Alban Peltier (Antvoice) "L'acheteur média devra être capable de gérer des dizaines de solutions pour remplacer les cookies tiers"

Pour Alban Peltier, CEO du DSP AntVoice, l'avenir de l'open web est menacé sans une solution qui facilite l'activation par les annonceurs des différentes alternatives aux cookies tiers.

JDN. AntVoice fait de l'achat média basé sur de l'analyse prédictive et à ce titre vous êtes bien placé pour connaître la réelle disponibilité des cookies tiers sur le marché. Quelle est-elle ?

Alban Peltier est le CEO d'AntVoice © Antvoice

Alban Peltier. Le terrain de jeu est de 50%. Si vous prenez en compte à la fois l'action des ad blockers, les environnements où les cookies tiers ne sont pas autorisés, comme chez Mozilla Firefox et Safari, et la part des internautes qui ne donnent pas leur consentement à la collecte et au traitement de leurs données de navigation, le bassin d'audience mesurable et activable avec des cookies tiers sur l'open web n'est que de 50%, alors qu'il était pratiquement de 100% il y a six ans. Les budgets médias évoluant d'année en année, à la fin vous vous retrouvez avec une surreprésentation de certains internautes. C'est une situation qui n'est satisfaisante ni pour les marques, qui se battent pour les mêmes personnes, ni pour ces internautes, sursollicités par la publicité.

Cela fait plusieurs années que différentes solutions alternatives  aux cookies tiers tentent de s'imposer sur le marché. Lesquelles vous paraissent crédibles ?

Il existe une palette extrêmement variée de solutions, entre celles qui se basent sur des ID déterministes, probabilistes, hybrides, les cohortes, etc. La situation est très fragmentée et il n'y a pas de solution miracle qui réponde à tous les besoins et cas d'usage. En somme, la situation n'est pas satisfaisante. A titre d'exemple, toutes les analyses de bid stream que nous avons faites de ces solutions d'ID nous permettent de constater que chacune d'entre elles n'adressent pas plus de 20% des audiences.

Les vendeurs d'espaces  s'investissent beaucoup pour tester et implémenter ces solutions car leur business est en jeu. En revanche, les annonceurs et les agences ne les ont tout simplement pas encore adoptées. Bien que ces derniers soient conscients que la fin des cookies tiers sur Chrome approche (selon Google, l'arrêt sera progressif à partir du deuxième semestre 2024, ndlr), en pratique ils se sentent assez peu concernés par cette question.

Quel est votre avis sur les solutions basées sur les individus de type ID universel ?

Ces solutions peuvent être de nature déterministe ou probabiliste. Les premières se basent sur l'e-mail pour générer l'ID et souffrent d'un volume limité puisque les internautes ne se loguent pas beaucoup. Nous estimons leur reach entre 5% et 15%. Même si beaucoup de médias ont compris l'importance de favoriser le login, les internautes n'acceptent pas de se loguer partout, ce qui limite la portée de ce type de stratégie. Quant aux méthodes probabilistes, de type fingerprinting, elles se basent sur des signaux faibles et notamment sur l'IP, dont on sait que Google a l'intention de ne plus autoriser l'usage. La question de la pérennité des méthodes probabilistes se pose donc.

Concernant la méthode par cohortes utilisée notamment par la Privacy Sandbox, quel est votre avis ?

Deux systèmes fonctionnent en parallèle : un lié aux sites, nous venons de le voir, et l'autre imposé par le navigateur, la Privacy Sandbox dans le cas de Chrome. Au sein de la Privacy Sandbox, vous avez Topics pour la segmentation des audiences en fonction de leur navigation, ainsi que Protected Audience, pour le retargeting et les API d'attribution. Aujourd'hui les Topics sont déjà en place, mais avec un problème majeur : Google attribue des topics beaucoup trop généralistes aussi bien aux éditeurs qu'aux utilisateurs qui ne permettent pas de qualifier le contenu consulté à de fins de ciblage des campagnes. Concernant Protected Audience, l'API prévue pour le retargeting, ce sera un outil très intéressant qui pourra être mobilisé également par les éditeurs pour la création de cohortes d'audiences qu'ils pourront mettre en valeur auprès d'annonceurs qui cherchent à acquérir du trafic qualifié. Le même type de raisonnement pourra être appliqué dans Seller Defined Audiences.

Et le contextuel ?

Sur le papier, le ciblage contextuel est très intéressant mais la réalité est que son volume est très insuffisant pour répondre aux objectifs de performance. Sur le top 5 des sites médias, on ne trouvera pas de contexte permettant de toucher un segment de lecteurs intentionnistes sur un modèle précis de bien. Le reach est ultra faible.

Si rien n'est réellement satisfaisant, que faire ?

Ces solutions sont complémentaires et vont cohabiter. Elles sont très variables en termes de reach, de profondeur et de méthode. Pour que leur activation soit envisageable par les marques il faudra une sorte de surcouche qui active pour ces dernières les différentes possibilités en les combinant  en fonction des besoins de l'annonceur. Si on veut que l'open web continue de se financer il faudra bien qu'une solution aide à reconnecter les acheteurs aux médias.

Quelle solution AntVoice propose-t-il ?

Nous comptons redonner au trading média la capacité de gérer des dizaines de solutions en parallèle et cela passe par davantage d'intelligence artificielle. Pour chaque marque, l'algorithme établira de scores pour qualifier les techniques les plus à même de mieux répondre aux besoins. Nous y travaillons en ce moment, mais le chantier est immense.