Amazon Ads : les acheteurs affluent, les prix grimpent
Les CPC sur Amazon ont augmenté de 45% en l'espace de 6 mois aux Etats-Unis. Une inflation qui pourrait perdurer si la plateforme ne diversifie pas rapidement son offre publicitaire.
Amazon, champion des prix bas ? C'est peut-être vrai pour tout ce qui touche à l'e-commerce mais ça l'est moins en ce qui concerne sa division publicitaire, Amazon Ads, dont les prix se sont envolés au cours des derniers mois. "Le CPC moyen des campagnes sponsorisées a augmenté de 45% entre janvier et juin 2021 aux Etats-Unis", témoigne François Costa de Beauregard, fondateur de M19, société qui accompagne les marchands dans leur stratégie marketplaces. Sollicité par des clients qui s'étonnaient que leurs campagnes ne soient pas aussi performantes que d'habitude, le dirigeant a passé au crible les prix pratiqués par la plateforme. "On voit que le CPC moyen est passé de 0,75 à 1,15 dollar en l'espace de 6 mois outre Atlantique."
Le phénomène est moins marqué en Europe mais certains pays, comme la France, font eux aussi face à cette inflation. "Le CPC moyen a graduellement augmenté entre janvier 2021 et mai 2021 en France, passant de 0,43 à 0,47 euro, pour exploser en juin et s'établir à 0,61 euro", chiffre François Costa de Beauregard. Le Prime Day, cette vente flash d'Amazon qui se tenait les 21 et 22 juin en France, est bien sûr en partie responsable de cette inflation. Tout comme l'arrivée de formats plus premiums, telle que la vidéo sponsorisée, qui bien que minoritaires dans les budgets médias tirent la moyenne vers le haut. Mais il faut aussi y voir les conséquences d'un durcissement de la concurrence pour les emplacements publicitaires du géant de l'e-commerce.
Sur Amazon comme chez Google, c'est la logique d'enchères qui prévaut. Chaque emplacement est proposé à un pool d'enchérisseurs et octroyé au plus offrant. "Plus il y a d'annonceurs avec davantage de budgets médias et plus le niveau de CPC augmente", résume Guillaume Valicon, VP retail media chez Jellyfish. C'est ce qui se passe actuellement alors que la crise du coronavirus et les nombreux confinements qu'elle a occasionnés ont contraint la plupart des marchands à basculer leurs investissements sur le digital. 2020 a certes fait gagner deux à trois années à l'e-commerce mais il a également exposé les acteurs du secteur à une concurrence d'un nouveau genre, qu'il s'agisse de retailers qui n'avaient pas de présence digitale ou de pure-players qui ont flairé le bon filon. Amazon ne fait pas exception, lui qui a accueilli 369 000 nouveaux vendeurs depuis le début de l'année selon le site Marketplace Pulse.
"70 à 100% de l'espace visible est désormais réservé à la publicité sur des requêtes standards comme 'écouteurs sans fil'"
La présence des nouveaux arrivants se fait d'autant plus sentir que pour exister sur Amazon, il est devenu indispensable de payer. "70 à 100% de l'espace visible est désormais réservé à la publicité sur des requêtes standards comme 'écouteurs sans fil'", assure François Costa de Beauregard. Les vendeurs ne peuvent plus se contenter de leur présence organique pour alimenter leur chiffre d'affaires et il leur faut donc passer à la caisse. "Les marques ont enfin mesuré l'importance du paid media pour assurer de la visibilité et du trafic sur leur page produit", constate Guillaume Valicon. Cette prise de conscience n'est pas sans effet pour les vendeurs de la marketplace d'Amazon. "Aux Etats-Unis, il s'agit le plus souvent de grosses PME qui n'ont pas d'autre choix que de surenchérir car l'intégralité de leur activité digitale provient d'Amazon", analyse François Costa de Beauregard. A noter qu'en France, la présence de contrepoids comme Cdiscount ou Fnac-Darty permet aux acteurs en présence de compenser cette inflation Amazon en panachant leur mix media chez des concurrents.
"Les acheteurs vont devoir mettre plus d'intelligence dans leur stratégie d'enchère pour se concentrer sur les contextes qui convertissent le mieux"
Aux Etats-Unis comme en France, il ne s'agit pas de savoir si cette hausse va se poursuivre mais… à quelle vitesse elle va se propager, à en croire François Costa de Beauregard. "La rentabilité de nombreux marchands va progressivement être affectée", assure l'expert. Ces derniers auront alors deux options. Couper les budgets et dépenser moins ou tenir la ligne et dépenser mieux. "Ils vont devoir mettre plus d'intelligence dans leur stratégie d'enchère pour se concentrer sur les contextes qui convertissent le mieux", poursuit François Costa de Beauregard. C'est déjà le cas à en croire Guillaume Valicon. "Certains acheteurs n'ont aucun scrupule à augmenter leurs niveaux d'enchères car ils savent que cette hausse ne se répercutera pas forcément sur leur ACOS (advertising cost of revenue, ndlr)." Car Amazon n'est pas si avare que ça en données. "On n'a rien concernant l'utilisateur mais on a pas mal de marge de manœuvre sur les performances des couples mot clé-page produit", rappelle François Costa de Beauregard. Les acheteurs peuvent, par exemple, analyser deux mois d'historique pour identifier les couples qui ont la meilleure probabilité de conversion.
On imagine aussi qu'Amazon fera son possible pour renverser la tendance en apportant plus de liquidité à son inventaire publicitaire. Une certitude, la croissance de son audience ne sera pas suffisante. Ses CPC ont augmenté fortement alors même que le trafic d'Amazon a explosé entre 2020 et 2021. Il ne lui reste donc plus qu'une possibilité : proposer de nouveaux formats publicitaires. Mais avec des pages de résultats et des pages produits déjà bien fournies en publicité, sa marge de manœuvre est, ici encore, plutôt réduite. "A la rigueur, il reste un peu de place sur les côtés et le bas des pages produits", suggère Guillaume Valicon. François Costa de Beauregard observe lui qu'"Amazon pousse beaucoup l'offre de son DSP, pour inciter ses marchands à diffuser de la publicité en dehors de son écosystème." Mais ils sont encore rares à mordre à l'hameçon. "Les emplacements actionnables via le DSP sont, hors retargeting, moins ROIstes que ceux proposés au sein d'Amazon", rappelle Guillaume Valicon.
"Il va se passer la même chose que sur Google Adwords il y a quelques années, avec un rééquilibrage naturel des prix"
Difficile pour un vendeur de la marketplace de se résoudre à recourir au DSP d'Amazon pour faire de l'awareness quand il peut acheter du sponsored product en quelques clics. D'autant que ce sont souvent des collaborateurs issus de la division retail qui pilotent les budgets. "Pour ces acteurs, vendre des produits est beaucoup plus important que travailler la considération de marque", avance Guillaume Valicon. Amazon en a conscience et multiplie les metrics pour les rassurer. "Sur les formats comme la vidéo, Amazon remonte désormais les taux de complétion sur les différents quartiles. Il communique également une metric intéressante 'new to brand' qui permet à une marque de connaître la part de ses acheteurs qui sont nouveaux", illustre Guillaume Valicon. Suffisant pour permettre à Amazon de convaincre les marques de basculer une partie de leurs budgets là-dessus ? Pas sûr… Mais ce n'est, à en croire Guillaume Valicon, pas forcément un problème. "Il va se passer la même chose que sur Google Adwords il y a quelques années, avec un rééquilibrage naturel des prix, que ce soit parce que les acheteurs sont plus matures ou que les formats proposés sont plus diversifiés."