virtuelle en mode miroir ou en mode étendu de l'entreprise physique.

S’il est un métier aux contours difficiles à cerner, c’est bien le métier de directeur des systèmes d’information : Patron de l’usine informatique, Architecte du système d’information et plus rarement directeur général de l’entreprise digitale. Un rôle pas facile, reconnu pour sa compétence technologique mais peu pour sa contribution stratégique.

Récemment, au travers de son président, le Cigref affirmait "La crise du Covid-19 permet aux DSI d’acquérir leurs lettres de noblesse". Lettres de noblesse, pas si sûr, l’avenir le dira.

Depuis le début de la crise, un grand nombre de DSI ont démontré leurs capacités opérationnelles. L’usine informatique a tourné à pleine puissance. Le support technique a relevé le défi de la montée en charge. Le télétravail a pu être appliqué à grande échelle et l'e-commerce s’est envolé. Il est indéniable que les DSI sont les patrons d’usines virtuelles, qui ont permis à de nombreuses entreprises de tenir. On ne peut que saluer la prouesse technique et opérationnelle. Le DSI patron de l’usine informatique : défi relevé !

Mais comment ont-ils fait ? Disons simplement qu’il y a ceux qui, bien avant la crise, étaient préparés avec un maximum de leurs services et de leurs applications en mode cloud. Et puis il y a les autres, ceux qui pour des raisons historiques et parfois obscures ont encore une informatique maison. Pour les premiers, architectes visionnaires ou chanceux, passer massivement au télétravail et booster l'e-commerce a été une manœuvre relativement aisée. Pour les seconds, il a fallu dans l’urgence, peut-être au mépris de la cybersécurité, ouvrir à l’extérieur des services conçus pour n’être utilisés que de l’intérieur pour des raisons de sécurité. L’enfer est pavé de bonnes intentions. Le DSI architecte du système d’information : pas tous visionnaires !

Alors et maintenant ? Nous ne reviendrons pas à la situation d’avant. Les télétravailleurs ne vont pas vouloir retourner au bureau, pas tous les jours. Pour les DSI il va falloir pérenniser et étendre le concept d’entreprise virtuelle, dématérialiser et intégrer, toujours plus. Pour ceux qui en doutaient, le cloud s’est définitivement imposé dans les architectures de système d’information. Pour ceux qui n’en doutaient pas, il va tout de même falloir réfléchir à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Certains se sont fait peur avec la quasi-totalité de leur informatique dans les mains des GAFAM, sous influence d’un président Américain facétieux qui pourrait décréter la priorité nationale en cas de saturation du réseau internet. La refonte de l’architecture du système d’information va devoir passer à la vitesse supérieure : Ouverte et sécurisée, évolutive et économique, globale et locale. Le DSI architecte a du pain sur la planche.

Quoi d’autre ? Les consommateurs, et les clients en général, ne vont pas non plus reprendre leurs habitudes d’avant, pas tout de suite. Pour survivre beaucoup d’entreprises vont devoir s’adapter, trouver d’autres modèles et parfois réduire drastiquement la voilure. La technologie et le DSI ont toute leur place dans cette réflexion stratégique. L’entreprise aussi va devoir se réarchitecturer. Le virtuel a démontré son efficience quand le physique est en coma économique. Pour le DSI stratège c’est le moment de rassembler digital et informatique, de donner corps à l’entreprise virtuelle en mode miroir ou en mode étendu de l’entreprise physique. Le DSI directeur général de l’entreprise digitale doit se mettre en marche vers le comité exécutif et influer sur les choix stratégiques.

Difficile cependant pour une même personne d’être à la fois patron d’usine, architecte de systèmes et dirigeant stratège. Certains DSI ont réussi ce défi mais ils sont encore peu nombreux. Le secret de la réussite ? Le talent personnel bien sûr et aussi d’avoir su réunir les bonnes compétences managériales autour de soi. Un responsable de la cybersécurité qui sait équilibrer risques et résilience, un architecte qui sait faire évoluer l’ancien vers le nouveau, un responsable des études qui sait travailler avec les métiers en mode agile sans en faire un dogme absolu, un patron de la production qui pense services et pas uniquement procédures. La première condition pour le DSI stratège c’est de savoir s’entourer et de faire confiance à des managers opérationnels et matures, tant en France qu’à l’international pour les grandes entreprises. Réunir des compétences techniques pointues ne suffit pas. Il faut des managers performants pour en tirer le meilleur parti. Force est de constater que cette ressource managériale efficiente et efficace fait souvent défaut dans les organisations. Pour s’assoir à la table des dirigeants et garder le contrôle de l’usine informatique en pleine transformation, il va sérieusement falloir renforcer le management.

Alors pour ceux qui souhaitent progresser, c’est peut-être maintenant. Non, quand je serai grand je ne serai pas DSI. Je serai directeur général de l’entreprise digitale et j’aurai complètement acquis mes lettres de noblesse.