Amazon éteint son service d'ad server fin 2024 : est-ce grave docteur ?

Amazon éteint son service d'ad server fin 2024 : est-ce grave docteur ? Pour certains analystes, Amazon se défait d'un outil stratégique qui aurait pu lui permettre de réduire le monopole de Google. Pour d'autres, l'opération est indolore pour Amazon.

L'information est arrivée en France en catimini grâce à un article publié sur Mediapost aux Etats-Unis : Amazon va cesser de proposer son service d'ad server à partir de fin 2024. En France, pas de bruit. "J'ai juste reçu un e-mail automatisé annonçant la nouvelle, mais sans plus", nous confie le responsable d'une importante agence média souhaitant rester anonyme. Même le service Amazon Ads en France aurait été pris de court et mis devant le fait accompli.

"Amazon avait tout fait pour attirer ses clients avec des cas d'usage de mesure très intéressants"

Pourquoi cette décision, alors que la plateforme s'est empressée en 2019 de se procurer cette technologie en acquérant des briques de l'entreprise en faillite Sizmek, alors deuxième acteur mondial du secteur bien que loin derrière Google Ad Manager. A l'époque Amazon aurait déboursé 30 millions de dollars pour acquérir à la fois l'ad server et l'outil d'optimisation dynamique des campagnes (DCO) de Sizmek. Ce n'est rien certes comparé aux revenus publicitaires de la plateforme à la veille de cette acquisition, de 10 milliards de dollars en 2018 selon Forrester (et 38 milliards de dollars en 2022), mais tout de même.

"L'ad server était la pierre angulaire d'Amazon pour capter des clients de chez Google et permettre ainsi à la plateforme d'augmenter son empreinte sur le marché publicitaire, y compris en captant des annonceurs non endémiques, qui ne vendent pas sur sa place de marché", explique notre observateur anonyme. "Amazon avait tout fait pour attirer ses clients avec des cas d'usage de mesure très intéressants et la fonctionnalité de création dynamique", poursuit-il. En disposant de l'ad server d'Amazon, l'annonceur pouvait par exemple analyser les performances, sur les ventes chez Amazon, des campagnes de type direct to consumer activées en-dehors de l'écosystème Amazon, comme via Criteo, les réseaux sociaux ou l'open web. "Visiblement cela n'a pas marché", regrette-t-il. La décision d'Amazon d'éteindre son ad server d'ici fin 2024 serait donc la preuve d'un échec ?

Rien de tel pour Lawrence Taylor, président de Retail 4 Brands, pour qui le serveur publicitaire n'est plus un outil central et stratégique pour les annonceurs et ne l'a peut-être jamais été pour Amazon. "Cette décision n'aura aucun impact sur le business d'Amazon", déclare-t-il. Pour comprendre son raisonnement, souvenons-nous de la fonction d'un ad server : stocker et placer la publicité, cibler, puis mesurer ses performances et contrôler la fréquence de sa diffusion. "Au départ, l'intérêt de l'ad serving était de permettre de disposer d'un contrôle universel de la diffusion de son message et de la mesure de ses performances en faisant sauter les silos. Mais en cinq voire dix ans, le marketing digital a changé avec la montée en puissance des walled gardens", explique Lawrence Taylor. En d'autres termes, quel intérêt pour un annonceur de s'équiper d'un ad server si toutes les plateformes où il passe son temps à diffuser des campagnes lui fournissent ces mêmes services et données ?

"Sizmek a permis à Amazon de renforcer la compréhension de ses propres audiences"

Une autre valeur forte de Sizmek était son outil de DCO : "La réalité, c'est que la DCO n'a jamais vraiment pris à grande échelle, on n'a jamais réussi à relier une audience à son contenu, à part dans les efforts e-commerce. Or, Google, Facebook, Criteo font de la personnalisation at scale et cela est soit offert soit inclus dans les frais de gestion de campagnes", ajoute-t-il. Par ailleurs, le fait que les annonceurs ne voulaient pas mettre tous leurs œufs dans le même panier explique également en partie pourquoi la solution n'a pas pris non plus auprès des clients habituels d'Amazon Ads. Cerise sur le gâteau, le fait de s'équiper de l'ad server d'Amazon ne fournissait pas aux annonceurs l'accès à la data shopper de la plateforme. Rien de plus logique par conséquent pour Amazon, selon ce spécialiste, que de déconnecter une solution n'offrant aucun intérêt stratégique à un moment où la société cherche à réduire ses dépenses. "Sizmek est un investissement qui n'a pas coûté cher, qui a permis à Amazon de renforcer la compréhension de ses propres audiences et surtout a contribué à étendre son réseau de clients notamment auprès des agences grâce aux ressources humais et commerciales de l'adtech", conclut Lawrence Taylor.

Sauf justement que la DCO e-commerce compte beaucoup pour le marché quand il s'agit de travailler avec Amazon. "La fin de l'outil est une mauvaise nouvelle pour l'industrie, pas tant pour le volet mesure, qui finalement perdra de son importance avec la fin des cookies tiers, mais pour la DCO. Cette dernière est une fonctionnalité importante pour améliorer les performances des campagnes activées via le DSP. Sans cela on se demande bien comment tout cela va s'opérer", poursuit notre analyste anonyme. Les informations concernant le maintien ou non de l'outil historique de DCO sont en effet contradictoires : si la plateforme déclare maintenir la DCO de son ad server jusqu'à fin 2024 et pas au-delà, elle confirme que les fonctionnalités de création dynamique continueront d'exister au sein de son DSP et de ses programmes de liens sponsorisés. Contactés par le JDN, deux responsables d'Amazon Ads en France n'ont pas donné suite à notre sollicitation.